La République Arabe Unie (proclamée le 1er février 1958) n’est pas un État définissable par sa superficie, sa population, sa production, sa structure et sa politique, mais un mythe, entièrement issu de la personnalité de son fondateur, Gamal Abdal Nasser.
La République arabe unie et le mythe nassérien
Récemment convié à présenter, dans un cycle consacré aux principaux États orientaux, un exposé sur la République Arabe Unie, nous avons dû, en préparant cette contribution, constater que les cadres habituels de l’étude d’un État s’y adaptaient très malaisément. Qu’il s’agisse de la consistance territoriale de la R.A.U., de ses ressources présentes ou futures, de son équilibre social, de ses structures internes ou de sa politique étrangère, il semblait impossible d’étudier aucun de ces aspects apparemment concrets, sans faire entrer en ligne de compte une puissante influence personnelle, celle du Président Gamal Abdel Nasser, fondateur de l’État sous sa forme actuelle. Un examen attentif des choses semblait impraticable et stérile, et tout recommandait, paradoxalement, de faire place à des traits irrationnels et d’enregistrer les éclats et les contrecoups de la passion.
Il nous parut donc sage de présenter l’exposé demandé en déclarant, d’emblée que la République Arabe Unie n’était pas un État définissable par sa superficie, sa population, sa production, sa structure et sa politique, mais un mythe, entièrement issu de la personnalité de son fondateur. L’allure paradoxale de pareille thèse risquait sans doute de surprendre, mais offrait quelque chance de susciter la réflexion. Et il nous paraissait opportun de faire sentir à un public occidental combien, dans la réalité politique de l’Orient, passions et idées primaient effectivement les faits jusqu’à les démentir totalement et en triompher à l’occasion.
La notion de « mythe » éclairera donc utilement, croyons-nous, la conjoncture orientale d’aujourd’hui. Encore convient-il de définir ce terme. Nous ne le prenons pas ici dans son sens « figuré et familier » du Littré : « Ce qui n’a pas d’existence réelle », mais nous nous référons à cette signification particulière subtilement relevée par le même auteur : « Récit relatif à des temps ou à des faits que l’histoire n’éclaire pas, et contenant soit un fait réel transformé en notion religieuse, soit l’invention d’un fait à l’aide d’une idée ». Il ne nous paraît pas malhonnête, comme « Bajazet » compensait par l’éloignement des lieux la proximité des temps, de transposer de l’antiquité classique à l’actualité arabe cette définition, dont la chronique orientale de ces dernières années constitue un inattendu commentaire.
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