Armée et Politique
Aux yeux de beaucoup de Français, les deux termes d’Armée et de Politique semblent peu faits pour s’associer. De vieux préjugés en sont responsables, qui nous assurent en effet que l’Armée doit tirer sa force de l’isolement moral et spirituel. Il faut, dit-on, la maintenir en dehors des remous de la politique. Et, avec une logique un tantinet boiteuse, on prétextera aussi du manque d’aptitude des militaires aux affaires publiques (alors qu’il s’agit précisément de les y rendre entièrement aptes), ou encore du danger des dictatures (lesquelles ne sont pas, dans l’histoire, l’apanage du soldat).
Une fois de plus on s’exposera ainsi à être captif des mots, pour se soumettre à leurs premières résonances. Ceux que nous avons mis ici en exergue sont bien, tous deux, générateurs de ces « idées toutes faites », dont un chef militaire étranger disait, avec quelque suffisance, « qu’elles représentaient, en même temps que la bêtise humaine et l’administration des bureaux, l’une des maladies les plus difficiles à soigner ».
Dans notre pays, l’Armée qui, sous l’empire des événements de ce siècle, a subi des transformations radicales, modifiant sa structure et son âme plus profondément encore que son visage, continue, devant une grande partie de l’opinion, à posséder les mêmes traits qu’il y a cinquante ans : rigidement charpentée, presque monolithique (le régiment aligné à trois bataillons de quatre compagnies de quatre sections la symboliserait assez bien), imperméable, honnête, un peu naïve, suivant de loin les progrès de la science et de la technique, prête à se rassembler pour défendre en ordre compact la ligne bleue des Vosges ou le cours romantique du Rhin. Peut-être accentuons-nous un peu trop les traits de cette image fausse et nostalgique. Elle n’en habite pas moins l’esprit de beaucoup de nos compatriotes et spécialement des générations anciennes.
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