Otan - Raidissement à l'Est - Le départ du général Valluy - Organisation du Traité de l’Asie du Sud-Est (Otase)
Raidissement à l’Est
Le Conseil permanent de l’Otan réuni le 19 mai 2023 a pris acte de l’échec de la Conférence de Paris, ou plus exactement du « fait que, en raison de l’attitude adoptée par le Président du Conseil des ministres de l’Union soviétique, il n’a pas été possible d’aborder à la conférence au sommet l’examen des problèmes dont il avait été convenu qu’ils seraient débattus entre les quatre chefs d’État ou de gouvernement ».
Après avoir entendu les déclarations des ministres des Affaires étrangères de France (Maurice Couve de Murville), du Royaume-Uni (Selwyn Lloyd) et des États-Unis (Christian Herter), le Conseil a réaffirmé la solidarité complète des pays de l’Alliance et approuvé pleinement l’attitude des trois chefs d’État occidentaux, « convaincus que toutes les questions en suspens doivent être réglées non par l’usage ou la menace de la force, mais pacifiquement et par la voie de négociations, et prêts à prendre part à de telles négociations dans l’avenir à tout moment qui paraîtrait approprié ».
En fait, dès le 15 mai 1960, la Conférence était condamnée, une note soviétique posant à son ouverture des conditions inacceptables et envisageant son report à six ou huit mois de date. Les violences verbales de M. Khrouchtchev à l’égard du président des États-Unis, ses exigences impossibles ne pouvaient que provoquer une cohésion plus grande des trois alliés déjà fermement résolus à s’opposer unanimement à ses projets sur Berlin-Ouest et l’Allemagne de l’Est. Quels que soient les mobiles auxquels ait obéi le chef de la diplomatie du Kremlin pour provoquer délibérément l’échec d’une rencontre dont il avait été l’instigateur, en en rejetant la responsabilité sur l’impérialisme américain et en élevant le ton jusqu’à l’invective grossière, il faut s’attendre dans le proche avenir à de nouvelles initiatives soviétiques aggravant la tension internationale, notamment lors de l’assemblée générale de l’ONU. « Nous devons nous tenir prêts, prêts à de nouvelles menaces et à de nouveaux dangers dans une atmosphère internationale plus tendue » a déclaré M. MacMillan, Premier ministre britannique, aux Communes.
La campagne contre les bases aériennes en territoire étranger est de nature à ébranler la cohésion de l’Otan. La menace proférée par le ministre de la Défense de l’Union soviétique, le maréchal Malinovsky déclarant explicitement que son gouvernement garantirait l’inviolabilité non seulement de son propre espace aérien mais aussi celui de la Chine et des autres pays communistes, est un fait nouveau qui autorise l’exploitation jusqu’à son paroxysme du moindre incident.
Il est trop tôt encore pour tirer toutes les conséquences de cette rupture du 16 mai : plus que jamais une politique et une stratégie concertées de l’Occident sont nécessaires à la sauvegarde de la paix.
Le départ du général Valluy
Pour avoir passé les huit dernières années de sa carrière dans les plus hauts postes de l’Otan, successivement comme chef d’état-major adjoint au Grand Quartier général des puissances alliées en Europe (SHAPE), chef de la délégation française au Groupe permanent de Washington, et enfin commandant en chef des Forces alliées Centre-Europe où il avait succédé en 1954 au maréchal Juin, le général Jean Étienne Valluy, outre sa connaissance approfondie des rouages de l’Otan, s’était acquis un prestige personnel considérable. C’est dire les regrets que laisse à Fontainebleau un chef hautement conscient de ses responsabilités et qui n’avait pas pour habitude de les éluder. Il avait lancé à maintes reprises de graves avertissements et des jugements sévères sur l’insuffisance du bouclier européen de l’Otan et sur les problèmes toujours laissés sans solution d’un efficace soutien logistique des forces ou du contrôle de l’utilisation de l’arme nucléaire. Apôtre de la « stratégie de l’avant », il n’a pas tenu qu’à lui qu’un dispositif plus cohérent de défense fût réalisé : encore s’est-il inlassablement efforcé de faire travailler en commun les grandes unités des huit nations placées sous son commandement.
Quelques jours avant son départ, devant les journalistes accrédités au SHAPE, il a retracé l’évolution de la défense militaire de l’Europe dont on lira plus loin dans la chronique militaire un ample exposé.
Après avoir fait ses adieux aux quartiers généraux de ses commandements subordonnés : Groupe d’armées Centre, Forces françaises en Allemagne (FFA), VIIe Armée US, 1er Commandement aérien tactique (Catac), 4th Allied Tactical Air Force (ATAF), Groupe d’armées Nord, Forces belges en Allemagne, le général a effectué une série de visites protocolaires à Luxembourg, Bruxelles, Bonn, La Haye et Londres. Il a reçu des mains du général de Gaulle, au cours d’une cérémonie dans la cour des Invalides, les insignes de Grand-Croix de la Légion d’Honneur et a pris congé définitivement, le 15 mai, de son quartier général de Fontainebleau après une prise d’armes et une brillante réception.
Le général d’armée aérienne Challe, qui vient d’être élevé aussi à la dignité de Grand-Croix de la Légion d’Honneur, a pris son commandement à Fontainebleau le 16. Dans son ordre du jour, il a rendu un hommage vibrant à son prédécesseur, et en conviant ses subordonnés à poursuivre son œuvre, il leur a proposé comme devise : « Servir et faire face ».
Organisation du Traité de l’Asie du Sud-Est (Otase)
Faisant suite à une session des conseillers militaires présidée par l’amiral Felt, commandant de la Flotte US du Pacifique, le Conseil ministériel de l’Otase s’est ouvert le 31 mai à Washington par un discours de M. Nixon qui a déclaré entre autres que le monde libre doit, face aux puissances communistes, adopter une politique « ferme mais non belliqueuse » et s’en remettre aux voies de la diplomatie traditionnelle plutôt qu’aux procédures décevantes des rencontres au sommet.
Cette session dont les délibérations sont gardées secrètes revêt une exceptionnelle importance : c’est, en effet, la première rencontre des ministres des Affaires étrangères depuis l’échec de la conférence au sommet, échec auquel n’est peut-être pas étrangère une pression accrue de la Chine populaire sur la politique de Moscou. Les développements de la situation en Corée depuis la chute du président Syngman Rhee et l’ampleur des manifestations au Japon contre le pacte de sécurité nippo-américain ne manqueront pas de retenir l’attention du Conseil, ainsi que l’éventualité d’une nouvelle offensive de la Chine communiste contre les îles Quemoy.
Dans l’aire proprement dite de l’Otase, on estime que les points les plus immédiatement menacés par la pénétration communiste sont le Laos et le Sud-Vietnam. ♦