À propos de l'article de l'amiral Lepotier sur les « Les routes de rechange antarctiques » publié en janvier 1957.
Correspondance - À propos des routes de rechange antarctiques
L’Amiral Lepotier écrit dans son article « Les Routes de rechange antarctiques », publié dans le numéro de janvier de la Revue de Défense Nationale :
« Si le chef allemand (amiral von Spee) n’avait pas commis l’imprudence inexplicable de se présenter devant les croiseurs de bataille anglais charbonnant aux Falkland, ces derniers auraient ignoré son irruption dans l’Atlantique sud. »
L’explication a été donnée dans un livre paru à Londres en 1936 (1) et dont l’auteur est un des chefs de l’espionnage allemand pendant la guerre 14-18, de Rintelen. Il avait été envoyé aux États-Unis avec mission de détruire les convois de munitions dirigés sur l’Europe. À son retour il fut fait prisonnier et interné en Angleterre. — L’Intelligence Service ne se vante jamais de ses réussites, mais entre agents secrets on se fait parfois des confidences.
Voici celles que de Rintelen déclare avoir reçues de Lord Herschell, un des chefs de l’Intelligence Service, pendant sa captivité.
L’Intelligence Service disposait à Berlin même d’un agent secret ayant connaissance du chiffre de la marine allemande. Après sa victoire de Coronel, Von Spee, qui se trouvait à Valparaiso du Chili, reçut l’ordre de se rendre aux Falkland pour y détruire la station de T.S.F. de Port-Stanley. Il en fut fort étonné… mais exécuta l’ordre… qui émanait de l’agent secret.
En même temps, les deux croiseurs de bataille anglais, l’Invincible et l’Inflexible quittaient secrètement la Méditerranée et faisaient route à toute vapeur vers les Falkland. Pour que leur départ ne soit pas signalé, ils avaient été remplacés par deux vaisseaux camouflés et donnant leurs silhouettes.
Le 8 décembre 1914, la flotte de l’amiral von Spee arriva aux Falkland un peu en avance sur les prévisions. Les deux croiseurs anglais étaient encore en train de charbonner mais furent prévenus à temps.
Étant donné la disproportion des forces en présence l’issue du combat était fatale. Les croiseurs de von Spee sombrèrent « pavillon haut » car l’empereur Guillaume avait, au début de la guerre, signé un ordre aux termes duquel il était formellement interdit à tout navire de la flotte de guerre allemande d’amener son pavillon.
Un auteur allemand a publié le rapport adressé par le ministre de la marine au Kaiser au sujet de la bataille des Falkland. Il exaltait avec raison l’héroïsme des marins allemands, mais en travers du passage où il concluait, l’empereur avait écrit de sa main : « Je ne comprendrai jamais ce que l’amiral von Spee était allé faire aux Falkland ».
Évidemment…
Les Anglais n’avaient d’ailleurs fait que rendre aux Allemands la monnaie de leur pièce. En effet, en août 1914, les croiseurs anglais qui serraient de près le Goëben et le Breslau en route vers Constantinople, firent soudain demi-tour pour se rendre à un rendez-vous du côté de Malte. Le service secret allemand avait aussi le chiffre secret de l’Amirauté anglaise.
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(1) Sous le titre : Le sombre envahisseur.