L’Otan serait-elle en passe de s’européaniser ? Ce serait alors moins la conséquence d’un engagement d’Européens désireux de contrôler l’Alliance que celle du retrait militaire et politique américain. On passerait alors d’une alliance post-américaine à une Otan européo-centrée. Mais ce processus d’européanisation exigerait des Européens le développement d’une position politique cohérente et l’amélioration de leurs engagements militaires et capacitaires. Telle est la thèse développée par les auteurs.
L’Otan : une européanisation par défaut
Europeanisation of NATO by default
Is NATO in the process of becoming more European? If so, it is less a result of positive desire of Europeans to control NATO than one of American political and military withdrawal. We would seem therefore to be passing from a post-American Alliance to a Europe-centred NATO, but this process of Europeanisation requires Europeans to develop a coherent political position and to make a marked improvement in their military and capability commitments. Here is the thesis presented by the authors.
Malgré son succès, l’intervention de l’Otan en Libye en 2011 est un exemple flagrant du malaise de l’Alliance. Elle révèle deux tendances concomitantes auxquelles les nations alliées doivent faire face : les États-Unis dirigent leur intérêt stratégique et leurs moyens vers le Pacifique et les Européens perdent leurs capacités de défense. L’Alliance transatlantique se retrouve dès lors en position critique. Les États-Unis attendent de leurs alliés qu’ils assument un rôle plus important dans les affaires de l’Otan, mais au vu de l’état fragile de la défense européenne et du manque d’engagement politique, les nations de ce côté-ci de l’Atlantique semblent malheureusement accablées par cette promotion. Si les Européens ne prennent pas la situation en main, ils se trouveront embarqués dans une européanisation par défaut, subie, sans participation active de leur part et sans but.
Le débat sur le partage de l’effort reprend
Dans son discours du 10 juin 2011, l’ancien secrétaire américain de la Défense, Robert M. Gates, s’était montré profondément inquiet de la contribution européenne aux combats de Libye et de l’état de l’Alliance atlantique en tant que telle. Selon lui, deux raisons expliquaient les défaillances du système : un manque de capacités et un manque de volonté politique. « À vrai dire, la plupart des alliés inactifs le sont, non pas par volonté, mais par la force des choses. Ils n’ont pas les ressources militaires nécessaires » (1). En résulte ce qu’il appelait « une alliance à deux vitesses ». Quand Gates prévient que « la patience des États-Unis va s’émousser quand il s’agira d’octroyer des fonds toujours plus précieux à des nations qui ne consacrent pas à la défense les moyens nécessaires et n’opèrent pas les changements requis pour être des partenaires sérieux et capables d’agir pour leur propre défense », il exprime une frustration qui a couvé pendant des décennies. Effectivement, la rhétorique américaine sur le partage des efforts peut difficilement être considérée comme novatrice ou révolutionnaire.
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