Sur la base d’un diagnostic sévère sur la dynamique au fil de l’eau des sommets de l’Otan, l’auteur réévalue la place de l’Alliance et souhaite qu’elle se métamorphose pour faciliter la nécessaire émancipation stratégique européenne dans une planète en pleine recomposition.
La place de l’Alliance atlantique
The place of the Atlantic Alliance
Through his thorough and serious look at procedures stemming from the series of NATO summits, the author re-evaluates NATO’s position and calls for the dramatic change needed to effect the necessary European emancipation in a rapidly changing world.
Les temps de la mondialisation sont devenus durs pour les alliances militaires dont ils éprouvent la cohérence stratégique. Les temps de la crise financière le sont aussi pour les unions politiques dont ils testent la solidarité qui unit leurs membres. Les temps de l’impuissance politique sont cruels pour les États en charge de peuples dont la cohésion s’effrite. Cette dynamique d’érosion générale affecte aujourd’hui l’Alliance atlantique comme l’Union européenne, deux structures originales qui sont apparues dans le même mouvement à la fin de la Seconde Guerre mondiale pour défendre, pour la première, des nations libres et voulant le rester et fédérer, pour la seconde, la communauté de destin et d’intérêts d’États voisins éprouvés. On semble arriver au bout d’un cycle stratégique commencé en 1945 et dont la fin de la guerre froide, il y a vingt ans, a précipité le terme.
Alors pour tenter d’enrayer ce mouvement, à défaut de mieux, on multiplie dans l’Otan les sommets et les concepts ; on essaye ainsi de faire face aux désordres produits par le dérèglement d’un ordre qui s’est rapidement périmé depuis la fin du monde bipolaire. Sommet de Chicago et Smart Defence aujourd’hui, Sommet de Lisbonne et nouveau concept stratégique hier, Sommet de Strasbourg-Kehl et approche globale avant-hier. On pourrait ainsi remonter cette généalogie jusqu’au Sommet de Rome en novembre 1991 ; elle montrerait une série ininterrompue de tentatives de renouvellement du pacte atlantique initial.
Depuis vingt ans, l’Alliance atlantique tente de survivre à la disparition de la cause qui l’avait nécessitée et à la constitution de laquelle la France, tout comme le Royaume-Uni, avait contribué de façon décisive dès 1948 pour retenir les forces américaines sur le sol européen. Elle est depuis la fin de la guerre froide à la recherche d’une nouvelle légitimité, d’un nouveau cadre d’action et d’une nouvelle utilité qu’elle ne peut plus tirer automatiquement du défi stratégique majeur que lui lançait l’entreprise soviétique. Elle ne peut se fonder exclusivement non plus sur l’application des idéaux partagés du préambule du Traité de Washington depuis que les alliés européens rassemblés dans l’Union européenne les ont mis au cœur de leur projet collectif. Enfin, le temps de l’identité européenne de sécurité et de défense et du pilier européen de l’Alliance chargé de la gérer est désormais dépassé depuis que les Européens ont décidé que la construction européenne ne serait pas achevée tant qu’elle n’aborderait pas les questions de sécurité et de défense et qu’il leur fallait donc créer une politique militaire. Ce qu’ils ont entrepris timidement, mais de façon irréversible.
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