Maritime - La réorganisation du ministère des Armées et la Marine - L'activité maritime en France et dans le monde - Les transports maritimes
La réorganisation du ministère des Armées et la Marine
Les décrets, tant attendus, portant réorganisation du ministère des Armées, ont été pris le 5 avril 1961 et publiés dans le Journal officiel du lendemain. On nous permettra, avant d’en étudier les conséquences pour la Marine, de rappeler brièvement leur esprit, d’après le rapport au président de la République qui les précède.
Trois réformes essentielles les caractérisent.
• La première est la suppression des délégations ministérielles d’armes, destinée surtout à « favoriser les contacts directs entre le ministre et les chefs d’état-major », mais aussi à « permettre certains regroupements nécessaires dans les services de contrôle, administratifs et financiers et le rattachement aux chefs d’état-major des services qui, dans chaque armée, assurent la vie quotidienne des personnels ».
• La deuxième est la création d’une Délégation ministérielle pour l’Armement (DMA), sous l’autorité de laquelle seront concentrées les « fabrications d’armement et notamment la fabrication des armes les plus modernes », de manière à « favoriser un meilleur emploi des hommes, un rendement plus élevé de l’infrastructure industrielle, une utilisation plus efficace des crédits » que dans le régime antérieur, où ces fabrications étaient dispersées entre les trois armées.
• Enfin est institué un Secrétariat général pour l’administration (SGA), qui groupera sous son autorité un certain nombre de directions et services interarmées à compétence administrative, financière et sociale (direction des personnels civils ; direction des affaires administratives, juridiques et contentieuses ; service d’action sociale ; direction des services financiers).
Il résulte de cette réorganisation que plusieurs directions et services subordonnés jusqu’à présent au délégué ministériel pour la Marine, et auxquels le Chef d’état-major (CEMM) donnait seulement des « directives », relèvent désormais de celui-ci. Tels sont :
– la Direction centrale du commissariat ;
– la Direction centrale des travaux maritimes ;
– le Service central hydrographique (SCH) ;
– la Direction centrale des constructions et armes navales (DCCAN), pour ce qui est de l’entretien et de la réparation des unités en service ou en réserve.
Mais, si les responsabilités du chef d’état-major sont accrues par ces additions, la Marine dans son ensemble perd au contraire un certain nombre de ses attributions traditionnelles. À l’exception des travaux concernant la flotte active, la DCCAN – hommes et moyens matériels – se trouve désormais rattachée à la nouvelle DMA, chargée de toutes les constructions neuves avec la préparation et l’exécution des programmes d’études, de recherches et de fabrications d’armement. – La direction du personnel civil de la Marine, qui dépendait du délégué ministériel supprimé, relève à présent du SGA. L’autonomie, parfois très relative, dont la Marine jouissait encore en matière budgétaire et administrative semble devoir, selon la lettre des textes, s’amenuiser de plus en plus au bénéfice de ce même secrétariat, délégué entre autres fonctions à la centralisation de toutes les questions financières et à la préparation du budget.
« Les réformes valent ce que valent les hommes chargés de leur application », a dit récemment l’amiral Cabanier (CEMM). Pour ne parler que de la [DCCAN], est-il certain que les relations quasi fraternelles de fournisseur à utilisateur qu’elle entretenait avec l’état-major demeureront aussi étroites dans une organisation qui interpose entre eux de nouveaux rouages ? Est-il certain que, si, comme en Angleterre au temps de M. Duncan Sandys, d’aucuns croyaient devoir donner une priorité absolue aux armes nouvelles, le matériel spécifiquement « Marine », celui de la lutte ASM [anti-sous-marine], de l’escorte des convois, du dragage, de l’interception des forces classiques de l’ennemi, etc., pourrait être défendu devant le Parlement et l’opinion avec la même efficacité que dans l’ancien système ?
On notera avec satisfaction, à cet égard, combien est précis le libellé des décrets nos 61-308 fixant les attributions du délégué ministériel pour l’armement et 61-311 fixant celles du CEMM. « Le délégué ministériel pour l’armement prépare… et fait exécuter les programmes d’études, de recherches et de fabrication d’armement en collaboration étroite avec les chefs d’état-major compétents »… Le CEMM « participe à la préparation du budget effectuée par la direction des services financiers et reçoit d’elle (section financière Marine) tous renseignements concernant l’exécution dudit budget ; il définit les besoins militaires spécifiques à long et court terme en matière d’études, de réalisations de prototypes et de fabrications ; il participe, en collaboration étroite avec le [DMA], à l’élaboration et à l’exécution des programmes d’études, de recherches et de fabrications d’équipement et d’armement. Il en dirige les essais militaires. Il propose au ministre les choix à effectuer entre les différents types de matériels susceptibles de répondre à un besoin militaire déterminé »…
Un premier programme quinquennal de constructions navales, antérieur à la réorganisation du ministère des Armées, est en cours d’exécution ; un second se prépare : c’est au délai d’achèvement de l’un, c’est à l’étendue et à la composition de l’autre que se mesurera, pour la Marine, l’efficacité de la réforme du 5 avril.
L’activité maritime en France et dans le monde
La réorganisation du ministère des Armées et les événements d’Algérie exceptés, l’activité de notre Marine a été toute de routine au mois d’avril. L’escadre légère, où le Châteaurenault remplace désormais comme bâtiment-amiral le Guichen mis en réserve, a appareillé de Brest le 25 avril pour une sortie d’entraînement qui doit se prolonger jusqu’au 11 mai. Trois nouveaux avisos-escorteurs du programme, le Doudart de Lagrée, le Balny et le Commandant Bourdais, ont été lancés à Lorient le 15 : le Commandant Rivière, prototype des unités de cette classe accompagnant le croiseur-école Jeanne d’Arc dans sa croisière annuelle et trois autres poursuivant leurs essais, deux seulement demeurent sur cale. L’avant-dernier des bâtiments porte-chars de la série des Trieux, la Dives, a été admis au service actif le 14.
À l’étranger, aucune nouvelle ne mérite une mention, si ce n’est que l’amiral Burke, chef d’état-major général de l’US Navy, prendra prochainement sa retraite (on ignore encore le nom de son successeur) et que le croiseur antiaérien (AA) britannique Blake, réplique du Tiger et du Lion, a enfin commencé ses essais à la mer après être resté pendant des années en achèvement.
Les transports maritimes
On a déjà signalé ici à plusieurs reprises les indices – à vrai dire très faibles jusqu’à présent – d’une atténuation dans la crise des transports maritimes : lente augmentation des échanges mondiaux, diminution du tonnage désarmé faute d’emploi, etc. Un nouveau symptôme favorable, concernant la France, vient d’être enregistré par la direction générale des Douanes ; le trafic de nos ports, qui avait à peine dépassé 68 000 000 tonnes-marchandises en 1959, s’est élevé à plus de 73 500 000 en 1960, entrées et sorties réunies. La part de notre pavillon a légèrement baissé d’une année à l’autre aux sorties (55,2 % au lieu de 57 %), mais a progressé aux entrées de 63,8 à 65,2 % : portant sur un tonnage nettement supérieur en valeur absolue à celui de l’année précédente, les pourcentages de 1960 sont un signe réconfortant des efforts accomplis par nos compagnies de navigation pour résister à la crise. ♦