Multiple et ambitieuse Indonésie (II) une politique de grandeur aux pieds d'argile
L’Indonésie prétend reposer sur un droit historique fondé sur trois précédents : le royaume de Chrividjaya (VII-XIIe siècles), celui de Madjapahit (XIIIe XVe siècles), enfin celui de Bantam au XVIe siècle. Mais ces précédents n’ont pas été sans dépendance vis-à-vis de l’étranger : Chrividjaya dont le centre était à Sumatra et qui avait des vassaux lointains comme Madagascar et le Cambodge avait une aristocratie indouiste ; Madjapahit qui gravitait à l’Est de Java — et qui est invoqué par les Indonésiens pour justifier leurs revendications sur la Nouvelle-Guinée occidentale — a dû sa grandeur à la spiritualité bouddhiste venue d’Inde ; quant à Bantam, ce n’était que l’annexe orientale de l’empire naval malais de Malacca qui a achevé l’islamisation de ces contrées et préparé l’unification des îles par la diffusion, actuellement remise en question, de la langue malaise. Bantam cependant survécut à la prise de Malacca par les Portugais (1511) jusqu’à l’établissement des Hollandais (1601).
On ne peut pas dire davantage que la colonisation européenne ait réellement préparé l’Indonésie à former une entité commune. Arrivés en 1497 les Portugais se sont cantonnés dans les îles orientales productrices d’épices et la Compagnie des Indes néerlandaises avait seulement essaimé ses comptoirs sur les côtes. D’ailleurs le sultanat d’Atjeh ne s’est soumis qu’en 1912 et Bornéo n’a jamais été pacifiée.
Une constante se dégage toutefois de cette histoire confuse : la vitalité de l’Indonésie est liée à ses communications occidentales, route indienne des marins tamouls de la région de Pondichéry d’abord, route de l’encens des navigateurs malais ensuite, malle des Indes néerlandaises enfin. Par contre, ni les Chinois installés à demeure depuis des siècles, ni les Japonais (malais d’origine comme nos Hovas de Madagascar) n’ont doté l’Indonésie d’un apport mémorable. Et la Nouvelle-Guinée, sorte d’équivalent asiatique de l’Amazonie américaine et de la forêt congolaise est restée aussi impénétrable au colon chinois et au conquérant nippon qu’aux religions indoues et musulmanes ou aux commerçants malais et européens. Indépendamment des moyens mis en cause, cette île énorme demeure pour l’Australie un écran et peut-être aussi un créneau de toute première importance.
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