La République italienne au seuil de sa seizième année
Pour bien apprécier le tournant que vient de prendre le gouvernement italien à la suite des décisions du congrès tenu à Naples par le parti majoritaire, la Démocratie Chrétienne, il faut remonter jusqu’à 1953, au lendemain des élections législatives qui s’étaient déroulées selon un mode inhabituel et avaient apporté une grosse déception au président De Gasperi.
En effet, une loi très difficilement votée par les Chambres — où l’opposition la qualifiait d’« escroquerie » — avait établi une prime à la majorité (d’une vingtaine de sièges) pour la coalition électorale qui aurait emporté plus de 50 % des suffrages exprimés. Cela afin de donner les coudées plus franches au cabinet De Gasperi, qui espérait bien la victoire. Or il manqua 57 000 voix pour que jouât la prime aux quatre partis alliés qui tenaient le gouvernement — démo-chrétiens, socialistes de Saragat, libéraux et républicains historiques — et il y avait 1 300 000 suffrages contestés grâce à divers stratagèmes utilisés par l’extrême gauche. Le temps manquait pour une vérification efficace que le ministère n’avait point prévue, et le président du Conseil décida de s’en tenir aux résultats acquis, très satisfaisants d’ailleurs pour son parti, qui regagnait près de trois millions de voix sur les chiffres des élections municipales des deux années précédentes et arrivait à en bloquer sur son emblème 41 %. Malheureusement pour la coalition, les socialistes de Saragat, eux, en perdaient beaucoup — près de 500 000 — de même que les libéraux et les républicains. Cela semblait la condamnation par le corps électoral de la formule quadripartite grâce à laquelle M. De Gasperi avait gouverné depuis 1947 et M. Saragat en tira les conséquences en se retirant de la coalition. Dès lors il n’y avait plus à la Chambre de majorité pour la D.C. à moins de s’appuyer sur la droite monarchiste, qui, elle, s’était notablement fortifiée en 1953.
M. De Gasperi, qui définissait son parti un « parti centriste tourné vers la gauche », s’y refusa et essaya alors de constituer lui-même un ministère minoritaire composé uniquement de démocrates-chrétiens en escomptant malgré tout le vote favorable de ses anciens alliés, qui se réfugièrent dans l’abstention afin d’obliger le gouvernement à une attitude plus nette. Le ministère fut renversé dès sa présentation devant la Chambre par l’extrême gauche et la droite, à la grande tristesse du président De Gasperi, qui devait mourir l’année suivante, et un cabinet Pella de centre droit, renforcé de quelques techniciens, permit aux partis de se recueillir et de chercher un reclassement toujours malaisé.
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