L’Armée française et l’avenir de ses cadres
« Je ne voudrais pour rien au monde céder ma place et cela vous permet de comprendre combien je suis content. » Cette phrase, prononcée en 1959 par un lieutenant-colonel américain du corps des « Marines », lorsqu’il fut choisi pour subir l’entraînement de cosmonaute, John H. Glenn la répéterait sans doute sans hésitation depuis qu’il est revenu en février 1962 des trois tours de Terre accomplis sur l’orbite de sa cabine « Amitié VII ». Et chacun de ses camarades du « projet Mercury » affirme — paraît-il — que chaque prochaine expérience, intervenant alors que « l’homme saura mieux ce qui l’attend » sera plus intéressante que les précédentes.
Au moment où il fut désigné — avec six autres personnes — pour participer à cette tentative, le colonel Glenn avait encore déclaré : « Le but du projet Mercury est l’observation scientifique. Le fait que, tous les sept, nous soyons des militaires est purement accidentel. Mais une très large gamme d’expériences menées, comme pilote d’essai, sur une grande variété de types d’appareils est absolument indispensable et il se trouve que les pilotes d’essai de l’aviation civile n’ont pas eu à leur disposition de types d’appareils aussi variés que nous ». Peut-être est-ce en effet une bonne explication, qui serait valable également pour les Commandants Gagarine et Titov, Shepard, Grishom et Carpenter. Il est possible que dans les pays de très haut équipement, qui consacrent d’énormes budgets au perfectionnement d’armements de plus en plus savants, ceux des militaires qui participent à la recherche, à l’expérimentation, à la mise au point des appareils — et des infrastructures qu’ils exigent — acquièrent une expérience très supérieure à celle de civils de technicité égale ou même supérieure.
On peut cependant penser à d’autres raisons encore. Car ce que l’on sait du Colonel Glenn, ce que lui-même ou sa famille expriment, correspond bien à des aspects ou à des accents fréquents, en France, dans le monde de l’armée. Le Colonel Glenn est sportif (il aime le bateau et le ski nautique) ; il est musicien ; la religion tient une grande place dans sa vie. Pendant ses années d’entraînement il a trouvé normal d’être séparé de sa famille — qu’il allait parfois retrouver en week-end — et qui, non seulement s’accommodait de cet état de choses, mais le comprenait. Mme Glenn, en disant à un journaliste : « Cela peut vous paraître étrange, mais nous en sommes arrivés, mes enfants et moi, à considérer le vol spatial comme une affaire de famille » employant un langage typique de « femme d’officier », comme était caractéristique le message du Colonel Glenn signalant à sa base terrestre le moment où, dépassant son nombre d’heures de vol réglementaire, il rappelait qu’il avait dès lors droit à « sa » prime — fort modeste d’ailleurs. Surtout, questionné sur les raisons qui l’avaient porté à être volontaire pour une mission aussi difficile et dangereuse, le Colonel Glenn a répondu : « L’espace est la frontière de mon métier. Je reconnais qu’un sentiment de devoir s’est mêlé à l’envie que j’avais d’être le premier astronaute. J’étais persuadé que je pouvais apporter quelque chose à l’élaboration du projet (1). D’ailleurs, il m’enthousiasme. Il est très important non seulement pour mon pays mais pour le monde en général. »
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