Cet article en 3 parties constitue l'avant-propos d'un ouvrage de l'auteur sur Le royaume d'Arabie saoudite face à l'Islam révolutionnaire, 1953-1964. De ce fait, l'histoire y est réduite à ses plus étroites dimensions et le texte dépouillé de toutes données statistiques.
Le royaume des Al Saoud (Al’Sa’ud) face à l’Islam révolutionnaire (I) Islam révolutionnaire et islam traditionnaliste
Le 2 novembre 1964, l’Émir Fayçal, Prince héritier, Vice-Roi, Premier Ministre et Ministre des Affaires Étrangères du Royaume d’Arabie Sa’udite, accédait à la dignité suprême de son pays. Il succédait à son frère Sa’ud, souverain investi le 12 novembre 1958 à la mort et de par la volonté de son père, le grand Ibn Sa’ud, fondateur du Royaume.
Cet événement consacrait une situation de fait créée le 30 mars 1964. À cette date, en effet, les « Ulu El Amr » (1) avaient constaté dans un mémoire (2) adressé au Conseil des Ministres, réuni par l’Émir Khaled, son Vice-Président, « l’incapacité physique du Souverain d’exercer ses fonctions et la nécessité de confier la charge du Royaume au Premier Ministre ». Le 1er avril 1964, un décret précisait que « le Roi régnait mais ne gouvernait pas, l’Émir Fayçal assumant toutes les responsabilités du pouvoir en sa qualité nouvelle de Vice-Roi ».
À plus d’un égard ce texte était insolite. Sur le plan juridique notamment, seul un Wassi (3) peut exercer les prérogatives dévolues à un souverain régnant. Mais ce titre implique que le Roi a délégué ses pouvoirs, qu’il est hors du territoire, ou qu’il a été déchu pour déficience mentale. Seule, cette dernière raison pouvant être invoquée — elle le fut le 2 novembre 1964 — l’Émir Fayçal avait jusque-là formellement refusé d’y souscrire, ainsi que le souhaitaient ses frères et les autorités religieuses. Il ne voulait pas infliger une offense publique au Souverain dont le maintien sur le trône lui assurait la fidélité des nomades — soutien le plus sûr et le plus efficace de la couronne —, et évitait d’ouvrir parmi les membres de la dynastie une ère de contrainte et de violence favorisant la politique de désintégration de la famille royale entreprise par l’Islam Révolutionnaire pour abattre le régime. L’exemple du Prince Talal et de quatre de ses frères ou cousins se réfugiant en Égypte en 1962 et dont il venait à peine d’obtenir le retour et un acte d’obédience, lui avait fait mesurer la réalité de la menace. Quelles raisons ont donc pu lui faire accepter le 2 novembre 1964 ce qu’il avait rejeté avec force neuf mois plus tôt ?
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