Cet article en trois parties que M. Edgard Pisani, en tant que ministre de l'Agriculture, a bien voulu nous confier en décembre dernier résume la politique agricole qu'il a menée pendant près de quatre ans et demi. L'article a été écrit en équipe avec MM. Wallon, Inspecteur général de l'Agriculture, Blnizot, directeur de l'Équipement rural, Didon, sous-directeur, chargé des Études et Synthèses, Contenay, secrétaire des Affaires étrangères.
L’agriculture à l’ère de l’organisation (III) L'agriculture française et les marchés extérieurs
L’agriculture française est dès maintenant engagée dans la compétition internationale, et il n’est pas exagéré de dire que sa destinée dépend, dans une large mesure, de l’évolution des marchés agricoles, non seulement en Europe, mais encore dans le monde. D’ailleurs, la place de l’agriculture n’a jamais été aussi importante dans les relations internationales. Jamais les agriculteurs de tous les pays n’ont été aussi directement intéressés par les échanges internationaux. On a vu tout récemment, et on voit encore, les problèmes agricoles dominer les débats des nations, et parfois les compliquer à un degré tel que l’ensemble des négociations peut s’en trouver compromis. Ceci mérite examen.
C’est dans les conséquences considérables des deux conflits mondiaux qu’il convient de chercher l’explication de ces phénomènes récents. Peut-être n’a-t-on pas suffisamment souligné le bouleversement apporté par les deux dernières guerres à la fois dans les agricultures nationales et dans le commerce mondial des produits agricoles ? Sans doute est-on plus souvent, on le comprend aisément, attentif aux aspects négatifs des conflits et aux ruines qu’ils entraînent qu’aux progrès parfois extraordinaires qu’ils provoquent dans les domaines scientifiques, économiques ou sociaux. Les données du problème agricole ont été, en tout cas, complètement modifiées.
Il suffit de mentionner les progrès techniques si rapides et l’effort considérable de mécanisation qui ont, surtout après la deuxième guerre mondiale, rénové les agricultures européennes et permis d’augmenter la production dans des conditions de productivité bien supérieures. Mais le fait essentiel, c’est la prise de conscience, par tous les gouvernements, des problèmes agricoles dans leur ensemble. Déjà, la guerre de 1914-1918, puis la crise de 1929, avaient conduit les pays industrialisés à adopter toute une série de mesures de contrainte ou d’organisation en matière de commercialisation des produits agricoles. Les ministères de l’Agriculture, occupés jusque-là à la gestion des forêts ou à l’encouragement de la production par la voie des récompenses, se transformaient en ministères du ravitaillement devant faire face à la pénurie ou en ministères économiques pour parer à l’effondrement des cours des denrées. Ce n’étaient cependant qu’essais timides par rapport à ce qui devait se passer au cours du deuxième conflit mondial dont l’ampleur et les prolongements allaient créer véritablement une agriculture nouvelle.
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