The Security of Southern Asia
L’ombre de la Chine s’étend sur l’Asie du Sud. À peine les puissances coloniales évincées, Grande-Bretagne, France, Pays-Bas et Japon, la Chine s’est manifestée. Faute de résistance indigène, les États-Unis ont dû accourir pour d’abord former un barrage, et enfin fournir des hommes pour le défendre en Corée et au Vietnam sud.
L’argument de D.E. Kennedy, Professeur à l’Université de Melbourne est clair : « L’Asie du Sud est dominée par la masse de la République populaire chinoise. Celle-ci est déterminée à affirmer son hégémonie sur ces régions qui, traditionnellement, payaient un tribut à la Chine Impériale, et son idéologie la pousse à hâter l’avènement de la révolution communiste mondiale. » Ainsi la diplomatie chinoise serait animée par deux motivations : l’une traditionnelle et l’autre révolutionnaire.
Selon Kennedy, cette partie du monde constitue une région qui, du fait même de son inorganisation politique et de la faiblesse de ses nouveaux États, invite les puissances étrangères à cette zone à intervenir. L’époque coloniale close – elle va de l’arrivée de Vasco de Gama au départ des Français d’Indochine – s’ouvre une ère nouvelle, et les chancelleries doivent y faire face en ne pouvant se référer à une tradition quelconque. Devant cette situation « nouvelle », des solutions originales doivent être inventées. Selon l’auteur, une différence cardinale existait entre l’Europe et l’Asie après la Seconde Guerre mondiale. Le continent européen a su s’opposer victorieusement aux visées communistes non seulement par l’Otan, mais par la renaissance même des anciennes puissances européennes. Par contre, dans l’Asie du Sud les nouveaux pays n’ont pas su, derrière le bouclier de l’Organisation du Traité de l’Asie du Sud-Est (Otase), se fortifier. Aucun équilibre naturel et politique, aucun équilibre des puissances ne s’est institué, et la coopération entre les États asiatiques est pratiquement inexistante. Seule une barrière militaire – fragile puisque conçue par l’étranger – a été érigée pour isoler Taïwan d’abord puis pour protéger les États frontaliers. Même en dehors de toute volonté d’agression, la Chine, par ses seules dimensions, son rayonnement culturel et politique dans le passé, l’intelligence et l’ardeur au travail de ses habitants, altère désormais l’ordre des choses en cette Asie méridionale. De plus, la disparition du Japon comme puissance militaire – sur l’insistance du général Douglas Mac Arthur – a renforcé cette puissance chinoise, au moment où les États-Unis s’employèrent à créer le vide autour de la Chine renaissante.
Quelle solution alors imaginer, puisque dans l’arsenal d’hier il n’y a aucune arme ? Une alliance militaire et un cordon de bases sur le continent même, en Corée, au Viet-Nam, au Siam et à Singapour ? c’est la solution continentale… Ou une résistance sur le pourtour de l’Asie : au Japon, dans les îles Riou-Kiou, aux Philippines et en Australie ? c’est la solution navale et aérienne… Mais ce sont des variantes d’application du cordon sanitaire imaginé par le président Truman deux jours après l’ouverture des hostilités en Corée, ce n’est pas là réponse politique permanente (1).
L’étude des intérêts des différentes puissances extérieures à cet espace politique (États-Unis, Grande-Bretagne) – celle des intérêts des puissances asiatiques (zone de l’Inde, de l’Indochine, du complexe philippo-indo-malaisien, de l’Australie-Nouvelle-Zélande) sont instructives parce que révélant des points de vue souvent ignorés. L’analyse des moyens employés par l’URSS et la Chine et celle des différentes parades à la subversion aux Philippines, en Malaisie, et au Viet-Nam mérite de retenir l’attention.
Le chapitre consacré à un « système de défense indigène » répondant aux trois degrés de menace mérite d’être médité. Les analystes de la situation de l’Asie du Sud-Est s’efforcent rarement de dégager des vues constructives ; Kennedy s’y emploie. Quels pourraient être les rôles des pays directement intéressés ? Quels pourraient être ceux d’une Inde (hier neutraliste) et d’un Japon (pour l’instant neutralisé) ? L’auteur estime qu’il est temps de s’interroger sur ces questions pour créer des conditions d’équilibre dans cette Asie menacée par une confrontation majeure. Une telle étude est à porter au crédit de l’Institut pour les Études stratégiques de Londres. On regrettera simplement l’absence d’une cartographie moderne qui aurait illustré la pensée de l’auteur. ♦
(1) Voir la série d’études publiées dans Asia-a handbook sous la direction de Guy Wint (A. Blond, Londres, 1965 ; 856 pages) ouvrage Indispensable à la connaissance de l’Asie moderne.