La célèbre phrase de Goethe trouve ici un commentaire dépouillé de toute complication. Les idées se succèdent avec une simplicité, une clarté qui soulignent l’évidence en masquant leur profondeur. Il est aisé de présenter des arguments en faveur d’une thèse extrême, mais difficile de parler de raison en même temps que de parler raison. Le lecteur se sent en présence d’une sagesse qui semblerait familière si elle ne se situait à un niveau élevé de la pensée, d’une vérité élémentaire trop souvent oubliée, d’une certitude sans arrogance, d’une philosophie de la vie que seule une longue pratique a pu faire naître.

Toute pensée est action, s’anime dans l’action, s’y transforme et s’y modèle. Elle commence à naître vraiment lorsque l’action commence et qu’elle se heurte aux résistances et aux difficultés du monde extérieur contre lesquelles elle va buter, mais qu’elle contourne ou absorbe, par l’effet de son essence même. Elle prouve ainsi son existence propre, sa vitalité, hors de tout fatalisme qui n’est qu’une soumission veule et de tout déterminisme, qui n’est qu’imposture, puisque la découverte de ses lois, que seule la pensée peut faire, impliquerait l’impuissance réelle de celle-ci et sa négation même.

La pensée devenant action est une intuition de durée très courte, dont l’efficacité n’est atteinte que si elle se produit pendant l’instant très court aussi où les circonstances sont favorables à son exploitation. La conjonction de l’intuition et de l’occasion permet l’exercice de la volonté créatrice, utilement orientée, et faisant passer l’esprit dans les faits. Mais l’intuition n’est pas une illumination soudaine ; elle provient d’une longue pratique, d’un patient entraînement, d’une attentive préparation.

Il en est ainsi dans tous les domaines, mais sans doute est-ce dans l’action militaire que ce mécanisme est le plus évident et le plus clairement démontré. Le lecteur trouvera ici certaines idées qu’avait déjà présentées l’auteur dans ses Dialogues sur le commandement, il y a plus de quarante ans.

On lira ce livre avec profit, on y réfléchira avec plus de profit encore. ♦