L’expédition de Suez
De même qu’au cours d’une discussion, il faut savoir asséner un coup de poing sur la table au moment propice, ni trop tôt, ni trop tard et dans l’élan des paroles et des attitudes, de même faut-il utiliser la force dans le contexte compliqué des relations internationales. Telle pourrait être, exprimée en termes familiers, la leçon du livre du général Beaufre.
L’auteur y montre, en effet, à quel point l’emploi de la force doit s’accorder avec les démarches diplomatiques et s’harmoniser avec les grandes lignes et les détails momentanés de la politique. Il se sert, comme il le dit lui-même, d’un « cas concret » qui est un exemple historique et fait sa démonstration a contrario. Car dans l’expédition de Suez, les règles les plus élémentaires de la stratégie globale furent violées ; les alliés français et britanniques ne jouaient pas le même jeu ; le commandement militaire n’était pas toujours exactement informé des intentions des hommes politiques ; l’allié israélien profitait de la situation qui lui était faite plus qu’il n’aidait réellement, au moment voulu, la manœuvre franco-britannique. On était aux antipodes de cette combinaison des moyens de toutes sortes dont parlent volontiers les traités de stratégie.
L’auteur dépeint ainsi l’ambiance dans lequel il exerçait alors son haut commandement, les changements apportés au plan initial, les abandons suivis de reprises, les difficultés d’entente avec les autres chefs militaires de l’expédition. La leçon de stratégie globale s’accompagne d’un témoignage vécu, fait sur un ton particulièrement vivant et démonstratif.
Ce livre, assez court, se lit d’une traite ; mais il mérite d’être relu et médité. Tel est d’ailleurs son but. Il faut reconnaître qu’il est parfaitement atteint.