Notes prises lors d'une conférence prononcée par le professeur René Dumont à l'Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN).
L’avenir politique et économique de l’Afrique
Le sous-développement africain est plus accentué que celui des autres parties du Tiers Monde. Cette situation s’explique par l’histoire, car les faits économiques ne sauraient être séparés des faits politiques et il est erroné de croire qu’il peut exister une économie apolitique. L’Asie et l’Amérique latine ont connu depuis des siècles — et même des millénaires en ce qui concerne l’Asie — la charrue, la roue, la monnaie, l’État centralisé, l’écriture, toutes choses que l’Afrique a ignoré jusqu’à la fin du siècle dernier, sauf sur son pourtour, le long de ses côtes, où existaient des contacts avec les Européens et les Arabes. La colonisation a fait irruption dans le continent, y apportant une civilisation technique qui tentait de se greffer sur un système économique et social diversifié, mais toujours archaïque ; elle y introduisit une économie complémentaire de celle des pays européens, sans chercher à créer, à organiser, à développer une production qui aurait correspondu aux besoins propres des peuples colonisés.
Elle apportait aussi la médecine, c’est-à-dire avant tout le moyen d’empêcher les hommes de mourir jeunes, les enfants de disparaître en grand nombre dès le plus bas âge. Aussi développait-elle la population sans lui donner les ressources suffisantes à une vie décente. Elle bouleversait un équilibre démographique qui correspondait aux progrès très lents de l’économie locale — dans certains cas même à sa régression.
L’économie coloniale, destinée au premier chef à satisfaire aux besoins des métropoles, au surplus compartimentée suivant le découpage politique du continent africain, a profondément marqué et continue de marquer profondément l’ensemble de l’Afrique : absence ou insuffisance des industries de transformation, orientation de l’agriculture vers les productions exportables, commercialisation dépendante des marchés européens concurrents, et, dans une société au niveau de vie très bas, développement de certaines habitudes de luxe demeurées fortement ancrées dans l’esprit des minorités privilégiées de la population.
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