Outre-mer - La première élection générale des Métis annoncée pour cette année en Afrique du Sud - La mise en service à Nouakchott d'une usine de dessalement d'eau de mer - La conférence des chefs d'État de l'Ocam (Organisation commune africaine et mauricienne) à Kinshasa - L'évolution de la situation militaire au Nigeria
La première élection générale des Métis annoncée pour cette année en Afrique du Sud
La première élection générale intéressant les Métis d’Afrique du Sud vient d’être annoncée par le gouvernement de Pretoria. La consultation qui intéresse près de 450 000 nouveaux électeurs doit en effet avoir lieu dans le courant du second semestre 1969.
La population d’Afrique du Sud qui comptait en 1968 environ 18 millions d’habitants, se répartit à peu près en 12 M de noirs, 3 500 000 blancs et quelque 2 500 000 non-blancs, soit 1 900 000 métis et 600 000 asiatiques.
Si l’on en croit les recensements récents, près de 80 % de ces Métis résident à l’heure actuelle dans la province du Cap, 15 % habitent au Transvaal, 3 % au Natal et 2 % dans l’État d’Orange. Le Sud-Ouest africain, quant à lui, n’en compte à peine que 24 000.
Éléments non négligeables de la population, ils présentent de profondes divergences d’opinion face aux problèmes que pose le développement séparé. Certains repoussent la doctrine avec fougue, d’autres l’acceptent sans trop s’en offusquer, cherchant surtout à en tirer avantage pour eux-mêmes. Il ne manque d’ailleurs pas de Blancs qui recruteraient volontiers un renfort appréciable pour leur propre communauté.
Mais les dernières décisions prises à ce sujet ne vont pas dans ce sens. Le droit qui était reconnu jusqu’ici aux Métis du Cap d’élire des représentants – à vrai dire 4 députés blancs – à l’Assemblée nationale, leur a été retiré et l’ensemble des Métis sud-africains a été recensé au cours des derniers mois de 1967 en vue d’établir des listes des électeurs qui seront appelés à élire les membres du « Coloured representative council », Parlement séparé de 60 membres, dont un tiers est désigné et qui est chargé de traiter de leurs propres affaires sous l’égide du ministre des Affaires métisses.
On évalue à quelque 700 000 le nombre des électeurs âgés de plus de 21 ans et qui sont en droit d’être inscrits. Mais 450 000 seulement se seraient fait inscrire, bien que les défaillances soient passibles d’amendes. Cette désaffection, selon les autorités, ne refléterait pas une aversion systématique nourrie à l’encontre de la future assemblée : elle traduirait simplement, dit-on, le manque d’information ou d’instruction des intéressés qui participent pour la première fois à une consultation électorale.
Quoi qu’il en soit, plusieurs partis politiques se trouvent être aujourd’hui en présence. Il y a les partisans de l’apartheid, qui se rassemblent au sein de quatre partis :
– le Parti fédéral du peuple métis (FCPP) parti le plus ancien que préside M. Tom Swartz ;
– le Parti national populaire des métis (NCPP) qui draina de nombreuses voix du FCPP et qui est surtout actif au Transvaal, sous l’impulsion de M. Clifford Smith ;
– le Parti Républicain (RP) important dans la province du Cap et dans le Sud-Ouest africain ;
– le Parti indépendant des Métis, de création récente.
Les adversaires de l’apartheid se groupent dans le Parti travailliste (LP) de M. Martin Arendse. Ils se recrutent surtout parmi la population urbaine et tout spécialement dans la région du Cap.
Les observateurs estiment, d’une façon générale, que la coalition des quatre partis favorables au développement séparé devrait l’emporter facilement lors de la consultation qui a été prévue dans les tout prochains mois.
Ainsi, un pas nouveau a été fait dans la mise en pratique de la doctrine de l’apartheid. Les droits civiques limités, ainsi accordés aux Métis, soulignent, après la création récente de nouveaux Bantoustans, la volonté du gouvernement sud-africain de traduire dans les faits sa doctrine de développement séparé, pour tenter de résoudre comme il l’entend le difficile problème de cohabitation des races, qui se pose aujourd’hui à l’Afrique australe.
La mise en service à Nouakchott d’une usine de dessalement d’eau de mer
Le 22 janvier dernier, le président de la République islamique de Mauritanie, M. Moktar Ould Daddah, a inauguré à Nouakchott, en présence de nombreuses autorités locales et étrangères, une usine de dessalement d’eau de mer.
Cette usine, qui est la première de ce genre construite en Afrique occidentale, a été réalisée par des firmes françaises et le financement en a été assuré par le Fonds d’Aide et de Coopération.
L’usine, qui a une capacité de 3 000 mètres cubes par jour, a permis d’améliorer considérablement le ravitaillement en eau de la capitale.
La conférence des Chefs d’État de l’Ocam à Kinshasa
La 4e Conférence des chefs d’État et de Gouvernement de l’Ocam s’est tenue à Kinshasa du 27 au 30 janvier dernier, sous la présidence de M. Hamani Diori, Président en exercice qui devait d’ailleurs être réélu à ce poste pour une année encore. L’absence du Congo-Brazzaville et de la République centrafricaine ne devait pas surprendre, mais la présence en qualité d’observateurs des représentants de la Tunisie et de l’île Maurice était particulièrement remarquée.
Comme à l’accoutumée, ce sommet africain avait été précédé d’un Conseil des ministres des Affaires étrangères lequel, à partir du 21 janvier et sous la présidence de M. Bomboko, ministre des Affaires étrangères de la République démocratique du Congo-Kinshasa, s’était chargé de préparer à l’intention des chefs d’État, le bilan annuel des activités de l’organisation. L’ordre du jour, assez chargé, prévoyait également l’examen de nombreuses questions politiques, économiques, sociales ou culturelles : affaires politiques et juridiques relatives aux compétences du Secrétaire Général qui devait voir ses attributions étendues en matière de négociation et de conclusion d’accords bilatéraux ou multilatéraux, affaires administratives et budgétaires concernant notamment la contribution de chacun des États au budget de l’organisation, affaires économiques et financières intéressant divers projets tels que les marchés du sucre ou de la viande, le projet de convention fiscale à passer avec la Compagnie Air-Afrique, un projet de compagnies multinationales d’assurances, etc.
Mais c’est essentiellement le renouvellement de la Convention de Yaoundé – convention d’association des 18 États africains et malgache aux « Six » européens – qui fut au centre des discussions. Cet important problème devait d’ailleurs faire l’objet d’une déclaration commune particulière, invitant les parties contractantes à tout mettre en œuvre afin que les négociations qui doivent se tenir prochainement à Bruxelles aboutissent dans les délais prévus – c’est-à-dire avant le 31 mai prochain – à la signature d’un nouvel accord, maintenant notamment le régime préférentiel actuel. Les Chefs d’État souhaitaient en outre la mise en place d’un mécanisme efficace de soutien des prix comme l’augmentation substantielle des aides européennes.
Indépendamment de ces problèmes économiques et techniques, les chefs d’État devaient surtout se préoccuper de problèmes politiques, s’efforçant de dissiper les dissensions survenues entre certains membres de l’organisation, ou bien tenter de contribuer au règlement pacifique du conflit qui ensanglante toujours le Nigeria.
Chacun n’ignorait pas les difficultés nées entre les deux Congo à la suite de l’« affaire » Mulele, les malentendus qui opposaient encore la RCA à ses deux anciens partenaires de l’UEAC, les rémanences de l’« affaire » des mercenaires qui assombrit, il y a déjà plus d’un an, les relations du Rwanda et du Congo-Kinshasa. Les multiples efforts de conciliation entrepris pour aplanir toutes ces difficultés devaient finir par porter leurs fruits et la conférence put se terminer sur un compromis optimiste : les relations entre le Congo-Kinshasa et ses voisins – Congo-Brazzaville, Rwanda et RCA – seraient normalisées, en même temps que le seraient aussi celles de Bangui et de Fort Lamy [futur N’Djamena]. D’autre part, et dans cette même perspective de dialogue constructif, une double mission de conciliation devait se rendre au Nigeria et au Biafra pour tenter de présenter aux deux adversaires des bases acceptables pour de nouvelles négociations de paix.
En marge de la réunion, on n’a pu manquer par ailleurs de mentionner le traité d’amitié et de coopération qui liera désormais le Sénégal et le Congo-Kinshasa, et d’enregistrer avec satisfaction l’admission au sein de l’organisation de l’île Maurice dont la candidature a été retenue.
Ainsi, comme l’a souligné le Président Senghor, les résultats de ce 4e Sommet de l’Ocam, autorisent-ils de grands espoirs. Sans doute, tous les problèmes évoqués ne sont-ils pas tous entièrement réglés. Mais l’esprit dans lequel ils ont été abordés témoigne assez de la valeur de l’organisation et du rôle qu’elle joue en Afrique. Comme devait de son côté le préciser M. Hamani Diori, la conférence restera la conférence du dialogue, « la conférence de la raison, de la conciliation et de la tolérance ».
L’évolution de la situation militaire au Nigeria
L’échéance du 20 décembre dernier, qui avait été fixée par le Comité suprême fédéral de Lagos pour écraser la rébellion biafraise, s’est trouvée dépassée sans que la résistance des sécessionnistes soit entamée pour autant. Les forces fédérales, engagées autour du « réduit » se sont cependant efforcées depuis le début de l’année, de s’emparer du terrain d’aviation d’Uli-Ihiala, terrain par où les Biafrais reçoivent l’essentiel du ravitaillement qui leur parvient de l’extérieur. Mais les unités de la 2e Division fédérale qui tentaient de déboucher d’Onitsha vers le Sud ont été contenues puis refoulées aux abords de la ville, tandis qu’à l’Est les unités de la 1re Division fédérale ne pouvaient dépasser la ligne générale Akwa-Okigwi.
Dans le Sud, la 3e Division fédérale, très étalée d’Oguta à Uyo, a dû faire face à une pression biafraise accrue et de violents combats se sont déroulés autour d’Ikot-Ekpene et d’Owerri qui, au début de février, était sur le point de tomber aux mains des Biafrais.
Peu de changements ont pu être notés dans les autres secteurs du front, hormis les actions de guérilla qu’entretiennent sur les arrières fédéraux les guérilleros de la « Biafran Organisation of Freedom Fighters » et qui agissent dans la région nord de Port Harcourt, d’Ahoada et d’Uyo, comme dans le Nord-Est d’Onitsha jusqu’à Nsukka, ou à l’Ouest du Niger, dans le Nord-Ouest d’Asaba.
L’aviation fédérale, qui paraît s’être renforcée, est toujours aussi active. Elle intervient fréquemment sur les aérodromes biafrais ou au profit des troupes fédérales au contact, affirmant la force matérielle fédérale, mais servant plutôt la propagande biafraise qui exploite habilement les « erreurs de tirs » que subissent les villages ou même certains hôpitaux.
Dans l’ensemble, les combats s’éternisent. L’Armée fédérale, qui a pour elle le nombre, remet de jour en jour son offensive finale. Elle est cependant dotée d’un armement moderne, comprenant blindés légers et artillerie. Elle est abondamment ravitaillée grâce à l’aide britannique et soviétique. Mais ses lignes de communications sont longues et peu sûres aux approches du front. Son instruction a été trop rapide. L’Armée est lourde et répugne à quitter les routes ou les pistes. Elle combat en milieu hostile, autour du réduit biafrais, et en certaines zones du pays Yoruba elle a dû même intervenir en maintien de l’ordre, face à des mécontentements locaux nés de la prolongation de la guerre. Son moral s’en ressent.
L’Armée biafraise, de son côté, rassemble un armement hétéroclite et son approvisionnement reste précaire. Comme ses adversaires, son instruction de base a été trop rapide, mais l’ingéniosité et la détermination de ses cadres et de la troupe la rendent plus apte aux opérations de guérilla, menées dans un milieu qui lui est favorable. Comme les populations elles-mêmes, elle souffre du blocus, mais son moral reste élevé et sa capacité de résistance, à l’heure actuelle, n’apparaît guère entamée.
Ainsi aujourd’hui encore, les combats se traînent sans que, en l’état actuel des choses, l’un des adversaires semble en mesure de s’imposer à l’autre. ♦