Mémoires. 1920-1940-1945
L’auteur a eu l’insigne fortune, alors qu’il n’occupait encore que des postes correspondant à son modeste grade, de vivre près des grands chefs qui se sont signalés au cours de la période qui va de 1920 à 1945 et d’avoir ainsi l’occasion, non seulement d’être le témoin de faits historiques, mais encore d’y prendre personnellement une part de plus en plus importante. C’est ainsi qu’il peut évoquer, dans des conditions qui n’étaient pas celles de la plupart des officiers, les grandes figures de Lyautey, de Weygand, de Giraud et des généraux alliés les plus prestigieux. Ses mémoires sont un mélange de « choses vues » et de commentaires personnels, les uns faits à l’époque même des événements, les autres avec le recul d’une vingtaine d’années et d’une expérience développée par l’habitude des études et l’exercice des hautes responsabilités. Cela donne à ce livre un ton bien particulier et fort attachant, que la qualité du style souligne encore davantage.
Il serait impossible ici de résumer les innombrables événements que rapporte le général Beaufre, car il a pratiquement été présent à tous les grands moments de notre histoire avant et pendant la dernière guerre [Seconde Guerre mondiale]. Nous insisterons davantage sur le témoignage qu’il donne de l’attitude du général Giraud lorsque celui-ci quitte la France en novembre 1942 pour rejoindre l’Afrique du Nord et y trouver la situation extraordinairement troublée que l’on sait ; il nous semble en effet que c’est sur ce point que les souvenirs du général Beaufre sont les plus éclairants, démentant l’image trop souvent donnée d’un grand soldat aux prises avec les désillusions du contact près d’alliés qui jouent leur propre jeu sans trop tenir compte de la France et sans beaucoup croire à sa capacité de redressement, mais montrant aussi à quel point l’âge peut avoir d’influence sur le comportement d’un homme qui se trouve devant une situation inattendue et ne peut s’y adapter facilement.
Cet ouvrage se lit avec la plus grande aisance. Les enseignements qu’il comporte seront-ils entendus des lecteurs les plus jeunes ? Il est rare que l’expérience d’autrui puisse servir… Il y a là, pourtant, large matière à étude, et les jeunes peuvent y voir comment, dans l’apparente routine des travaux courants, on peut, avec un peu de chance et beaucoup de personnalité, s’élever largement au-dessus de sa condition et vivre intensément les événements de l’époque. ♦