Le 12 novembre 1969, le Président de la République turque, M. Cevdet Sunay, arrivait en U.R.S.S. pour un voyage protocolaire de dix jours, qui devait le conduire successivement à Moscou, Leningrad, Kiev, Tiflis et Bakou. Bien que ce fût la première visite d’un chef d’État turc en Union Soviétique, les entretiens prévus avec les dirigeants du Kremlin étaient très limités. Ce fut sur l’insistance des autorités moscovites qu’à la fin de son séjour, M. Sunay eut une entrevue avec M. Brejnev. Le Secrétaire général du parti communiste s’efforça de convaincre son interlocuteur, demeuré sur une certaine réserve, de la volonté du gouvernement soviétique de développer avec la Turquie, sur un pied d’égalité, des relations amicales.

Le communiqué final exprima la communauté des vues sur des problèmes généraux, comme la paix au Viet-Nam et au Proche-Orient, les relations de bon voisinage, confirma l’appui politique de l’U.R.S.S. à la Turquie dans l’affaire de Chypre, affirma l’utilité d’une large participation à une conférence européenne sur la sécurité. L’événement concrétisait la normalisation des rapports entre les deux pays, mais malgré les efforts soviétiques pour dissiper les dernières traces de méfiance, des difficultés subsistaient.

Quelques semaines plus tôt, le 12 octobre, les élections législatives en Turquie avaient, grâce à une loi électorale favorisant les grands partis, assuré une majorité suffisante, bien que diminuée, au Parti de la Justice, pour que son chef, M. Demirel, demeurât à la tête d’un gouvernement homogène, d’où les éléments les plus conservateurs se trouvaient cependant écartés. La campagne électorale avait été largement dominée par les problèmes économiques et intérieurs, la politique étrangère n’ayant pas fait l’objet de sérieux affrontements. Celle-ci avait pourtant subi au cours des dernières années une inflexion notable, qui n’avait pas manqué de soulever dans le monde occidental quelque perplexité. Si l’évolution de la situation générale en Europe et dans le monde se trouve à l’origine de ce nouveau cours, certains facteurs locaux restent déterminants, même si l’on a choisi de ne plus les évoquer qu’avec discrétion.