Militaire - Fin des conversations d'Helsinki sur la limitation des armements stratégiques - République fédérale d'Allemagne : la controverse sur la refonte de l'« Innere Führung » - Danemark : réorganisation de la défense - Yougoslavie : création d'un état-major de défense nationale à Zagreb ; 5e Congrès des cadres militaires de réserve - République populaire de Chine : campagne de préparation à la guerre - Philippines : problèmes militaires et relations avec les États-Unis
Fin des conversations d’Helsinki sur la limitation des armements stratégiques
Les entretiens préliminaires aux conversations américano-soviétiques sur la limitation des armements stratégiques (que les Américains désignent couramment par l’abréviation de SALT, Strategic Arms Limitation Talks) se sont terminés à Helsinki le 22 décembre 1969. Cette phase préparatoire s’était ouverte le 17 novembre 1969 après l’acceptation par Moscou de la proposition américaine d’étudier en commun les moyens de freiner la course aux armements stratégiques.
Le communiqué conjoint marquant la clôture de cette première phase des pourparlers est rédigé en termes très généraux. Soviétiques et Américains ont manifestement voulu limiter au minimum les révélations sur les sujets abordés à Helsinki. Les passages les plus significatifs de ce communiqué sont les suivants :
« L’échange de vues préliminaire sur la limitation des armements stratégiques s’est révélé utile pour les deux côtés. Il résulte de cet échange que chacune des parties est à même de mieux comprendre le point de vue de l’autre en ce qui concerne les problèmes à l’étude. »
« Un accord est intervenu concernant l’ensemble des questions qui feront l’objet des négociations… qui reprendront le 16 avril 1970 à Vienne et qui auront lieu de nouveau à Helsinki à une date ultérieure. »
Ces termes soigneusement choisis et volontairement vagues ont cependant donné lieu à certaines interprétations, compte tenu des paroles prononcées, en particulier lors de la cérémonie publique de clôture, par les deux chefs de délégation, MM. Smith et Semionov.
La presse américaine en a généralement retenu qu’au cours des entretiens d’Helsinki, Russes et Américains seraient convenus de la nécessité de maintenir un équilibre nucléaire tel qu’aucune des deux puissances ne puisse avoir intérêt à attaquer l’autre. Pour maintenir la dissuasion, il est en effet nécessaire qu’aucune des deux parties ne cherche à perturber l’équilibre actuel des forces stratégiques par une course ruineuse aux armements présentant un caractère « déstabilisant ». Pour cette raison, l’URSS et les États-Unis pourraient étudier à Vienne la possibilité de réglementer, dans le cadre d’accords bilatéraux, la production de certaines armes récemment mises au point. Ces armes sont principalement : les missiles géants, tels que les SS-9 soviétiques, susceptibles d’être utilisés au cours d’une première frappe pour détruire préventivement les ICBM en silos ; les missiles à têtes multiples indépendantes (MIRV) qui peuvent accroître les possibilités de première frappe ; et les systèmes antimissiles qui sont de nature à réduire l’efficacité de la riposte adverse et peuvent de ce fait diminuer la crédibilité de la dissuasion.
Un effet « déstabilisant » peut aussi résulter de l’action d’un « tiers perturbateur ». À ce propos, M. Smith a indiqué qu’au cours des entretiens l’existence même de la puissance nucléaire chinoise avait, sans aucun doute, constamment influencé les positions des négociateurs, mais qu’aucune allusion n’avait été faite à son sujet.
Il a été mentionné, par ailleurs, que les Soviétiques auraient exprimé leurs inquiétudes quant au développement par les États-Unis de systèmes de missiles lancés par sous-marins nucléaires. Ils auraient aussi souligné que les objectifs stratégiques seraient plus nombreux, selon eux, sur le territoire américain que sur celui de l’URSS, essayant sans doute par-là de justifier leur désir de posséder davantage d’ICBM que leurs rivaux.
Enfin, les deux parties semblent avoir admis que le problème posé par l’existence des 700 IRBM et MRBM soviétiques pointés sur l’Europe de l’Ouest devra être abordé ultérieurement.
À Washington, on ne cache pas que les conversations seront longues et difficiles et qu’il est encore impossible de prévoir le tour qu’elles prendront.
Dans ses déclarations des 7 et 12 janvier 1970, le Secrétaire à la Défense, M. Laird, a accusé les Soviétiques d’accélérer la course aux armements en accroissant leur capacité de production d’armes offensives, alors que les États-Unis se bornent à faire des travaux de recherche et de développement sur les missiles. M. Laird n’a pas caché qu’en cas d’échec des négociations les États-Unis pourraient réaliser un système de sous-marins nucléaires lanceurs de missiles à longue portée plus perfectionnés que les Polaris et les Poséidon (système ULMS, Underwater Long range Missile System), poursuivre les travaux de déploiement du réseau antimissiles Safeguard, et lancer la production du bombardier B-1, successeur du B-52.
République fédérale d’Allemagne (RFA) : la controverse sur la refonte de « l’Innere Führung »
Le 8 janvier, à Bonn, en réponse aux polémiques engagées depuis plusieurs semaines par des députés socialistes et des éléments progressistes contre le général Schnez, Inspecteur de l’Armée de terre, M. Schmidt, ministre fédéral de la Défense, s’est porté garant de l’honneur des généraux et de leur fidélité aux principes démocratiques.
La publication par la presse d’extraits d’une étude secrète rédigée par le général Schnez, à la demande du ministre, a provoqué ces attaques. Le document traitait du malaise de l’armée. Apparemment les journalistes n’ont retenu que certains aspects discutables comme le retour à des méthodes plus traditionnelles de commandement. En réalité, l’Inspecteur de l’Armée de terre n’a fait que constater la faiblesse de cette armée, due essentiellement à un manque de civisme des citoyens, et proposer des moyens visant à remédier à la situation actuelle, comme le développement de la formation civique avant le service militaire et l’adaptation des règlements en vue d’accroître la discipline. Mais il s’est bien gardé de remettre en cause les principes démocratiques admis par le pays. Il vient même de confirmer l’intangibilité des principes de « l’Innere Führung » dans une interview accordée à la presse. Il y souligne que son étude avait déjà, dans son préambule, précisé l’attachement des officiers de l’Armée de terre à la constitution et aux institutions démocratiques, mais que son rapport avait néanmoins pour but de montrer la nécessité d’adapter les principes de « l’Innere Führung » à l’évolution de la société allemande.
Le même jour, le général de Maiziere, Inspecteur général de l’Armée, s’adressant dans une circulaire aux commandants d’unités, démentait la faiblesse de la Bundeswehr et précisait que depuis la rédaction du rapport Schnez, au début de 1969, le potentiel de l’Armée avait été considérablement amélioré.
(1) Application aux Forces armées de la Charte de l’éducation civique et morale du citoyen [NDLR 2020 : note non attribuée].
Danemark : réorganisation de la Défense
Le début de l’année a été marqué par l’entrée en vigueur de plusieurs mesures ayant trait à l’organisation de la Défense et à la durée du service militaire.
L’organisation de la Défense reposait jusqu’à présent sur la loi de 1960 qui avait été amendée à plusieurs reprises en raison de ses insuffisances. Cependant, en dépit de ces amendements, les responsabilités aux différents échelons restaient imprécises.
La nouvelle loi a été votée au cours de l’été 1969, non sans difficultés d’ailleurs, en raison de l’opposition du parti social-démocrate qui souhaitait, avant de légiférer, réexaminer les fondements de la politique de défense et les missions des trois Armées.
La nouvelle organisation consiste à confier au « Chef de la Défense », véritable chef d’État-Major interarmées, le commandement des trois Armées et de leurs services. Cet officier général devient ainsi seul responsable, devant le ministre de la Défense, de la conduite des opérations et de la réalisation des plans d’équipement. Dans sa mission, il sera assisté d’un État-major interarmées.
Les chefs d’État-Major des trois Armées vont perdre ainsi une part importante de leurs prérogatives, notamment celles concernant les commandes de matériels. En effet, les questions budgétaires et financières seront désormais centralisées à l’échelon du « Chef de la Défense » ; les chefs d’État-Major des trois Armées conserveront la responsabilité de l’instruction et de l’administration des personnels ainsi que la mise en condition des unités.
Parallèlement à ces mesures relatives à l’organisation générale de la Défense, une réduction du service militaire a été votée. La durée de service sous les drapeaux a été fixée à douze mois dans les trois Armées ; avant le 1er janvier 1970, seule l’Armée de l’air bénéficiait depuis juin 1966 du service d’un an, alors que le temps était de quatorze mois dans l’Armée de terre et dans la Marine.
Cette réforme des structures de la Défense danoise se caractérise finalement par une centralisation à l’échelon le plus élevé des responsabilités relatives à la conduite des opérations et à la politique militaire à long terme ; par contre, celles concernant la vie courante des unités, l’instruction, la gestion des personnels et des matériels, incomberont toujours aux échelons subordonnés.
Yougoslavie
Création d’un État-Major de Défense nationale à Zagreb
À la suite de l’adoption de la nouvelle loi sur la Défense, votée le 27 février 1969, un État-major de Défense nationale a été constitué à Zagreb. Il est responsable de la coordination des tâches des unités territoriales, des associations de jeunesse, de la défense civile et des organisations de défense des grandes entreprises. Les renseignements sur les stocks alimentaires, les réserves d’habillement et de matériel, de médicaments et de sang y sont centralisés.
La formation de cet État-major souligne la rapidité avec laquelle la Yougoslavie a entrepris la mise en place du système de défense organisé par la nouvelle loi.
5e Congrès des cadres militaires de réserve
Le 5e Congrès des cadres militaires de réserve de l’armée yougoslave s’est ouvert le 11 décembre 1969 à Belgrade. Le général-lieutenant-colonel Dolnicar, chef de la direction politique de l’armée yougoslave, s’est adressé aux 400 participants, délégués par plus de 4 000 organisations, pour souligner l’intérêt particulier porté aux cadres de réserve par le commandement.
Le Congrès a fait le bilan des activités : 60 000 cadres ont pris part à plus de 600 exercices, un demi-million d’officiers et sous-officiers ont assisté à près de 5 000 assemblées et séminaires, et 150 000 membres des différentes organisations ont été présents à 500 présentations de matériel et exercices techniques.
République populaire de Chine : campagne de préparation à la guerre
Elle se poursuit dans tout le pays et continue d’être le thème essentiel de la propagande. Il faut noter toutefois, à propos de cette campagne et des réalisations qu’elle justifie, deux faits nouveaux qui ont une importance certaine : d’une part la modification intervenue dans l’ordre de priorité des missions générales de l’APL (Armée populaire de libération), d’autre part l’amorce d’un renforcement discret mais substantiel des forces classiques chinoises.
Plusieurs textes émanant de la Commission des Affaires militaires et du Comité permanent du Bureau politique ont indiqué que l’Armée doit désormais se consacrer à l’entraînement de ses unités et de la milice, ce qui laisse prévoir un retrait partiel et progressif des militaires disséminés dans les structures politiques locales. Il reste à savoir comment ce changement d’orientation sera accepté ; compte tenu de la place privilégiée occupée par l’APL dans presque tous les secteurs d’activité, il est à prévoir que ce retrait sera lent et peut-être difficile.
La revalorisation des forces classiques est sans doute une conséquence directe des affrontements frontaliers de 1969, qui avaient suscité une réaction « professionaliste » dans les rangs de l’APL. Les mesures prises actuellement font surtout figure de compromis ; en effet s’il est vrai qu’il a été décidé d’accroître la puissance de feu de l’APL en construisant des armements lourds et d’améliorer sa mobilité par des achats massifs de camions, il n’en reste pas moins que la doctrine officielle est inchangée et demeure celle de la guerre populaire menée selon l’invincible pensée de Mao. Il semble néanmoins que les « professionnalistes » aient marqué un point sérieux.
Enfin, il y a lieu de signaler la réapparition du « Département général politique ». Cet organisme, naguère tout puissant, avait été décimé par les purges au début de la Révolution culturelle ; ses fonctions passèrent alors au « Groupe de la Révolution culturelle dans l’APL » qui fut lui-même épuré à 70 %. Le DGP vient de réapparaître officiellement, ce qui paraît confirmer la tendance à la normalisation des structures.
Philippines : problèmes militaires et relations avec les États-Unis
En annonçant à la séance inaugurale de la conférence de l’ASEAN (Association des Nations du Sud-Est asiatique : Indonésie, Malaisie, Singapour, Philippines, Thaïlande) leur décision de rétablir les relations diplomatiques avec la Malaisie, les Philippines ont voulu concrétiser la volonté du président Marcos de faire disparaître une source de conflits. Les Philippins ont choisi d’enterrer le différend sur la question du Sabah (l’un des deux États de Malaisie orientale, au Nord-Est de l’île de Bornéo) et de normaliser leurs rapports avec les Malaisiens. Leur initiative a insufflé à la conférence un esprit nouveau et leur a valu un succès de prestige.
La volonté de changement de Manille s’est encore affirmée lors des entretiens Agnew-Marcos. Les conséquences de la « doctrine Nixon » sur la présence des forces et des bases américaines aux Philippines ont été étudiées.
Les 1 052 officiers et soldats du contingent philippin, rapatriés du Vietnam comme prévu, ont été présentés au président Marcos le 20 décembre 1969. Seuls demeurent à Saïgon les 189 membres d’un groupe médical dénommé « Philcon » et quelque 6 000 techniciens civils et ouvriers qualifiés employés par des entreprises américaines.
Les problèmes de défense ne sont pas pour autant perdus de vue. Le président Marcos a déclaré au vice-président Agnew qu’il considérait le « parapluie nucléaire » américain comme nécessaire au libre développement des petites Nations d’Asie face à la menace chinoise. Le général Romulo, ministre des Affaires étrangères, estime de son côté que les États-Unis, l’URSS et la Chine devraient signer un traité de non-intervention nucléaire et subversive en Asie et qu’un accroissement des relations diplomatiques avec les pays socialistes et une plus grande ouverture vers l’Europe assureraient davantage de stabilité et de sécurité à l’Extrême-Orient. ♦