Maritime - Dans la Marine française : inauguration de la station VLF (Very Low Frequency) de Rosnay - Manœuvres de l'Otan en Méditerranée - Dans la marine soviétique : nouveaux bâtiments de combat
Dans la Marine française : Inauguration de la station VLF (Very Low Frequency) de Rosnay
Le ministre d’État chargé de la Défense nationale Michel Debré a inauguré, le 5 juin 1970, la station radio de Rosnay. Cette station est principalement destinée à transmettre des messages à nos sous-marins nucléaires lance-missiles (SNLE) type Le Redoutable lorsqu’ils seront en station à des milliers de kilomètres de leur base. Le centre de Rosnay, qui est situé dans le département de l’Indre, fonctionne en VLF car seules les ondes très longues (très basse fréquence) peuvent à la fois assurer des liaisons à très grande distance et pénétrer sous la surface de la mer jusqu’à une profondeur d’une quinzaine de mètres environ et donc atteindre un sous-marin en plongée. Ainsi un bâtiment du type du Redoutable pourrait-il recevoir une communication sans commettre d’indiscrétion, c’est-à-dire sans sortir à l’air libre des antennes plus ou moins repérables à la vue et au radar. S’il navigue à faible immersion, il utilisera une antenne de réception immergée, s’il navigue au contraire à grande profondeur, il traînera derrière et au-dessus de lui une antenne filaire ou encore une petite bouée contenant l’antenne nécessaire à la réception.
Par sa puissance, la station de Rosnay s’apparente aux grandes stations de radiodiffusion mais elle en diffère essentiellement sur les points suivants :
– antenne de dimensions exceptionnelles indispensable pour obtenir un bon rayonnement sur très grande longueur d’onde ;
– possibilité de changer de fréquence dans une gamme relativement large, ceci pour des raisons militaires évidentes ;
– protection contre les explosions nucléaires, ce qui a conduit d’une part, à protéger l’émetteur, son alimentation de secours et le personnel dans un abri bétonné à l’épreuve des explosions et des retombées radioactives et d’autre part, à prévoir la mise en place rapide d’une antenne de fortune en cas de destruction de l’antenne principale.
Une telle station coûte évidemment très cher et la Marine ne peut se payer le luxe d’en posséder plusieurs comme l’US Navy. Aussi a-t-on prévu d’utiliser en cas de non-fonctionnement total de Rosnay la vieille station VLF de Sainte-Assise de même qu’une station moins puissante, travaillant à plus haute fréquence, installée en Bretagne. Enfin, tous les moyens utilisés pour entrer en communication avec les bâtiments de surface permettraient, en dernier recours, d’atteindre les sous-marins à condition qu’ils viennent à immersion périscopique pour placer une antenne à l’air libre, procédé il est vrai exceptionnel en raison de son manque de discrétion.
Manœuvres de l’Otan en Méditerranée
Le 16 janvier 1969, l’Otan avait décidé, on s’en souviendra peut-être, de créer en Méditerranée un groupe naval interallié analogue à la STANAVFORLANT qui opère en Atlantique. Mais alors que cette dernière est une force permanente le groupe précité, qui a été baptisé NAVOCFORMED, est purement occasionnel. Les bâtiments qui en font partie demeurent, en effet, normalement sous commandement national, mais sont susceptibles d’être réunis en très peu de temps « sur appel », (« on call ») du Commandant en chef régional Otan. Le groupe, fort de cinq destroyers ou escorteurs (un américain, un britannique, un grec, un italien et un turc), a été activé pour la première fois le 26 avril dernier. Il a effectué, sous les ordres d’un capitaine de vaisseau italien, en Méditerranée centrale et orientale, des exercices d’artillerie et de missiles, de lutte anti-sous-marine et de ravitaillement à la mer avant d’être dissous le 9 mai.
L’exercice annuel Dawn Patrol (« patrouille de l’aube ») qui est sans doute le plus important de l’Otan en Méditerranée et, en tout cas, le seul auquel participera cette année notre Marine, s’est déroulé du 3 au 19 juin. Son but principal est de vérifier l’état de préparation des forces aéronavales de l’Alliance et de mettre à l’épreuve les liaisons de commandement. Dawn Patrol 1970 a été organisé en commun par notre Commandant en chef en Méditerranée (Cecmed) et le Commandant en chef Otan du Sud-Europe (CINCSOUTH). Il a comporté des exercices de défense aérienne, de lutte anti-sous-marine, des attaques aériennes contre la terre et s’est achevé par une opération amphibie qui s’est déroulée le 13 juin à Gythion au sud du Péloponnèse. Pas moins d’une centaine de bâtiments y ont participé, dont les porte-avions d’attaque Forrestal et F.D. Roosevelt et plusieurs autres unités de la VIe Flotte américaine, le porte-avions britannique Hermes, une vingtaine d’unités italiennes dont trois lance-missiles ainsi que des navires légers grecs et turcs. Notre Marine était représentée par le porte-hélicoptères Arromanches, le conducteur de flottille Cassard arborant la marque du contre-amiral, commandant l’Escadre de la Méditerranée, les escorteurs d’escadre D’Estrées, Forbin et La Galissonnière, les escorteurs rapides Le Vendéen et L’Agenais, le navire logistique Rhin, deux sous-marins ainsi que deux flottilles de patrouilleurs Breguet Atlantic de l’aéronavale.
Dans la marine soviétique : nouveaux bâtiments de combat
L’an dernier, le département de la Défense américain a révélé au public l’apparition dans la marine soviétique de quatre nouveaux types de sous-marins désignés par les lettres Y, V, C et B. Depuis lors, quelques informations sur ces bâtiments ont transpiré dans la presse et les revues spécialisées.
Le Y, observé pour la première fois en 1967, est un sous-marin nucléaire lance-missiles balistiques qui ressemble aux bâtiments américains de la classe Ethan Allen. Il est construit aux chantiers de Severodvinsk près d’Arkangelsk en mer Blanche et à Komsomolsk sur l’Amour en Extrême-Orient. Son déplacement serait d’environ 8 000 tonnes en plongée. Il est, comme les SSBN (SNLE) de l’US Navy, équipé de seize missiles logés dans des puits verticaux situés sud l’arrière du massif. Ces missiles sont lancés en plongée et ils auraient une portée de près de 3 000 km. On évalue à une douzaine le nombre de ces sous-marins actuellement en service et de douze à quatorze ceux qui sont à divers stades de leur construction, celle-ci demandant trois années.
Le V est un Sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) de 4 300 t. Dérivé des unités précédentes de la classe N dont il rappellerait la silhouette, il serait armé de torpilles à ogive nucléaire.
Le C est également à propulsion nucléaire. Il mettrait en œuvre des missiles aérodynamiques anti-surface lançables en plongée et c’est sans doute à un ou plusieurs bâtiments de ce type que la presse soviétique a fait allusion à l’occasion des récentes manœuvres Okean.
Le B, par contre, est un sous-marin Diesel. Ce renouveau d’intérêt des Soviétiques pour ce mode de propulsion a surpris, car on pensait, qu’à l’instar des Américains, ils ne construiraient plus que des sous-marins nucléaires. Le nombre de B en service n’est pas connu, de même que les délais de construction. La marine construit annuellement environ douze sous-marins à propulsion nucléaire dont la moitié au moins appartient au type Y.
Il est bon de rappeler à propos de ces nouvelles unités, que la flotte soviétique possède quelque 370 sous-marins dont près d’une centaine équipés par moitié de missiles balistiques et de missiles aérodynamiques. Ces sous-marins appartiennent aux classes suivantes (1) :
1. Lance-missiles balistiques
a) nucléaires :
– 12 Y équipés chacun de seize missiles, de 3 000 km de portée environ ;
– 8 à 10 H armés de trois missiles SSN.5 pouvant atteindre une cible située à 1 200 km.
b) diesel :
– 25 à 30 G dotés de trois missiles du modèle SSN.4 de 700 km de portée qui ne peut être lancé qu’en surface.
Au total, on peut donc estimer la puissance de frappe de tous ces sous-marins à 300 missiles environ.
2. Lance-missiles aérodynamiques
a) nucléaires :
– 6 E.1 équipés chacun de six missiles SSN.3 que le sous-marin doit lancer après avoir fait surface. La portée maximale de ces missiles est de 550 à 600 km sur un objectif terrestre et de 100 à 140 km sur but marin ;
– 24 E.2 équipés de huit missiles SSN.3 ;
– 4 à 5 C dotés de missiles d’un type nouveau sans doute lançables en plongée.
b) diesel :
– 10 J porteurs de quatre SSN.3 ;
– 10 plus anciens équipés de 2 à 4 missiles de ce type.
L’effort qu’accomplit la marine soviétique pour développer sa force sous-marine ne l’empêche pas de poursuivre en même temps la construction de magnifiques bâtiments de surface. Le Gouvernement de l’URSS a en effet bien pris conscience, qu’en plus de leur rôle proprement militaire, les navires de surface sont, à notre époque encore, seuls capables, par une présence permanente et visible sur toutes les mers, de soutenir la politique d’expansion du pays. Rien n’illustre mieux cette volonté que l’apparition toute récente d’un nouveau type de croiseur lance-missiles, premier d’une série de plusieurs bâtiments en construction aux chantiers Jdanov de Leningrad. Ces croiseurs qui sont dérivés du type Kresta sont équipés de huit missiles surface-surface à grande portée qui leur confèrent une puissance offensive considérable. Comme ils sont par ailleurs dotés d’une puissante défense antiaérienne et d’un excellent équipement de détection radar à grande distance, ils représentent un remarquable accroissement des capacités de la flotte de surface soviétique et une grave menace pour les marines occidentales. Les caractéristiques comparées des plus récents croiseurs soviétiques sont rappelées dans le tableau ci-contre :
Évolution des plus récents croiseurs soviétiques
Type |
Kynda |
Kresta |
Kresta modifié |
Nombre |
4 |
4 |
1 + 4 à 6 en construction |
En service |
1960-1964 |
1964-1969 |
1970 |
Déplacement |
6 000 tpc |
7 000 tpc |
7 000 tpc |
Vitesse |
34 nœuds |
34 nœuds |
34 nœuds |
Missiles : |
|
|
|
– surface-surface |
8/SSN.3 * (+ 8 en soute) |
4/SSN.3 * |
8 d’un type nouveau |
– surface-air |
1 rampe double 20 SAN.1 |
2 rampes doubles 40 SAN.1 |
2 rampes doubles 40 SAN.3 ** |
Artillerie |
4/76 AA |
4/57 AA |
4/57 AA 8/30 AA |
Tubes lance-torpilles |
6 (III x 2) |
10 (V x 2) |
10 (V x 2) |
Armes ASM |
4 lance-roquettes |
4 lance-roquettes |
4 lance-roquettes |
Hélicoptère |
|
Oui |
Oui |
Notas :
* Contre but de surface, la portée normale du SSN.3 est 40 km environ. En utilisant un aéronef qui surveille la cible et détermine ses coordonnées, il pourrait être utilisé jusqu’à 150 km.
** Le SAN.3 est d’un modèle plus récent et plus perfectionné que le SAN.1 qui équipe les croiseurs précédents. Ce système est, comme sur les porte-hélicoptères de la classe Moskva, associé à deux radars de guidage et surtout à un radar tridimensionnel à longue portée qui n’existe pas sur les autres croiseurs.
(1) Renseignements tirés de la dernière édition des Flottes de combat.