Le coup de théâtre de Mascate (23 juillet 1970)
La déposition du sultan de Mascate et Oman va permettre à cet État d’Arabie d’accéder enfin au monde moderne ; elle aura, pour toute la région, des conséquences considérables. Il s’agit donc d’un véritable coup de théâtre, et cependant l’événement est passé presque inaperçu en Occident. Il a eu lieu, en effet, le 23 juillet, c’est-à-dire le jour même où le président Gamal Abdel Nasser prononçait le retentissant discours dans lequel il déclarait accepter le plan Rogers ; annoncé, pour des raisons locales, avec quelque retard, il n’a été connu qu’au moment où les observateurs des affaires orientales consacraient toute leur attention au développement de la procédure de paix en Palestine. Mais, comme le gouvernement britannique exerce encore sa tutelle sur Mascate et se préoccupe actuellement du futur équilibre du Golfe, les commentaires ont cependant été copieux à Londres.
Plus qu’une révolution de palais
Les faits, d’ailleurs, sont assez banaux, et non sans précédents. Le vieux Sultan Saïd ibn Taïmour, régnant depuis trente-huit ans, avait déjà laissé savoir qu’il se proposait d’abdiquer en faveur de son fils, Qabous ibn Saïd (1) ; mais sans doute s’était-il ravisé. Volontairement reclus, il vivait dans son palais de Salalah, chef-lieu de la province troublée du Dhofar ; ce choix paradoxal s’expliquait probablement par la présence, dans cette petite cité ceinte de barbelés, de la majeure partie de ses troupes, encadrées par des Britanniques et des Pakistanais.
Dans la soirée du 23 juillet, le fils du gouverneur du Dhofar, le cheikh Bouraïk ibn Hamoud, encerclait le palais avec un groupe de soldats de la garde et de guerriers de la tribu Haouasina, coupait l’électricité, pénétrait à la faveur du désarroi général dans la pièce où se tenait le Sultan et arrêtait celui-ci ; l’émir Qabous, organisateur du coup, s’installait à la place de son père, et confiait provisoirement à Bouraïk la charge du gouvernement. Le lendemain l’ancien sultan, qui avait été légèrement blessé dans la bousculade, était transféré sous bonne garde à l’aérodrome de la Royal Air Force et envoyé par avion à Londres, via Bahrein. C’est seulement le 26, après s’être assuré de l’arrivée du souverain déchu en Angleterre, que le sultan Qabous annonçait la déposition de son père et son accession au trône. La nouvelle ne suscitait, à Mascate comme à Salalah, aucun remous, mais au contraire de vives manifestations de joie populaire.
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