Maritime - La part de la Marine dans le plan d'équipement de la troisième loi de programme
La troisième loi de programme militaire qui couvre la période 1971-1975 a été présentée au Parlement le 7 octobre 1970. Les dépenses d’investissement envisagées pour cette période se montent à 93,5 milliards de francs d’autorisations de programme (AP) et 82,4 Md de crédits de paiement (CP). Ces chiffres représentent l’intégralité des dépenses d’équipement des Armées et non plus, comme par le passé, celles relatives aux seules études et équipements majeurs. Cette extension a été décidée par souci de cohérence, l’expérience ayant montré combien il était arbitraire de vouloir dissocier les programmes importants des autres ; ces derniers ne constituent-ils pas, en effet, le complément et le support indispensable des premiers ?
Une marge d’incertitude plus ou moins grande, inhérente à tout effort de prévision, affectera comme les fois précédentes la réalisation du plan d’équipement. Deux éléments peuvent intervenir à cet égard. Le premier concerne les aléas d’ordre militaire, économique ou technique propres à toute planification. Le second, volontaire, résulte des méthodes de rationalisation des choix budgétaires qui visent l’utilisation optimale des ressources et des moyens mis en œuvre pour remplir les missions assumées. Par ces méthodes, qui feront systématiquement appel à l’analyse économique et aux études de coût-efficacité, les Armées vont s’efforcer tout au cours du plan d’utiliser au mieux l’effort financier consenti par le pays. Il pourrait donc en résulter certains aménagements des moyens mis en œuvre pour atteindre les objectifs recherchés, sinon une modification des objectifs eux-mêmes.
Le programme d’équipement prévu est plus axé sur la valeur qualitative et donc leur efficacité, que sur le nombre des matériels qui seront construits. La complexité et le coût des armements modernes ont crû dans des proportions telles qu’on est en effet désormais obligé d’en limiter le nombre. C’est ainsi que le prix des navires et celui de leurs équipements a été depuis la guerre multiplié par vingt tandis que celui des missiles et des aéronefs l’a été par plusieurs fois cent.
À notre époque, aucun gouvernement d’une nation pacifique sur laquelle ne plane aucune menace immédiate, n’acceptera de demander à ses concitoyens de payer pour leur défense une prime d’assurance plus grande que celle qu’il estime juste et nécessaire. Ceci pose à ceux qui sont responsables de la défense un problème difficile quant au choix des moyens qu’il convient de construire. C’est tout particulièrement le cas pour les marins de notre pays. Dans la limite des crédits accordés, leur faut-il, pour remplir les missions assignées par le Gouvernement, le nombre désirable de navires, persuadés qu’ils risquent d’être de ce fait inférieurs à ceux des autres marines, ou au contraire posséder peu de bâtiments très élaborés, sachant que dans ce cas – et ils le disent – certaines missions ne pourront être assumées ? Sans parler de la marine soviétique qui paraît obtenir tous les moyens qu’elle désire, pareil dilemme ne se pose pas d’une façon aussi aiguë dans les marines anglo-saxonnes car la part du budget militaire qui leur revient est beaucoup plus importante (de 25 à 30 %) que celle accordée à la nôtre depuis quelques années (16 % en moyenne). À notre époque de dissuasion nucléaire, la Marine consciente que les conflits d’intérêts entre Nations auront de plus en plus tendance à se régler sur mer avait espéré obtenir qu’un pourcentage plus important du budget des Armées lui soit accordé. Néanmoins, si elle n’a pu faire prévaloir ses vues, les crédits d’investissements qui lui ont été attribués sont légèrement supérieurs à ceux qui avaient tout d’abord été inscrits à son chapitre.
Les AP et les CP relatifs au troisième plan d’équipement militaire se répartissent comme suit en milliards de francs courants.
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Autorisations de programme |
Crédits de paiement |
Forces nucléaires stratégiques : |
28,126 |
27,770 |
dont missiles |
10,110 |
9,720 |
dont FNS.Marine (SNLE et environnement) |
4,580 |
4,541 |
Forces nucléaires tactiques |
2,763 |
2,680 |
Armée de terre |
20,475 |
17,150 |
Marine |
14,114 |
11,850 |
Armée de l’Air (hors FNS) |
21,909 |
17,400 |
Section commune |
6,113 |
5,610 |
Total |
93,500 |
82,400 |
Pour ce qui concerne la Marine, les crédits prévus pour les forces nucléaires stratégiques vont permettre :
– d’entreprendre dès l’an prochain la construction d’un 4e sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) L’Indomptable afin qu’il puisse rallier la flotte au début du quatrième plan ;
– de poursuivre l’achèvement des sous-marins Le Redoutable, Le Terrible et Le Foudroyant ;
– de continuer la fabrication des missiles Mer-sol balistique stratégique (MSBS) qui, à raison de seize par bâtiment, leur sont destinés ;
– de mettre le dernier point aux installations de l’Île Longue.
Il est d’autre part envisagé de mettre éventuellement en chantier un 5e SNLE vers la fin du troisième plan, c’est-à-dire en 1975, ou au tout début du 4e plan d’équipement militaire.
Le Redoutable qui est maintenant basé à Brest va poursuivre ses essais. L’an prochain, il fera de nombreuses sorties au cours desquelles auront lieu les tirs de qualification des missiles MSBS qui précéderont son admission au service actif prévue pour la fin de 1971.
Le Terrible qui a été lancé le 12 décembre 1969 doit selon les prévisions actuelles prendre pour la première fois la mer en 1972 et entreprendre sa première patrouille opérationnelle en 1973.
Le Foudroyant, quant à lui, sera mis à l’eau fin 1971 et en principe achevé vers la mi-1974.
Pour ce qui concerne les missiles mis en œuvre par ces sous-marins les AP et les CP inscrits au plan permettront de poursuivre la fabrication des MSBS de la première génération destinés au Redoutable et au Terrible, de continuer les études et démarrer la fabrication des engins de la seconde génération qui équiperont Le Foudroyant et L’Indomptable. Ces MSBS auront une portée et une puissance plus grandes.
Les dépenses hors Force nucléaire stratégique (FNS) prévues au plan prévoient 14,114 Md F d’AP et 11,850 Md F de CP. Elles seront ventilées comme suit :
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Autorisations de programme |
Crédits de paiement |
Études |
2,024 |
1,799 |
Fabrications |
7,419 |
5,838 |
dont bâtiment de surface |
4,08 |
3,149 |
dont sous-marins classiques |
0,538 |
0,301 |
dont aéronautique navale |
1,501 |
0,853 |
Infrastructure et soutien (y compris munitions) |
4,671 |
4,213 |
Total |
14,114 |
11,85 |
L’effort portera en priorité sur les moyens concourant directement à la mission stratégique des SNLE et en second lieu sur le maintien de la capacité aéronavale actuelle de nos forces.
Le programme prévoit en ce qui concerne les navires :
1° L’achèvement des fabrications lancées au titre du deuxième plan, soit :
– 1 corvette type C-65 de 3 500 tonnes : l’Aconit
– 3 corvettes type C-67 de 4 700 t : Tourville, Dugay-Trouin et la n° 3 non encore baptisée ;
– 5 chasseurs de mines de 460 t : Circe, Clio, Calliope, Cybèle et Ceres ;
– 1 bâtiment hydrographique de 2 000 t : le D’Entrecasteaux ;
– 1 bâtiment d’expérimentation sous-marine : le Triton.
2° Le lancement des constructions suivantes :
– 2 ou 3 corvettes d’un nouveau type C-70 de 3 500 t environ (propulsion par turbines à gaz et diesel, 32 nœuds, artillerie de 100, missiles surface-surface MM38 Exocet, hélicoptère anti-sous-marin [ASM] WG.13 Lynx) ;
– 14 avisos de 1 250 t (propulsion Diesel, 23 nœuds, 1 tourelle de 100, 1 lance-roquettes et torpilles ASM). Mission principale : lutte ASM dans les eaux côtières par fonds inférieurs à 200 m ; missions secondaires : action de présence outre-mer, servitudes et entraînement des écoles ;
– 4 sous-marins classiques à très hautes performances (1 400 t en surface, 1 690 en plongée, 21 nœuds en plongée, torpilles très évoluées) ;
– 1 bâtiment anti-mines prototype d’une série qui sera entreprise durant la 4e loi de programme ;
– 2 patrouilleurs pour le service outre-mer ;
– 1 pétrolier ravitailleur d’escadre ;
– en principe un porte-hélicoptères ASM et d’assaut (18 000 t).
La construction du sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) Rubis déjà inscrite au deuxième plan a été malheureusement, pour des raisons financières, repoussée au quatrième. Ce type de sous-marin représente l’avenir et sans parler des Américains et des Soviétiques qui en possèdent plusieurs dizaines en service et en construction, la Royal Navy aura pris sur nous en 1975 une grande avance puisqu’elle disposera alors de huit à neuf SNA. La Marine regrette beaucoup d’avoir dû également renoncer à inscrire au plan la construction d’un second pétrolier ravitailleur d’escadre. Notre flotte logistique, malgré l’effort accompli ces dernières années en sa faveur est encore, pourquoi le nier, très insuffisante. Certes nous disposons avec la Seine et la Saône de pétroliers ravitailleurs d’escadre possédant encore une certaine valeur, mais ils sont lents (16 nœuds), déjà très âgés, d’une conception ancienne, et ont surtout l’inconvénient de n’être que deux, ce qui risque lorsque l’un est indisponible, de limiter la liberté d’action de nos escadres. Il faut donc souhaiter que le plan soit révisé à cet égard.
3° La modernisation de l’armement et des équipements des unités suivantes :
– croiseur Colbert (missiles surface-air Masurca) ;
– sept sous-marins de la classe Daphné (nouvelles torpilles, nouveaux sonars).
4° La mise à jour des équipements électroniques et des armes.
Il s’agit d’une opération à caractère continu. Elle a pour but de permettre aux bâtiments relativement anciens (tranche d’âge de cinq à vingt ans environ) de profiter des progrès réalisés sur les équipements de détection sous-marine, de transmission, de contre-mesures, etc., et éventuellement d’armes (MM38, par exemple) valorisant au moindre coût et sans modifications majeures, les systèmes d’armes existant.
L’aéronautique navale s’enrichira en principe au cours du plan de :
– 13 hélicoptères WG.13 Lynx, destinés aux corvettes, sur 30 commandés ;
– 6 hélicoptères Super Frelon ;
– 6 avions d’attaque embarqués (en principe Jaguar M) constituant l’amorce d’un programme de remplacement des Étendard parvenus en fin de service.
Seront en outre modernisés les patrouilleurs Breguet Atlantic.
Tranches navales de la 3e loi de programme (1)
Années de mises sur cale |
1971 |
1972 |
1973 |
1974 |
1975 |
SNLE |
1 |
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1 |
Corvettes C-70 |
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1 |
1 |
1 |
Avisos |
2 |
3 |
3 |
3 |
3 |
Sous-marins |
1 |
1 |
1 |
1 |
|
Pétrolier ravitailleur |
|
1 |
|
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|
Patrouilleurs |
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|
2 |
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Bâtiments de guerre de mines |
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1 |
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Engins de débarquement |
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2 |
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Porte-hélicoptères |
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1 |
(1) Tableau non officiel.
Dates d’entrée en service des bâtiments de la 2e loi de programme encore en construction
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1971 |
1972 |
1973 |
1974 |
1975 |
1976 |
SNLE |
Le Terrible |
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x |
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Le Foudroyant |
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|
x |
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Corvettes |
Aconit |
|
x |
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Tourville |
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x |
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Dugay-Trouin |
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|
x |
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C-67 n° 3 |
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x |
Dragueurs |
Circé |
x |
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Clio |
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x |
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Calliope |
|
x |
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Cybèle |
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x |
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Cérès |
|
x |
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Bâtiments spéciaux |
D’Entrecasteaux |
x |
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Triton |
x |
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Refonte |
Colbert modernisé |
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x |
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