Défense en France - La troisième loi de programme relative aux équipements militaires - L'ouverture de la 23e Session des Hautes études de défense nationale à l'École militaire et 34e cycle régional d'information de défense nationale à Marseille - Inauguration du nouvel hôpital d'instruction des armées Begin - Visites de personnalités et coopération militaire
La troisième loi de programme relative aux équipements militaires
Alors que le VIe Plan est une projection de l’évolution en termes économiques, la loi de programme militaire comporte des engagements financiers de principe que la loi de finances de chaque année doit confirmer. En établissant l’enveloppe des crédits consacrés aux investissements militaires pour les cinq prochaines années et en fournissant le détail de leur affectation, cette loi définit les traits essentiels de la politique de défense en France, d’où son importance. La troisième loi de programme votée par l’Assemblée nationale puis par le Sénat confirme l’orientation de la politique militaire depuis 1959, mais elle comporte, par rapport aux deux précédentes, des différences sensibles quant à ses modalités et à sa portée :
Ventilation des ouvertures d’autorisations de programme
Opérations |
1971 |
1972 |
1973 |
1974 |
1975 |
Total 1971-1975 |
Forces nucléaires stratégiques (FNS) |
4 534 |
5 338 |
5 677 |
6 250 |
6 327 |
28 126 |
Dont armes |
1 760 |
2 300 |
2 444 |
2 525 |
2 629 |
11 658 |
Dont missiles |
1 383,5 |
1 805,5 |
2 044 |
2 393 |
2 484 |
10 110 |
Dont FNS air (Mirage IV et environnement) |
320 |
363 |
349 |
362 |
384 |
1 778 |
Dont FNS marine (sous-marins nucléaires et environnement) |
1 070,5 |
869,5 |
840 |
970 |
830 |
4 580 |
Armement nucléaire tactique (ANT) |
560 |
658 |
583 |
533 |
429 |
2 763 |
Armée de terre |
3 679 |
3 968 |
4 031 |
4 345 |
4 452 |
20 475 |
Études |
375 |
415 |
437 |
460 |
485 |
2 172 |
Fabrications |
2 637 |
2 824 |
2 821 |
3 097 |
3 163 |
14 542 |
Dont matériels blindés |
528 |
653 |
646 |
493 |
561 |
2 881 |
Dont matériels aériens |
300 |
212 |
193 |
167 |
105 |
977 |
Dont artillerie (sol-sol et sol-air) et armement |
133 |
217 |
256 |
500 |
562 |
1 668 |
Dont munitions et missiles antichars et antiaériens |
783 |
896 |
985 |
1 070 |
1 181 |
4 915 |
Infrastructure et soutien (non compris munitions) |
667 |
729 |
773 |
788 |
804 |
3 761 |
Marine (hors force nucléaire stratégique) |
2 037 |
2 860 |
2 947 |
3 088 |
3 182 |
14 114 |
Études |
404 |
379 |
390 |
410 |
441 |
2 024 |
Fabrications |
890 |
1 599 |
1 614 |
1 661 |
1 655 |
7 419 |
Dont bâtiments de surface |
500 |
885 |
869 |
883 |
945 |
4 082 |
Dont sous-marins classiques |
129 |
92 |
99 |
106 |
112 |
538 |
Dont aéronautique navale |
40 |
276 |
306 |
419 |
460 |
1 501 |
Infrastructure et soutien (y compris munitions) |
743 |
882 |
943 |
1 017 |
1 086 |
4 671 |
Armée de l’air (hors force nucléaire stratégique) |
4 149 |
4 168 |
4 573 |
4 420 |
4 599 |
21 909 |
Études |
925 |
938 |
939 |
877 |
890 |
4 569 |
Fabrications |
2 128 |
2 033 |
2 343 |
2 213 |
2 376 |
11 093 |
Dont Jaguar |
130 |
1 297 |
152 |
1 439 |
170 |
3 188 |
Dont Mirage F1 |
1 435 |
111 |
1 006 |
118 |
98 |
2 768 |
Dont télécommunications |
328 |
363 |
380 |
398 |
416 |
1 885 |
Infrastructure et soutien (y compris munitions) |
1 096 |
1 197 |
1 291 |
1 330 |
1 333 |
6 247 |
Section commune (hors forces nucléaires stratégiques et hors armement nucléaire tactique) |
1 036 |
1 269,3 |
1 210,2 |
1 237,5 |
1 360 |
6 113 |
Dont gendarmerie |
307,5 |
377 |
414,5 |
439 |
459 |
1 997 |
Dont organismes communs de la Délégation ministérielle pour l’armement (DMA) |
485 |
638,1 |
596,1 |
611 |
665,8 |
2 996 |
Dont Service de santé |
91 |
65,5 |
41,2 |
35,2 |
81 |
314 |
Dont services divers et organismes interarmées |
152,5 |
188,7 |
158,4 |
152,2 |
154,2 |
806 |
Totaux généraux |
15 995 |
18 261,3 |
19 021,2 |
19 873,5 |
20 349 |
93 500 |
1) Elle fixe le montant des autorisations de programme relatives non pas seulement à certains équipements, mais à la totalité de ceux-ci, et même à la totalité des investissements militaires, y compris l’infrastructure et les soutiens des diverses catégories de forces.
2) Le tableau de ventilation des autorisations de programme (que nous reproduisons ci-dessus) est annexé à la loi et en fait partie organiquement : il a donc une valeur non pas indicative mais législative.
Ce tableau présente les programmes relatifs aux forces nucléaires stratégiques, à l’armement nucléaire tactique, aux trois Armées et à la section commune (gendarmerie, délégation ministérielle à l’armement, service de santé, services divers) et ventile leurs dotations, année par année, suivant trois postes : études, fabrications, infrastructure.
3) Contrairement à la deuxième loi de programme, celle-ci ne prévoit aucune provision pour aléas techniques. S’il s’en produit, ceux-ci devront être surmontés par des transferts d’un chapitre à l’autre, ou par un étalement dans le temps. Toutefois, si ces modifications devaient avoir, au-delà des crédits de paiement, des répercussions sur les autorisations de programme, le Parlement devrait en être saisi.
L’ensemble des programmes ainsi répartis atteint un total de 93,5 milliards de francs.
En dépit d’une croissance apparente en autorisations de programme du titre V, celui-ci ne fait que maintenir le pouvoir d’achat des armées, compte tenu des hausses économiques prévues.
En fait, suivant les prévisions de croissance du PNB la part de celui-ci consacrée aux dépenses militaires ne cessera de décroître pour atteindre 3 % en 1975, alors qu’elle est, en 1970, de 3,4 % du PNB.
Analysant la part de l’armement nucléaire dans ce plan, M. Bennetot, rapporteur de la Commission de défense nationale et des forces armées, a montré que cette part représentait environ le sixième du budget militaire total. Compte tenu du fait que le titre V, qui comporte l’essentiel de ces dépenses, constitue la moitié du budget militaire, le coût de l’armement nucléaire représente donc 0,5 % de l’ensemble des dépenses de la nation. Tout en continuant à accorder la priorité aux forces nucléaires stratégiques, le Gouvernement n’en a pas pour autant sacrifié les forces classiques, puisqu’au terme du plan, les 2/3 des dépenses en capital des Armées, pour les cinq années à venir, leur seront consacrés.
Poursuite de l’effort de constitution de la force nucléaire stratégique et modernisation des autres forces, tels sont les deux objectifs majeurs de la nouvelle loi de programme.
Force nucléaire stratégique
Le nombre des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) sera porté à 5, permettant d’assurer deux patrouilles à la mer en permanence. On sait que chacun d’eux doit être armé de 16 missiles mer-sol balistiques stratégiques (MSBS) d’un 1/2 mégatonne et d’une portée supérieure à 2 000 km.
Deux unités, également armées de 9 missiles balistiques sol-sol seront implantées sur le plateau d’Albion. Les premiers SSBS (sol-sol) d’une puissance de 150 KT et d’une portée de 3 000 km seront installés en 1971.
La force des 58 Mirage IV (36 opérationnels en permanence), armés de bombes de 70 KT restera en service au-delà de 1975.
L’ensemble de ces armes représente une capacité de 40 mégatonnes environ. L’effort de modernisation portera sur la miniaturisation des charges. Suivant l’évolution de la technologie et notamment de celle relative aux antimissiles, un choix devra être fait entre, d’une part, le durcissement des armes et leur capacité de pénétration, et d’autre part, leur puissance.
Armement nucléaire tactique
Les premiers missiles sol-sol Pluton destinés à accroître considérablement la puissance de feu des forces terrestres entreront en service en 1972.
Notons qu’à propos de cet armement, le ministre d’État chargé de la Défense nationale a réaffirmé, face aux craintes exprimées par certains députés, la doctrine fondamentale suivant laquelle l’emploi de toute arme nucléaire, quelle qu’en soit la portée ou quel qu’en soit l’objectif, ne peut être décidé que par le chef de l’État lui-même. « Il peut arriver – et il ne peut pas en être autrement – qu’une certaine délégation soit consentie à l’intérieur d’une fourchette très réduite dans le temps et dans l’espace. Mais, fondamentalement, la décision ne peut pas être abandonnée par le chef de l’État [Georges Pompidou], et je puis vous assurer qu’elle ne le sera pas » devait affirmer M. Michel Debré.
En présentant le projet de loi devant l’Assemblée nationale, M. Michel Debré a rappelé les principes qui guident la politique de défense de la France et il a souligné que notre pays n’avait nullement l’ambition de rivaliser quantitativement, pour ce qui est des armements nucléaires, avec les puissances superarmées, mais de disposer d’armements puissants dont le danger représente une capacité dissuasive. Le ministre d’État a révélé à cette occasion :
1° Qu’un projet de loi sur la fonction militaire est en préparation depuis quelques mois et qu’il espérait qu’il pourrait être présenté prochainement. « Il sera l’occasion pour nous, a dit le ministre d’État, de parler de ces choses essentielles que sont la recherche et l’encouragement des vocations, la qualité de l’enseignement, la formation permanente, et aussi la nécessité de traiter convenablement les hommes qui se dévouent au service de la Patrie. »
2° Que des mesures tendant à améliorer le sort des officiers et sous-officiers interviendront dès 1971.
3° Qu’un projet de loi sur l’organisation des Armées, laquelle repose jusqu’ici sur des lois de 1882, 1927 et 1934, est à l’étude. L’objectif sera de donner une structure moderne à l’ensemble de notre appareil militaire, d’assurer l’union opérationnelle des trois Armées, de moderniser la gestion et la mobilisation « en tenant compte plus des hypothèses opérationnelles de demain que de celles du passé », et d’assurer au maximum la rentabilité des services.
L’ouverture de la 23e session de l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) à l’École militaire et 34e Cycle régional d’information de la Défense nationale à Marseille
En présence de nombreuses hautes personnalités civiles et militaires, le ministre d’État chargé de la Défense nationale a ouvert le 20 octobre 1970 à l’École militaire la 23e session de l’IHEDN. Il y a fait un important exposé de la politique nationale de défense que nous reproduisons en tête de cette revue.
À Marseille s’est ouvert le 13 octobre le XXXIVe cycle régional d’information de défense nationale. Complétant le rôle que joue sur le plan national l’IHEDN, ces cycles, organisés deux fois par an, ont pour objet de préparer des officiers généraux ou supérieurs, des hauts fonctionnaires et des personnes particulièrement qualifiées à tenir, sur le plan régional, des postes de responsabilités dans le domaine de la Défense. En plus de conférences et de visites consacrées à la politique militaire française et ses réalisations, ce XXXIVe cycle comporte des exposés et des visites essentiellement axés sur l’industrialisation du bassin méditerranéen et du sud de la France.
Parmi les conférenciers on notait trois personnalités étrangères : M. Kamel Abdellak Kliodja, Secrétaire d’État au plan algérien, le professeur-docteur Giuseppe Petrilli, président de l’Institut pour la reconstruction industrielle, de Rome, et M. Juan Kindelan, ingénieur des mines, directeur des études de l’Institut national de l’industrie de Madrid.
M. André Fanton, secrétaire d’État auprès du ministre d’État chargé de la Défense nationale a prononcé la conférence inaugurale, dans laquelle il a traité des problèmes posés par la politique de dissuasion et surtout précisé la politique française en Méditerranée soulignant l’intérêt de l’harmonie des efforts entre pays riverains pour éviter la transformation du bassin méditerranéen en champ clos russo-américain.
Inauguration du nouvel Hôpital d’instruction des armées Bégin
Le nouvel Hôpital d’instruction des armées (HIA) Bégin a été inauguré le jeudi 29 octobre 1970 par M. Michel Debré, ministre d’État chargé de la Défense nationale en présence de nombreuses hautes personnalités civiles et militaires.
Cet hôpital constitue avec les hôpitaux d’instruction des Armées du Val-de-Grâce et Percy l’ensemble hospitalier militaire parisien. Première réalisation du plan de rénovation de cet ensemble, l’hôpital Bégin, situé en bordure du Bois de Vincennes, se présente comme un monobloc en forme de croix de sept étages comportant 604 lits répartis dans 110 chambres individuelles dont 11 avec salon attenant, 160 chambres à 3 lits et 2 appartements pour l’hospitalisation de hautes personnalités. La capacité hospitalière sera portée à 750 lits lorsque la modernisation des bâtiments anciens sera achevée.
Doté des installations les plus modernes tant sur le plan technique que sur ceux de l’hôtellerie et de l’accueil, l’hôpital Bégin est un hôpital général d’instance régionale qui participe à la mission d’enseignement des hôpitaux d’instruction.
L’importance et la diversité de sa clientèle, son équipement d’avant-garde (transmissions pneumatiques, circuit intérieur de télévision en noir et en couleur), la valeur du corps professoral qui dirige ses services (médecine générale, gastro-entérologie, rhumatologie, endocrinologie, gynécologie et maternité, chirurgie viscérale et vasculaire, traumatologie et chirurgie orthopédique, oto-rhino-laryngologie et ophtalmologie) en font le lieu privilégié où les élèves de l’École d’application du Service de santé des armées (SSA) recevront en grande partie le perfectionnement clinique indispensable au cours de leur stage.
Conçu pour l’intégration de l’informatique dans la gestion hospitalière, l’hôpital sera relié au Centre de traitement de l’information du SSA qui doit être édifié dans son enceinte, de même qu’une école d’infirmières du SSA.
Visites de personnalités et coopération militaire
Notre politique en Méditerranée, en particulier son programme de concertation entre pays riverains, s’est concrétisée par plusieurs rencontres dans le courant du mois d’octobre.
Avant le passage à Paris du Maréchal Tito, le 23 octobre 1970, le général d’armée aérienne Michel Fourquet, Chef d’état-major des armées, avait effectué un séjour en Yougoslavie, du 5 au 10 octobre, au cours duquel il avait visité diverses installations de l’Armée nationale populaire et pris contact avec le général Bubans, Chef d’état-major général et le général Ljubicic, ministre de la Défense, avant d’être reçu par M. Mitja Ribicic, Président du Conseil.
Amorcée le 22 juin 1970 par la signature à Madrid d’un accord militaire, notre coopération avec l’Espagne a été renforcée à l’occasion du séjour en France du 21 au 28 octobre du prince Don Juan Carlos, futur chef de l’État. Après avoir suivi l’exercice naval franco-espagnol Murcie en Méditerranée, le Prince a assisté à différentes présentations de matériel des trois armées puis a été reçu à Paris par le président de la République et par M. Michel Debré qui était à l’origine de l’invitation.
De son côté le général Fourquet, invité en Espagne par le général Manuel Diez Alegria, chef du Haut état-major espagnol, et par le général Mariano Quadra Médina, directeur du Centre supérieur des études de la défense nationale, a prononcé devant les auditeurs de ce Centre et de nombreuses hautes personnalités, un exposé au cours duquel il a fait un tour d’horizon de la situation géostratégique à l’échelle mondiale. Il a situé la position française dans ce cadre et montré le rôle que des puissances européennes riveraines de la Méditerranée peuvent y jouer.
Enfin le général Fourquet a également reçu du 13 au 17 octobre, le général de corps d’armée Enzo Marchesi, Chef d’état-major de la Défense italienne, à qui il a remis les insignes de Grand officier de la Légion d’honneur, avant de lui présenter différentes installations et démonstrations de matériel.
Par ailleurs, signalons que M. Michel Debré s’est rendu en Norvège du 14 au 16 octobre‹ et en Allemagne fédérale (RFA) les 22 et 23 octobre. Ces deux visites avaient pour objet essentiel les problèmes de coopération militaire, notamment en matière de fabrication d’armement.
Le ministre d’État chargé de la Défense nationale a également invité une importante mission militaire colombienne de l’armée de terre arrivée à Paris le 25 octobre. Des missions analogues de la marine et de l’armée de l’air de ce pays ont déjà séjourné en France depuis le début de l’année. ♦