Défense dans le monde - République fédérale d'Allemagne : le projet de budget de défense 1971 - Norvège : réorganisation de la défense - Pays du Pacte de Varsovie : les manœuvres Fraternité d'armes - URSS : la journée des tankistes - République populaire de Chine : renforcement de la défense - Pakistan : modernisation des armements - Japon : concrétisation de la nouvelle politique militaire
République fédérale d’Allemagne (RFA) : le projet de budget de défense 1971
Présenté au Bundestag, le projet de budget de défense de la RFA pour 1971 a été adopté en première lecture par cette Assemblée le 23 septembre. D’un montant prévu de 100,14 milliards de DM environ (152 Md F), le budget d’ensemble 1971 marque une date dans les annales budgétaires de la RFA, dans la mesure où il franchit pour la première fois le cap des 100 Md.
Le budget 1970 se montait à 90,9 Md DM. Celui de 1971 se caractérise donc par une forte augmentation des dépenses publiques, plus de 12 %. À un moment où l’économie présente tous les symptômes de l’inflation, l’opposition chrétienne-démocrate [CDU-CSU] a vivement dénoncé l’inopportunité d’une telle mesure. Le 23 septembre, M. Alexander Möller, ministre fédéral des Finances, a défendu, non sans difficulté, son budget devant les députés du Bundestag. Le 7 octobre, M. Karl Schiller, ministre de l’Économie a été amené à déclarer que l’expansion actuelle devant se modérer en 1971, il était logique que le budget joue un rôle de compensation par une augmentation des dépenses publiques.
L’effort essentiel portera cette année sur les investissements collectifs.
Pour ce qui est du chapitre de la défense, le volume des crédits prévus se monte à 21,9 Md DM (33,31 Md F) contre 19,2 Md, chiffre adopté en dernière lecture, pour 1970. L’augmentation se chiffre à 10,4 %. Il convient de souligner que le budget de défense 1970 avait été très affecté par les restrictions budgétaires et que, par rapport à 1969, l’augmentation était faible. D’autre part, cette année, la progression reste encore inférieure à celle du budget fédéral (12,4 %).
Rapporté au PNB escompté pour 1971, qui devrait se situer entre 707 et 720 Md DM, l’effort de défense atteindra entre 3,10 et 3,32 % contre 2,94 % pour l’exercice 1970 et 3,4 % en 1968 et 1969. Un tassement léger est donc perceptible.
Parmi les principaux postes du budget alloué à la défense, il convient de noter une nette augmentation des « Dépenses de personnel », la plus importante en valeur absolue. Le gouvernement entend donc poursuivre la politique annoncée par le Livre blanc et tendant à remédier à certaines faiblesses, notamment au niveau du recrutement en cadres, et à améliorer le statut des personnels.
Le poste « Achats militaires et installations » après un fléchissement en 1970, retrouve un niveau légèrement supérieur à celui de l’exercice 1969 (8,3 Md DM). Il comprend essentiellement l’entretien des matériels pour un montant de 1 851 millions de DM, les crédits destinés aux installations militaires à concurrence de 1 005 M DM et surtout les acquisitions de matériels pour 4 169 M DM. Bien que supérieur aux crédits destinés aux matériels en 1970 (3 860 M DM), ce chiffre reste encore inférieur au niveau de 1969 (4 280 M DM). Force est de constater un fléchissement relatif qu’avait d’ailleurs dénoncé l’opposition chrétienne-démocrate lors du vote du précédent budget, comme remettant en cause la capacité future de défense de la Bundeswehr.
Le gouvernement fédéral, en déposant le projet de budget, a également publié la nouvelle planification réajustée pour la période 1972-1974. Les nouvelles prévisions globales pour les budgets de la défense s’établissent ainsi :
1972 : 22 713 M DM (+ 3,58 %)
1973 : 23 038 M DM (+ 1,44 %)
1974 : 23 845 M DM (+ 3,50 %)
Les taux de progression d’une année sur l’autre apparaissent très faibles, compte tenu des hausses prévisibles des charges de personnel et des coûts de matériel.
La planification donne également le montant prévu de quelques postes particuliers pour cette période (personnels, infrastructure, matériels). En ce qui concerne les crédits affectés aux soldes des militaires, les hausses prévues (6 % par an) semblent très insuffisantes. La répartition de crédits pour l’infrastructure et les matériels doit être aussi regardée avec une certaine réserve.
En résumé, ce projet de budget de défense marque un effort relatif par rapport à l’exercice en cours. Toutefois, compte tenu des abattements importants (de l’ordre d’un milliard de DM) auxquels il a été procédé en ce début d’année, les crédits de défense qui pourraient être accordés en 1971 ne permettront pas des réalisations spectaculaires. Tout au plus assureront-ils le renouvellement des matériels indispensables et donneront-ils aux cadres et aux personnels de la Bundeswehr quelques satisfactions d’ordre matériel.
Norvège : réorganisation de la défense
La nouvelle organisation du Haut Commandement norvégien, adoptée par le Parlement le 2 juin 1969, est progressivement mise en place. Elle doit entrer en vigueur le 1er janvier 1971. Dans cette perspective, des décisions importantes ont été prises récemment par le Conseil des ministres. L’amiral Folke Hauger Johanessen a été confirmé dans son poste de chef de la Défense, le lieutenant-général Eriksen dans son poste de commandant en second.
La réorganisation territoriale de la Défense, adoptée par le Parlement le 17 juin 1970, va de pair avec celle du Haut Commandement : sa mise en place se fera au cours de l’année 1971. Enfin, la création d’une direction pour la préparation de la défense « totale » doit compléter cet ensemble dont il convient de dégager les principaux aspects.
L’idée directrice vise à mettre à la disposition du gouvernement deux états-majors – l’un militaire, l’autre civil – qui contrôleraient toutes les activités de guerre du pays.
Sur le plan militaire la réforme en cours comporte donc deux aspects : la nouvelle réorganisation du Haut Commandement et la réorganisation régionale. La réorganisation du Haut Commandement tend à créer une institution unique de défense, afin d’accroître l’efficacité du commandement, de réaliser une économie de personnels et de rationaliser les méthodes de travail.
Les états-majors des Armées ainsi que l’Inspectorat de la Heimvern (Garde nationale) sont rattachés à l’autorité suprême et sont responsables devant elle de l’instruction et de la gestion de leurs personnels. Les chefs actuels des armées, général Loken pour l’armée de terre, amiral Skjong pour la marine, major général Stenwig pour l’armée de l’air, prennent l’appellation d’Inspecteur général. Six divisions communes, regroupant des organismes jusque-là propres à chaque Armée permettront au chef de la Défense de déterminer les directives générales et de fixer la répartition des crédits entre les Armées.
La réorganisation territoriale, qui répond au même souci d’efficacité prévoit :
– la création de deux commandements de la défense, l’un en Norvège du nord à Bodø, l’autre en Norvège du Sud à Oslo, qui seront activés courant 1971 ;
– la mise sur pied pour le temps de la paix d’un commandement de division mobile pour la région nord à Harstad (ce qui entraînera la suppression du commandement du district de défense de la Norvège du nord) ;
– le maintien à Stavanger du PC Marine ;
– la mise sur pied de 14 régiments combinés ;
– la réorganisation de l’Intendance par la suppression des dépôts actuels et leur remplacement par des installations plus nombreuses, mais de moindre importance.
La nouvelle organisation de défense civile prévoit la création d’une Direction pour la préparation à la défense totale, d’un effectif d’une centaine de personnes, coiffée par le ministère de la Justice et de la Police (qui correspond à notre ministère de l’Intérieur). Cette direction, à la tête de laquelle a été désigné M. Georg Kristiansen (1) regroupera la défense civile proprement dite et la planification économique et administrative du temps de guerre. Les plans seront établis en coordination avec les ministères intéressés et régiront trois niveaux différents : le gouvernemental, le provincial, le municipal.
Pays du Pacte de Varsovie : les manœuvres Fraternité d’armes
Les manœuvres du Pacte de Varsovie en République démocratique d’Allemagne (RDA), appelées Fraternité d’armes, ont fait l’objet d’une préparation intensive dans tous les pays du Pacte où les exercices se sont multipliés au cours du mois de septembre : exercices de PC au Groupe des Forces Soviétiques en Allemagne (GFSA), exercices interalliés d’état-major en Tchécoslovaquie, manœuvres logistiques d’une durée d’une semaine en Bulgarie et en Tchécoslovaquie, exercices de PC à l’échelon national en Roumanie et de défense aérienne en Pologne.
Le commandement attendait de ces manœuvres un renforcement de la coopération technique des unités qui y prenaient part. Selon certaines informations, ces manœuvres devaient offrir la possibilité de vérifier le fonctionnement des différents organes du Pacte créés conformément à la résolution adoptée en mars 1969 à Budapest par le Comité Consultatif politique. Au sein des pays du Pacte, les gouvernements ont présenté Fraternité d’armes comme la « réponse aux impérialistes partisans de la stratégie globale contre les États socialistes ». Enfin, pour Moscou, il semble qu’elles devaient permettre de resserrer les liens à l’intérieur du Pacte, les Soviétiques redoutant toujours un éventuel relâchement de ces liens en particulier après l’accord passé avec Bonn.
Annoncées par un communiqué de l’agence officielle est-allemande le 1er octobre, ces manœuvres ont été présentées comme étant les plus importantes que le Pacte de Varsovie ait organisées en RDA. C’est la première fois qu’une manœuvre du Pacte était placée sous la responsabilité d’un général allemand, le général Hoffmann, ministre est-allemand de la Défense.
Dès le 27 septembre une « zone interdite permanente », signifiée aux missions militaires alliées auprès du Haut-Commandement soviétique en Allemagne, permettait sensiblement de situer l’importance de la manœuvre dans l’espace et dans le temps.
Tous les pays de l’Alliance étaient représentés à la manœuvre ; le communiqué TASS, publié dans l’Étoile Rouge du 5 octobre, faisait état des « troupes des armées bulgare, hongroise, allemande, polonaise, roumaine, soviétique et tchécoslovaque ».
Il convient de noter que la défense civile a été mise en alerte en RDA. Les milices ouvrières et des éléments de la police d’intervention ont été mis en œuvre. Ces forces ont reçu des missions de protection des points sensibles, de défense des arrières et de nettoyage dans les intervalles.
Les manœuvres se sont déroulées dans le sud et l’est de la RDA, de Magdebourg jusqu’à la frontière polonaise ainsi que sur une bande côtière au voisinage de Greifswald. Du 1er au 7 octobre s’est effectuée la mise en place des unités et états-majors alliés participant à la manœuvre. À leur arrivée en RDA, les troupes ont été l’objet de manifestations d’amitié. Durant toute cette période qui a vu la « fraternisation » des unités destinées à combattre ensemble, une préparation idéologique et politique a été menée, tandis qu’au niveau des unités, des exercices, des tirs aux armes de bord et le lancement d’un pont sur la Saale étaient effectués.
Le 17 octobre, la manœuvre terminée, une séance de critique réunissant les principaux responsables a eu lieu sur le terrain d’exercice d’Altengrabow. Enfin le 18 octobre, à Magdebourg, une parade militaire a clôturé ces grandes manœuvres du Pacte.
L’état-major du général Hoffmann, directeur de la manœuvre, était installé à Cottbus et, travaillant selon les méthodes les plus modernes de commandement des troupes, aurait disposé d’un ensemble de systèmes automatisés d’élaboration et de transmission des ordres.
Le 8 octobre, peu avant la phase active de ces manœuvres le maréchal Yakoubovsky, commandant en chef du Pacte, et son chef d’état-major, le général Chtemenko, sont arrivés de Moscou en Allemagne de l’Est.
De son côté, M. Ulbricht assisté du Chef du Gouvernement de la RDA, s’est rendu dans la zone des manœuvres le 12 octobre. Les délégations des pays du Pacte devant assister aux manœuvres étaient présidées soit par les ministres de la Défense (Bulgarie, Pologne, Tchécoslovaquie) soit par les Chefs d’EM (Hongrie, Roumanie).
URSS : la journée des tankistes
Le 13 septembre a été célébrée la journée des tankistes soviétiques. Dans un ordre du jour proclamé à cette occasion, le maréchal Gretchko a rappelé que l’URSS, progressant avec assurance vers le communisme, se doit, malgré une politique extérieure léniniste pacifique, de consolider la puissance défensive du pays pour s’opposer aux forces agressives de l’impérialisme international.
De nombreux articles, consacrés à la journée des tankistes, ont paru dans la presse sous la signature d’éminents chefs militaires. Le maréchal de l’arme blindée Polouboyarov a souligné que l’arme blindée était la mieux adaptée aux opérations de combat avec usage de missiles nucléaires. Le maréchal Babadjanian, chef des troupes blindées de l’Union soviétique, a écrit de son côté que les unités de chars de l’armée soviétique surpassent en valeur les unités correspondantes des armées étrangères.
République populaire de Chine : renforcement de la défense
L’approbation par le 2e Plénum du rapport de la « Commission des affaires militaires » sur le renforcement de la Défense confirme d’une part que cet organisme a retrouvé son rôle de direction et d’autre part que l’effort militaire en cours ne doit pas se ralentir. De fait, de nouveaux renforcements du dispositif aux frontières nord-est sont signalés. Un autre signe de la réorganisation des structures est la nomination de Li Teh-Sheng à la tête du département général politique. Par ailleurs, les activités d’entraînement des forces aériennes se sont accrues sensiblement depuis le début de 1970 au moins.
Pakistan : modernisation des armements
Outre une nouvelle commande à la France de trente Mirage (2), le commandement pakistanais s’efforce de renforcer sa défense aérienne par l’acquisition de missiles sol-air, de moderniser sa marine par l’augmentation des moyens anti-sous-marins (avions de détection, patrouilleurs) et la rénovation de ses plus grosses unités, et d’accroître son potentiel blindé par la fabrication sous licence d’un char moyen puissant. Au-delà des nécessités immédiates, le besoin de créer une industrie de défense diversifiée se fait de plus en plus sentir, compte tenu des progrès accomplis par l’Inde en la matière.
Japon : concrétisation de la nouvelle politique militaire
M. Nakasone, directeur de l’Agence de Défense [NDLR 2020 : équivalent japonais du ministère de la Défense], s’active à mettre en application la politique militaire définie au début de l’année, et, plus spécialement, à préparer les importantes échéances de 1972. Cette date, qui marquera un tournant dans le rôle dévolu aux forces armées japonaises, est en effet celle du début du 4e Plan de Défense qui verra le Japon fabriquer par lui-même la quasi-totalité de son matériel. C’est aussi le terme prévu pour la rétrocession d’Okinawa, et, dans une perspective plus large, pour le début d’une relève effective dans le domaine conventionnel des forces américaines en Asie orientale.
Sur le premier point, peu de résultats précis sont encore acquis, tant pour des raisons psychologiques que financières. Le Livre blanc de la Défense, attendu depuis un an, et destiné à expliquer à l’opinion la nécessité d’édifier une force de défense purement nationale, vient enfin de paraître. Mais il était difficile, dans le climat actuel des relations avec les États-Unis, de laisser trop clairement entendre que le Japon ne saurait s’en remettre toujours, pour sa défense, à un partenaire qui constitue un rival économique. De plus, la mise au point du 4e Plan fait encore l’objet de remaniements. En effet, le souci de réaliser le maximum de fabrications nationales amène l’Agence de Défense à écarter certains matériels complexes dont le prix de revient s’avère trop élevé. Enfin, le cadre budgétaire fixé conduit à des arbitrages laborieux entre les différentes armes. Les seules orientations certaines concernent la Marine (destroyers porte-hélicoptères, avions anti-sous-marins – ASM), l’armée de l’air (chasseur McDonnell Douglas F-4E Phantom II - transport CX - et entraînement Mitsubishi T-2), et les missiles de toute nature, tandis que l’armée de terre devra se contenter d’accroître sa mobilité à l’aide de nouveaux blindés et hélicoptères.
En ce qui concerne l’avenir de la coopération nippo-américaine en matière de sécurité, M. Nakasone vient d’effectuer une importante visite à Washington. L’un des sujets essentiels des entretiens consistait à rappeler les promesses de M. Nixon pour la restitution des Ryu-Kyu [archipel situé en mer de Chine orientale au Nord-Est de Taïwan comprenant notamment Okinawa] d’ici deux ans, alors que les chances de règlement du conflit vietnamien dans ce délai sont devenues incertaines. Mais le ministre japonais, reprenant à son profit la doctrine de Guam, a également demandé le droit d’utilisation, pour ses forces, de l’ensemble des bases américaines de l’archipel, préfigurant ainsi l’élimination, à terme, de toute présence américaine.
Cependant ce sont les déclarations de M. Nakasone sur la politique nucléaire du Japon qui retiennent l’attention et ont même provoqué diverses réactions à l’échelle mondiale. Après avoir réaffirmé, de manière rassurante, que son pays entendait respecter les trois principes : non-fabrication, non-acquisition, et non-détention d’armements nucléaires, il a rappelé que le Traité de non-prolifération (TNP) ne serait pas ratifié tant que le Japon n’aurait pas obtenu les aménagements qu’il souhaite (relâchement du contrôle exercé par l’Agence internationale de l’énergie atomique – AIEA –, réduction de la durée de l’engagement, et octroi de toutes fournitures demandées à des fins pacifiques).
En outre, évoquant les nécessités d’une large coopération internationale, il a présenté « comme une idée splendide » la suggestion que les États-Unis transmettent au Japon leurs connaissances sur la fabrication de l’uranium enrichi, et envisagent, avec la participation éventuelle d’autres pays (Canada, Australie), la construction en territoire nippon d’une usine basée sur le procédé de diffusion gazeuse. Pris de court par ces propositions, les spécialistes américains se sont efforcés d’éluder la question, tandis que la presse soviétique et l’Agence Chine Nouvelle dénonçaient aussitôt « cette nouvelle preuve de collusion et de visées belliqueuses ». ♦
(1) Depuis 1963 délégué permanent de la Norvège à l’organisation du Traité de l’Atlantique.
(2) Qui portera à 54 le nombre d’appareils de ce type en service au Pakistan.