Maritime - Dans la Marine française : le budget 1971 - La remise en service du Guépratte après refonte - Le programme naval allemand - Manœuvres de l'Otan
Dans la Marine française : le budget 1971
Le budget de la Marine pour l’exercice 1971 prévoit 5 221,4 millions de francs de crédits de paiement (CP) contre 4 722,4 en 1970, ce qui représente une augmentation de 10,5 %, c’est-à-dire largement plus que l’accroissement de l’ensemble des dépenses militaires puisque celles-ci ne dépassent que de 6,7 % celles de l’an dernier. Mais cet accroissement ne représente en aucune façon un traitement de faveur envers la Marine. Il provient, en réalité, d’un gonflement des CP, nécessaires à la poursuite de la réalisation de la composante navale des forces nucléaires stratégiques. Il faut toutefois rappeler qu’entre 1969 et 1970 le budget de la Marine n’avait augmenté que de 3,9 %.
Ces crédits de paiement représentent 18,08 % du budget total des forces armées, pourcentage légèrement supérieur à ceux des deux exercices précédents qui se montent à 17,37 % en 1970 et 17,5 % en 1969.
Ils comportent, pour ce qui concerne le titre III (fonctionnement), 2 462,1 M de dépense de fonctionnement et d’entretien contre 2 254,7 en 1970.
Par grandes masses, la répartition des crédits de paiement du titre III se présente comme suit, comparée à celle de l’an dernier :
|
1970 |
1971 |
– Dépenses de personnel (1) (soldes, salaires, rémunérations, charges sociales) |
1 392,0 |
1 549,5 |
– Combustibles, carburants, électricité |
117,1 |
127,7 |
– Dépenses d’entretien et de fonctionnement des matériels |
698,8 |
731,7 |
– Entretien du domaine de la Marine |
25,4 |
30 |
– Divers |
17,7 |
19,3 |
– Subventions (marins pompiers de Marseille) |
3,7 |
3,9 |
Total |
2 254,7 |
2 462,1 |
L’augmentation du chapitre relatif aux dépenses de personnel est due à l’accroissement prévu des soldes des fonctionnaires de l’État et à une amélioration de la pyramide des grades.
Compte tenu de la réduction systématique des effectifs budgétaires voulue par le ministre, le personnel militaire s’élèvera à environ 68 500 officiers et hommes contre 69 000 l’an dernier.
Par ailleurs, le titre III prévoit 684 M de dépenses en capital contre 850,3 l’an dernier, ce qui représente une réduction de 19 % environ sur ce chapitre.
Si les autorisations de programme (AP) ont été en 1970 plus importantes que celles prévues pour le prochain exercice (- 166,3 MF), cela est dû au fait que c’était la première fois que la Marine bénéficiait d’une mesure lui permettant de planifier les travaux d’entretien des bâtiments de la flotte. Cette mesure ne s’était, en effet, appliquée jusque-là qu’aux seuls matériels de l’aéronautique navale.
En résumé, les crédits du titre III représenteront, en 1971, 47,2 % des ressources contre 47,7 % en 1970. Ce pourcentage est en constante diminution depuis plusieurs années.
Si nous examinons les dépenses en capital du Titre V (équipement), nous voyons qu’elles se monteront à :
– 2 759,3 M F de CP contre 2 467,7 M F pour l’exercice en cours, soit une augmentation de 11,8 % ;
– 3 107,7 M F d’AP contre 2 294,4 M F en 1970 ce qui représente un accroissement de 35,4 % (8 133 M F).
Les CP de la section Marine dans le titre V du budget des Armées représentent 20,4 % contre 18,9 % en 1970. Cette augmentation aux yeux des non avertis peut paraître sensible, mais il convient de distinguer celles des CP relatifs à la composante navale des Forces nucléaires stratégiques – FNS – (+ 29,6 %) de celle des autres crédits où l’accroissement n’est plus que de 4,4 %, soit un pourcentage comparable à l’augmentation relative des CP du titre V pour l’ensemble des Armées (3,4 %).
À noter que si depuis 1968, les CP dans le titre V du budget Marine étaient toujours supérieurs aux AP, il y aura en 1970 un sensible renversement de la vapeur et donc un retour à une plus saine économie du budget puisque cette fois, comme c’est normalement le cas, les AP dépasseront les CP.
Les AP prévues au titre V représentent 19,43 % de celles relatives à l’ensemble des Armées. Elles se répartissent comme suit, toujours en millions de francs :
– études, recherches et prototypes : 404
– fabrications (constructions, avions, munitions) : 2 618,6
– infrastructure : 85,1
Les années précédentes, certaines études au profit de l’aéronautique étaient financées par l’Armée de l’air. À compter de l’an prochain, elles le seront par la Marine. Le transfert de charges correspondant a été évalué à 131 M F pour 1971. La Marine souhaitait que ce montant vienne au moins s’ajouter aux 330 M F d’AP qu’elle avait perçus l’an dernier au titre de ses propres études ce qui aurait abouti à 330 + 131 M = 461 M F. Or 404 M F d’AP lui ont seulement été accordés pour l’exercice 1971. La Marine va donc être obligée de freiner certaines études. La majorité des crédits consacrés aux études aéronautiques seront absorbés par la mise au point de l’hélicoptère anti-sous-marin (ASM) WG.13 Lynx. Par ailleurs, un montant important est prévu pour le développement du missile MM38 Exocet.
Pour ce qui concerne les fabrications, les constructions neuves et refontes y entrent pour 1 965,5 M F, dont 1 070 pour la FNS. Comme le montrent les chiffres ci-après, les AP seront en majorité consacrés à la poursuite des opérations en cours qui portent sur :
AP en M F |
% de réalisation au 1-1-71 |
||
SNLE |
Le Redoutable |
795,8 |
99 |
Le Terrible |
85 |
||
Le Foudroyant |
33 |
||
L’Indomptable (provision) |
|
0 |
|
Corvettes |
Aconit (C.65) |
39 |
85 |
Tourville (C-67 n° 1) |
65 |
25 |
|
Dugay-Trouin (C-67 n° 2) |
78 |
10 |
|
C-67 n° 3 |
103,5 |
0 |
|
Chasseurs de mines (cinq) classe Circé |
21 |
40 |
|
Bâtiment hydrographe D’Entrecasteaux |
9,5 |
85 |
Les opérations nouvelles portent sur le démarrage de la 3e loi de programme (2). Elles prévoient la mise en chantier du 4e SNLE, L’Indomptable et celle du premier des quatre sous-marins de 1 400 tonnes à hautes performances et de deux des quatorze avisos de 1 100 t prévus à ce programme. Dix-neuf millions d’AP et 130 sont respectivement prévus pour ce sous-marin et ces deux avisos.
Dans le domaine des grosses refontes et des modernisations les AP se montent à 209 M F. L’opération la plus importante concerne la poursuite de la refonte du Colbert en croiseur lance-missiles surface-air. Viennent ensuite la mise à jour des matériels (32 M F), l’adaptation de nos quatre escorteurs Tartar au plus récent modèle de ce type de missile, la modernisation, prévue au plan, de deux des sept sous-marins de la classe Daphné, etc. Une provision de 17 M F est également réservée à la refonte de l’escorteur d’escadre Duperré pour en faire un bâtiment analogue aux cinq T.47 refondus ASM (voir ci-après).
La remise en service du Guépratte après refonte
Clôturant une longue refonte entreprise à l’arsenal de Lorient, l’escorteur d’escadre Guépratte de 2 800 t et 32 nœuds, a appareillé le 9 octobre 1970 pour entreprendre la série d’essais précédant sa réadmission au service actif.
Après le D’Estrées, le Maille Brezé, le Vauquelin et le Casabianca, le Guépratte est le cinquième et dernier des escorteurs d’escadre du type T.47, dont la refonte en version « lutte ASM » avait commencé en 1966, sur le modèle de l’escorteur d’escadre La Galissonnière (mis en service en 1962) qui peut être considéré comme le prototype de la série.
La refonte de ces escorteurs a abouti au remplacement de tout leur armement et de tous leurs moyens de détection aussi bien dans le domaine antiaérien que ASM ; mais c’est surtout pour les doter des systèmes d’armes ASM les plus modernes que cette refonte a été entreprise. En outre, celle-ci a été l’occasion d’apporter une modernisation considérable aux installations de commandement (passerelle couverte, central opérations modulaire), ainsi qu’aux logements (air conditionné, couchettes pour l’équipage…).
Avec la prochaine remise en service du Guépratte s’achèvera la refonte d’une série de bâtiments qui concrétise l’effort développé par la Marine depuis plusieurs années dans le domaine de la lutte anti-sous-marine. Notre marine se trouve ainsi dotée d’un groupe d’escorteurs ASM dont la modernisation est sans aucun doute une belle réussite.
Comparés à ce qu’ils étaient avant la refonte, l’armement et l’équipement de ces cinq escorteurs sont les suivants :
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Avant refonte |
Après refonte |
Artillerie |
6/127 CA (II x 3) |
2/100 CA automatiques (I x 2) |
ASM |
6 TLT/550 (III x 2) |
1 système Malafon |
Sonar |
1 de coque moyenne fréquence |
1 sonar d’étrave DUBV 23 et un sonar remorqué DUBV 43 tous deux à basse fréquence |
La combinaison du DUBV 23 et du DUBV 43 permet d’assurer, dans les conditions normales de propagation des ondes sonores, une portée moyenne de détection de l’ordre de 10 000 m environ, portée cohérente avec celle du Malafon. Ce dernier est, rappelons-le, constitué d’un petit planeur portant une torpille L4 dont la mise en œuvre s’effectue conformément à la séquence suivante : une phase de propulsion par un accélérateur, suivie d’une trajectoire aérienne guidée ; le largage de la torpille au voisinage immédiat du plus récent contact sonar du sous-marin ; la recherche active enfin du but par la torpille. Le lance-roquettes sextuple est, quant à lui, une arme de défense rapprochée pouvant tirer un projectile par seconde.
Le programme naval allemand
Depuis la venue au pouvoir des sociaux-démocrates (SPD) et la nomination de M. Helmut Schmidt au poste de ministre de la Défense, les projets allemands pour la Bundesmarine ont beaucoup évolué. C’est ainsi qu’il n’est plus question de remplir, en ce qui concerne les sous-marins et les navires de tonnage élevé, le quota autorisé par dérogation (3) aux dispositions du Traité de Paris de 1955. Les Allemands ont donc renoncé pour eux-mêmes aux six sous-marins de 1 000 t prévus par ces dérogations. Ils ont également abandonné la construction des quatre corvettes, type 121, de 4 000 t équipées de missiles Tartar qui étaient prévues pour remplacer les destroyers anciens prêtés par l’US Navy. Pour ce qui est des grandes unités de combat, la flotte ne comprendra donc plus que les six escorteurs de 1 750 t de la classe Köln, les quatre destroyers de 3 400 t du type Hamburg et enfin les trois destroyers lance-missiles Tartar de 4 500 t Luetjens, Molders et Rommel achetés aux États-Unis.
Le nouveau programme très bien adapté aux missions défensives de la Bundesmarine en Baltique et en mer du Nord prévoit essentiellement :
– des vedettes rapides armées de missiles surface-surface et de torpilles filoguidées ;
– des patrouilleurs rapides, équipés également de missiles, d’un tonnage plus élevé mais ne devant pas dépasser toutefois 1 000 t ;
– des dragueurs-chasseurs de mines rapides ;
– des sous-marins de faible tonnage dérivés des types en service ;
– un train d’escadre adapté à ces bâtiments.
Ce programme est déjà en cours d’exécution.
Dix vedettes rapides de 350 t type 143 équipées de quatre missiles surface-surface Tartar, de deux tubes lance-torpilles et de deux canons de 76 automatiques de fabrication italienne ont été commandées. Il en est de même pour douze sous-marins (U-13 à U-24) et six autres unités destinées à remplacer les U-3 à U-8 non pleinement opérationnels. Ces sous-marins entreront en service à partir de 1972. D’un déplacement de 450 t, ils seront armés chacun de huit tubes lance-torpilles.
Pour succéder aux quarante vedettes lance-torpilles de la classe Jaguar qui présentent des signes évidents de fatigue par suite de l’intense activité qu’elles ont déployée jusqu’ici, le gouvernement allemand a signé avec le gouvernement français un accord prévoyant la construction par les Chantiers mécaniques de Normandie de vingt vedettes lance-missiles classe S.148 dérivées des fameuses vedettes israéliennes du type Saar. Les caractéristiques de ces petits bâtiments dont la construction s’étalera sur plusieurs années seront les suivantes : déplacement : 250 t environ ; vitesse maximale : 40 nœuds (2 diesels de 7 200 ch) ; armement : 4 missiles surface-surface MM38 Exocet, 1 canon de 76, 2 tubes lance-torpilles pour torpilles filoguidées.
Manœuvres de l’Otan
Deux importantes manœuvres navales de l’Otan ont eu lieu récemment en Méditerranée et en mer du Nord.
La première baptisée Deep Express 70 s’est déroulée en Méditerranée orientale et en mer Égée entre le 12 et le 20 octobre 1970. Ayant pour but de tester le potentiel de riposte des forces mobiles de l’Otan en cas d’alerte dans ce théâtre, elle a comporté des exercices de protection de convoi, de déminage et des opérations amphibies en Grèce et en Turquie. Une cinquantaine de bâtiments ainsi que 50 000 hommes parmi lesquels des Marines américains, y ont pris part. La participation américaine comprenait le porte-avions d’attaque Independance, le porte-hélicoptères Guam ainsi que plusieurs destroyers. La Royal Navy y avait envoyé le porte-hélicoptères Albion, un destroyer lance-missiles et un escorteur. Les marines grecque, italienne et turque étaient représentées chacune par plusieurs unités légères.
L’autre exercice dénommé Northern Wedding a eu lieu fin septembre en mer du Nord, dans l’Atlantique et l’ouvert de la Manche. Vingt-deux navires britanniques y ont participé ainsi que des unités belges, néerlandaises et la STANAVFORLANT (Standing Naval Force Atlantic). Parmi les navires de la Royal Navy, la presse a signalé la présence du porte-avions Ark Royal. La Marine belge était représentée par deux escorteurs, cinq dragueurs côtiers et un chasseur de mines. Cent cinquante aéronefs tant belges que britanniques et néerlandais ont également pris part à Northern Wedding. ♦
(1) Y compris certains personnels civils peu nombreux payés par la section Marine du budget.
(2) Voir Revue Défense Nationale de novembre 1970.
(3) Cette dérogation autorisait les Allemands à construire six sous-marins de 1 000 t et 8 destroyers de 6 000 t équipés d’engins tactiques de défense.