In memoriam - Le général Némo
Le général de division Jean Némo qui s’est éteint le 18 mai au terme d’une longue et douloureuse maladie, apportait à notre Revue une contribution fidèle depuis quinze ans.
Né à Brest en 1906 d’une famille de marins, il avait choisi à sa sortie de Saint-Cyr en 1926 de servir Outre-mer. Il devait y consacrer la plus grande partie de sa carrière partagée entre l’Indochine, la Guyane, les Antilles et l’Enseignement militaire supérieur.
En Indochine, où il avait déjà fait deux séjours avant la guerre de 1939-1945, il retournera une première fois en 1946 pour commander le Secteur de Pleiku, puis en 1952 la zone sud du Nord-Vietnam et enfin la zone de Haiphong. Il s’y révélera un chef énergique, habile à déjouer les tentatives adverses et assez heureux pour maintenir intactes jusqu’à la fin la grande base portuaire et l’artère vitale qui la reliait à Hanoï. Il s’y montrera un homme averti des réalités humaines du Vietnam et animé du désir de comprendre son peuple. Il en gardera d’ailleurs toujours un souvenir vivace et nostalgique qu’il exprimera souvent par la suite dans ses nombreux articles consacrés à cette période dramatique de l’histoire.
Aux Antilles-Guyane, où il fut Commandant supérieur interarmées, de 1960 à 1964, le général Némo donna la pleine mesure de son talent d’administrateur et d’organisateur en mettant sur pied le Service militaire adapté, créé en 1961 par le Premier ministre Michel Debré pour aider à la formation professionnelle des jeunes appelés et au développement de l’infrastructure des départements d’outre-mer.
Grand officier de la Légion d’Honneur avec sept citations, promu général de division en 1964, et reconnu comme l’un des penseurs militaires les plus éminents, le général Némo fut mis à la disposition du Chef d’État-major de l’Armée de terre pour diriger le « Groupe Davout » chargé d’étudier l’emploi des feux atomiques.
En fait, c’est comme chef des études opérationnelles à l’École supérieure de Guerre que beaucoup d’officiers de ma génération l’ont connu. Outre les cours qu’il donnait aux stagiaires, il se chargeait alors bénévolement de la préparation des candidats à l’ESG. Cette passion de l’enseignement, ce désir de faire partager à autrui et surtout aux plus jeunes ce que lui-même avait assimilé ou conçu, cet art qu’il avait de rendre simples et de ramener à l’essentiel les questions les plus complexes, telles étaient les qualités de ce maître incomparable auquel des générations d’officiers auront dû leur succès à l’École supérieure de Guerre.
Écrire était pour lui un nouveau moyen de donner libre cours à ce don de l’expression qu’il possédait au plus haut point. Sa culture générale, sa soif de connaissances nouvelles et sa très large ouverture d’esprit lui permettaient d’aborder sans peine les disciplines les plus diverses, de la stratégie à l’économie politique et de l’histoire à la sociologie. Possédant une puissance et une rapidité de travail peu communes, il lisait chaque mois une bonne dizaine d’ouvrages et de revues, il en apercevait immédiatement les convergences ou les oppositions et il en tirait la substance d’un article dont l’aisance n’avait d’égale que la fertilité d’imagination.
Il réussissait parce qu’il entreprenait toute chose avec foi et s’y donnait sans réserve. Homme droit, loyal, ne tirant nul orgueil de ses qualités intellectuelles, toujours disponible et prêt à servir, ne parlant jamais de lui-même mais toujours attentif aux difficultés des autres tel était le général Némo.
La Revue de Défense Nationale perd en lui plus qu’un auteur, un ami. ♦