Il y aura, sinon toujours, du moins longtemps encore, des avions de combat. Comment donc les concevoir ? Dans la course au progrès, il faut savoir marquer des étapes, les fixer et les couvrir, tel est le problème de la genèse des matériels aériens de combat. L'auteur appartient au Bureau des programmes de matériels de l'État-Major de l'Armée de l'air. Il décrit ici le processus de génération de ces matériels à partir de la politique de défense définie par le gouvernement et des besoins exprimés par l'Armée de l'air en fonction des missions prévues.
Après avoir analysé les contraintes qui pèsent sur cet enfantement et le ralentissent, il indique quelques directions pour la recherche de solutions. Il n'en est cependant aucune de pleinement satisfaisante ; en définitive, la préparation de l'avenir en matière d'avions de combat reste remplie d'incertitudes difficiles à cerner, tandis que l'importance des délais de réalisation et le montant élevé des sommes mises en jeu rendent redoutables les conséquences des erreurs, hélas toujours possibles !
Point n’est besoin d’être un spécialiste pour constater l’extraordinaire rapidité avec laquelle ont évolué les avions de combat. Une rapide rétrospective de ce que furent les appareils militaires depuis les origines, qui remontent à quelque soixante ans, suffit à montrer le nombre étonnant des étapes franchies, tout se passant comme si les promoteurs de l’arme aérienne, en une perpétuelle remise en question, cherchaient à condamner, en le dépassant, le stade technique qui venait d’être atteint.
Durant cette course au progrès, ininterrompue à ce jour, les vitesses sont passées d’une centaine de kilomètres à l’heure à plus de deux fois la vitesse du son, les altitudes de moins de mille mètres à plus de vingt kilomètres. Ce sont là les croissances les plus spectaculaires de ce qu’il est convenu d’appeler le domaine de vol des avions. Parallèlement, et de façon plus discrète, les équipements des avions, en se perfectionnant, rendaient possible une navigation de plus en plus précise et sûre, affranchie de toute aide extérieure, permettant ainsi l’attaque ou la reconnaissance des objectifs terrestres et aériens quelles que soient les conditions météorologiques. Dans le même temps, les rayons d’action croissaient, le tonnage des armements emportés augmentait. Ainsi, en quelque cinquante années, les frêles machines de bois et de toile, équipées seulement d’une arme légère d’infanterie, devenaient peu à peu de robustes structures métalliques dont seules les dimensions avaient peu évolué.
Cette mutation rapide des caractéristiques de l’avion de combat a pu donner à penser à certains qu’il s’agissait là d’un aspect éphémère. On a pu imaginer en effet qu’un tel moyen de guerre, dont les possibilités changeaient si rapidement, ne pouvait constituer qu’une étape intermédiaire, une transition entre l’âge où le vecteur aérien piloté restait inutilisé et celui où il deviendrait inutile, les missiles le remplaçant totalement. C’était sans doute oublier une loi essentielle de l’évolution des armements : aucune arme nouvelle ne supplante complètement celles qui l’ont précédée, sauf si elle peut leur être opposée avec une meilleure efficacité et dans des circonstances analogues. Il ne semble pas que cette condition soit remplie pour les avions de combat : au-dessus de tous les territoires comme au-dessus des mers, le milieu aérien reste, par ses propriétés physiques, un domaine où des vecteurs pilotés peuvent se mouvoir facilement et impunément au prix de certaines tactiques, donc un domaine qu’il faut chercher à exploiter au-dessus du territoire ennemi et qu’il faut penser à surveiller et à défendre au-dessus du sol ami. L’emploi souvent décisif des avions de combat dans les plus récentes batailles et l’existence à l’étranger de programmes nombreux et coûteux d’avions de combat attestent l’intérêt, toujours actuel, du moyen de guerre constitué par le vecteur aérien piloté.