Anouar as Sadat : un style nouveau pour l’Égypte
Les quatre mois qui, de février à mai, viennent de s’écouler, compteront dans les annales de l’Égypte. Durant cette période, le président Anouar as Sadat a eu à traiter, simultanément, quatre problèmes : les essais de solution du conflit arabo-israélien, l’équilibre interarabe, le régime intérieur de l’Égypte, l’insertion dans le jeu des très grandes puissances. Ces quatre problèmes interfèrent entre eux : se trouvant dans l’absolue nécessité de traiter d’urgence le premier, abordé par Gamal Abdel Nasser dans une optique qui s’imposait à son successeur, le président Anouar as Sadat ne pouvait éviter de se mesurer également aux trois autres, mais il le faisait avec une certaine liberté dans le choix des moyens. Les résultats obtenus durant ce court laps de temps sont inégaux ; déjà cependant ils donnent à l’Égypte une physionomie différente, et, s’il est sans doute prématuré de parler d’un bouleversement du régime, on note assurément la volonté de modifier le style gouvernemental. L’Égypte d’aujourd’hui ne peut plus être simplement décrite comme l’héritage préservé de Gamal Abdel Nasser ; elle reçoit l’empreinte, de plus en plus précise, du président Anouar as Sadat, qui, à la surprise de beaucoup, apparaît comme un homme d’État.
Égypte et Israël face à la procédure de paix
En poursuivant les négociations indirectes, liées à la Résolution du 22 novembre 1967 du Conseil de Sécurité, à la mission du Dr Gunnar Jarring et au Plan Rogers, le président Anouar as Sadat laisse subsister l’équivoque entretenue par son prédécesseur. Aux uns, il apparaît comme sincèrement désireux d’une solution pacifique, qui lui permettrait de se consacrer désormais en priorité aux problèmes internes de l’Égypte ; pour les autres, il cherche seulement à faire retomber sur Israël la responsabilité de l’échec, tenu pour inévitable, de la procédure. Il satisfait ainsi cette catégorie de « patriotes égyptiens exclusifs » qui préconisent l’égoïsme national, et la masse « modérée » lassée par les aventures et qui aspire simplement à une vie meilleure ; il satisfait aussi à l’extérieur les Puissances impatientes de voir rétablie la paix au Levant et certains États arabes modérés qu’ont inquiétés les ambitions du Caire ; de même il apaise l’armée mal remise de ses humiliations et sensible aux rêves de revanche, les fractions de l’opinion égyptienne qui ne croient qu’à la décision par les armes ou qui soutiennent la « vocation arabe » de la R.A.U., les États et mouvements arabes qui comptent sur l’Égypte pour la destruction de « l’impérialisme » et du sionisme ou pour la réalisation des plans unitaires.
Cette politique peut être décrite comme opportuniste, voire équivoque ; elle se défend, toutefois, d’être marquée de duplicité. Elle recherche, en effet, une issue négociée du conflit ; si elle poursuit, en même temps, des préparatifs guerriers, c’est pour valoriser ses enjeux et pour disposer, en cas d’échec, d’une solution de rechange. La formule a été établie par Gamal Abdel Nasser, dans son fameux discours du 23 juillet 1970 ; le président Anouar as Sadat n’a guère fait, depuis son entrée en fonctions, que l’exploiter, mais avec une habileté consommée. Il en a tiré un premier résultat : visiblement, Israël a été mis en difficulté.
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