L'opinion courante a longtemps prévalu qu'il suffirait d'allouer des crédits et des moyens à la recherche scientifique pour qu'il en résulte quasi automatiquement des découvertes immédiatement exploitables et d'une manière générale des « retombées » utiles à quelque secteur économique ou social. En fait, l'apport le plus sûr de la recherche bien conduite – et elle ne peut l'être qu'en fonction des options qui sont du ressort du politique – c'est l'acquisition de données indispensables à la prise de grandes décisions, surtout lorsque celles-ci concernent le développement de projets coûteux. Il peut arriver alors – et ce n'est pas le moindre bénéfice de la recherche – que les éléments qu'elle fournit conduisent au rejet de projets de développement plus spectaculaires qu'effectivement rentables. Ancien élève de l’École navale, docteur es sciences de l'Institut Carnegie et de la Faculté des sciences de Paris, l'auteur est Délégué général à la Recherche scientifique et technique depuis 1968. Cet article reprend pour l'essentiel les termes d'un exposé que l'auteur a fait en février 1971 à l'Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN).
La politique scientifique de la France
Décrire la politique scientifique d’un pays de taille moyenne, comme la France, est évidemment difficile si l’on ne commence par définir un certain nombre de termes. La confusion est assez fréquente, par exemple, entre la notion de plan et celle de politique scientifique. Je n’hésiterai pas ici à déborder le cadre strict de la politique scientifique de la France et à parler également du Plan de la recherche scientifique et technique qui est maintenant en vigueur depuis deux ans.
Avoir une politique, c’est réfléchir et prendre à l’avance un certain nombre de décisions qui permettront, devant un événement imprévu, devant une évolution de la situation, de savoir dans quelle direction on ira. Une politique, par conséquent, n’est pas exactement un plan ; elle est beaucoup plus conditionnelle, elle doit pouvoir affronter des événements extérieurs, et ceci est tout particulièrement vrai dans le cas de la recherche scientifique et technique qui, vouée à la recherche de connaissances et de données nouvelles, se trouve sans cesse confrontée à des évolutions imprévues et imprévisibles. On conçoit naturellement qu’il ne soit pas possible de savoir plusieurs années à l’avance quelles seront les découvertes de l’avenir.
Si on pouvait connaître ces découvertes cela ne prouverait qu’une chose, c’est qu’elles sont déjà faites, et par conséquent il serait inutile de les planifier et a fortiori de savoir quelle politique on doit avoir à leur égard.
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