Défense dans le monde - États-Unis : la loi de l'aide à l'étranger pour l'exercice 1972-1973 - Grande-Bretagne : l'accord avec Malte - Autriche : révision de la politique de défense - Sud-Est asiatique : problème des détroits de Malacca et Singapour
États-Unis : la loi de l’aide à l’étranger pour l’exercice 1971-1972
La loi de l’aide à l’étranger pour l’exercice budgétaire 1971-1972 a été signée le 9 mars 1972 par le président Nixon, soit avec quatre mois de retard. Ce retard et les réductions opérées par le Sénat ont beaucoup préoccupé l’Administration et entraîné à l’extérieur un certain nombre de difficultés notamment pour l’AID (1).
La loi prévoit un ensemble d’autorisations de 3,19 milliards de dollars au titre d’un programme général d’aide dit « International Affairs and Finance Program », somme inférieure de 800 millions aux fonds demandés par l’Administration. Il est important de noter que les crédits accordés ne représentent qu’une partie des charges d’aide réellement assumées par les États-Unis (environ 50 %). En effet, pour ménager l’opinion et vraisemblablement pour gêner l’action de l’opposition au Congrès, le budget d’assistance est réparti entre différents départements ministériels ou organismes gouvernementaux. C’est ainsi que la loi récemment votée, qui comprend pourtant un chapitre réservé à l’assistance militaire sous le nom d’assistance à la sécurité internationale, ne comprend ni l’aide militaire directe au Vietnam et au Laos, ni la contribution des États-Unis à l’Otan, au CENTO (Central Treaty Organization) et à l’Otase (Organisation du Traité de l’Asie du Sud-Est), ni l’entretien des missions d’assistance militaire dans le monde. Les dépenses à ces divers titres sont à la charge du Département de la Défense (DoD) ; le budget prévisionnel 1971-1972 y avait affecté 2,4 Md.
Les 3,19 Md de crédits du programme général comprennent 1,45 Md pour l’assistance à la sécurité internationale et 1,15 Md pour l’assistance au développement international. Ces deux chapitres qui représentent donc au total 2,6 Md sont gérés par le Département d’État ; le reste va à des programmes connexes.
L’assistance à la sécurité internationale, destinée à aider les pays amis à assurer leur propre défense, reçoit 1,45 Md$. Ces fonds sont répartis entre trois sous-programmes :
– l’assistance militaire (MAP) : 500 M$,
– les prêts destinés à l’achat de matériels militaires : 400 M$ (dont 300 pour Israël),
– le soutien économique : 550 M$ destinés en majorité au Vietnam.
Les réductions opérées par le Congrès (250 M) affectent cette année des pays pourtant considérés comme prioritaires : Corée du Sud, Turquie et Grèce. À cette dernière, à qui l’aide avait été supprimée, le Président a décidé d’octroyer 72 M$ en raison de son importance dans le système de défense commun.
L’assistance au développement international vise à promouvoir la croissance économique des bénéficiaires. Les crédits affectés (1,15 Md$) sont répartis en deux sous-programmes :
– l’assistance multilatérale (organisations internationales : 149 M$ ; prêts internationaux : 200 M$),
– l’assistance bilatérale (dont assistance technique : 160 M$ ; Alliance pour le Progrès : 230 M$ ; réfugiés bengalis en Inde : 200 M $).
Les réductions de 400 M de l’assistance économique se répercutent plus particulièrement sur les opérations prévues en Asie et en Afrique.
Les programmes connexes d’un montant de 559 M$, comprennent en particulier 127 M$ pour les réfugiés cubains, 72 M$ pour le Peace Corps et 123 M$ pour la Banque mondiale (BIRD).
Après avoir été rejetée globalement en octobre dernier, la loi d’aide à l’étranger a fini par être votée, aux prix de quelques réductions. Celles-ci n’ont pas affecté les orientations fondamentales de l’Administration pour qui l’effort d’assistance conditionne la politique de désengagement en Asie.
Grande-Bretagne : l’accord avec Malte
Le 26 mars 1972, cinq jours avant la date fixée pour l’évacuation des troupes britanniques, un nouvel accord anglo-maltais a été signé à Londres pour l’utilisation des bases militaires de l’île.
Cet accord qui, au travers de la Grande-Bretagne donne satisfaction à l’Otan, intervient au bout de neuf mois de marchandages assortis de voyages de M. Mintoff, Premier ministre maltais, dans plusieurs pays de l’Est, y compris l’Union soviétique et de multiples visites à Tripoli. M. Mintoff n’a probablement pas obtenu au cours de ces démarches les promesses d’aide financière qu’il escomptait, mais il a su jouer de la menace de cette aide pour obliger la Grande-Bretagne et l’organisation atlantique à augmenter substantiellement le « loyer » des bases et à se rapprocher de son exigence initiale de 18 M de livres. Quoi qu’il en soit, le gouvernement britannique qui avait pratiquement retiré ses forces de l’île a entrepris le mouvement inverse.
C’est finalement pour 14 M£ (dont 5,25 M sont à la charge de la Grande-Bretagne et le reliquat est versé par Bonn, Rome, Washington, La Haye et Bruxelles) que l’Otan obtient un nouveau bail de sept ans sur cette place forte ; on notera en outre qu’aucun pays du Pacte de Varsovie ne peut stationner de forces armées à Malte ni utiliser d’installations portuaires ou aériennes dans l’île. Ainsi en dispose l’article 2 du nouveau traité (2).
Assez curieusement, c’est le « neutraliste » Mintoff qui refuse aux puissances de l’Est en les désignant nommément l’utilisation des installations de l’île alors que le traité précédent se contentait d’accorder à la Grande-Bretagne un droit de veto à l’égard de l’utilisation par tout autre puissance étrangère, ce qui avait aussi pour effet d’évincer les pays du Pacte de Varsovie mais sans les citer expressément.
En contrepartie, M. Mintoff s’est fait reconnaître le droit d’autoriser, sans avoir à solliciter l’accord de Londres, tout autre pays à utiliser les ports de Malte ainsi que l’aéroport de Luqa pour un usage non opérationnel (3). Ces mêmes États peuvent également entretenir à Malte des missions militaires.
L’affaire maltaise est donc réglée, au moins sur le plan des textes, mais si les Britanniques ont commencé à renvoyer des troupes dans l’île on ignore encore ce qu’en seront le volume et les conditions de séjour, et en particulier s’il s’agira comme précédemment d’un séjour de longue durée avec accompagnement par les familles. M. Mintoff qui a suffisamment montré, pendant les neuf mois de marchandages qui ont précédé l’accord, qu’il était décidé à remettre en question les accords signés, pourrait trouver dans les conditions d’application du nouveau traité, de nouvelles raisons de relancer la discussion.
Autriche : révision de la politique de défense
Alors que le potentiel et le moral du Bundesheer ont subi de graves atteintes, des décisions de principe importantes viennent d’être prises au niveau gouvernemental, pour les améliorer, tandis qu’une action se dessine pour revaloriser la notion de défense aux yeux de l’opinion.
L’intérêt nouveau porté par le cabinet Kreisky aux questions touchant à la sécurité du pays est apparu avec netteté à l’occasion des récentes réunions du Conseil de défense et surtout à l’occasion de la session élargie du 9 février.
Le Chancelier a déclaré que l’Autriche devrait repenser sa défense et lui consacrer des ressources accrues. Pour la première fois, le gouvernement a rencontré l’adhésion de l’opposition, au moins sur le plan des principes.
Sur le fond, le Conseil a évoqué les types de conflit susceptibles d’avoir des incidences sur le pays, l’hypothèse considérée comme la plus probable étant celle d’une situation de crise qui ne manquerait pas de poser des problèmes de réfugiés ou de ravitaillement. L’accent a été mis sur l’importance de la défense civile et surtout de la défense économique dont les objectifs ont été fixés comme suit :
– constitution de stocks d’approvisionnement, y compris des produits agricoles, afin de garantir à l’Autriche une large autonomie ;
– maintien en exploitation des mines de charbon, de cuivre et d’autres minéraux essentiels en dépit d’une faible rentabilité ; éventuellement mise en réserve de certaines ressources minérales ;
– adaptation du réseau ferroviaire aux besoins militaires ;
– poursuite de la fabrication de munitions de petit calibre.
En ce qui concerne les aspects militaires de la défense, le général Lutgendorf, ministre de la Défense, a précisé le concept de défense en surface et notamment les missions incombant aux formations alpines de guérilla.
Parallèlement aux débats gouvernementaux, une action psychologique a été entreprise dans l’opinion publique pour l’inciter à prendre conscience de ces problèmes. Des conférences sur l’avenir de la défense ont été faites à Innsbruck et à Graz par le général Lutgendorf et une campagne d’information sur le rôle et l’utilité de l’armée a été lancée dans la presse.
L’orientation nouvelle du gouvernement n’a pas encore été suivie de mesures financières visant à revaloriser l’appareil militaire ; or, des mesures de cet ordre apparaissent indispensables pour attirer la jeunesse vers la carrière des armes et pour réaliser la modernisation des équipements.
L’avenir dira si le peuple autrichien est disposé à consentir l’effort demandé par son gouvernement.
Sud-Est asiatique : problème des détroits de Malacca et Singapour
Un nouveau problème international a surgi au sujet des détroits de Malacca et de Singapour avec, comme principaux intéressés, l’URSS, le Japon, la Chine et les trois pays riverains, la Malaisie, l’Indonésie et Singapour.
Cette crise est née en novembre dernier quand l’Indonésie et la Malaisie ont décidé de rejeter la thèse du caractère international des détroits. Singapour ne faisait que « prendre note » de cette décision car la liberté de navigation dans les détroits est d’un intérêt vital pour le développement de son port.
Le Japon, qui reçoit par cette voie 90 % de son pétrole et l’URSS qui renforce sa présence navale dans l’océan Indien, ont entrepris, d’abord discrètement, des démarches parallèles pour préserver le statut international des détroits. Se heurtant à une détermination polie, à Djakarta comme à Kuala Lumpur, les Russes puis les Japonais ont fini, en mars, par prendre publiquement position. L’agence Chine Nouvelle a alors dénoncé cette collusion d’intérêts nippo-soviétiques.
Le fait que le problème a pris des proportions sérieuses a été démontré par l’envoi d’un ambassadeur soviétique itinérant, M. Mendelvitch, dans les trois capitales des pays riverains et à Colombo. Cette mission a abouti à une impasse, notamment à Djakarta, où le gouvernement a précisé à nouveau la position de l’Indonésie :
– les détroits de Malacca et de Singapour ne sont pas une voie d’eau internationale, mais les gouvernements riverains garantissent aux navires le passage selon les procédures admises par le droit international ;
– le tonnage des pétroliers doit être limité pour éviter la pollution ;
– le passage par les détroits de Makassar et de Lombok est proposé pour les pétroliers géants.
Les deux dernières propositions ont été rejetées par les Japonais qui ont déjà offert de financer un projet de dragage auquel l’Indonésie s’est opposée (4).
Tun Ismail, vice-Premier ministre de Malaisie, a déclaré à l’issue d’un voyage officiel d’une semaine en Indonésie, que son gouvernement soutenait entièrement la position de Djakarta.
Par ailleurs, M. Frans Seda, ministre indonésien des Communications, vient de se rendre à Singapour. Au cours de cette visite, Singapour et l’Indonésie sont convenus d’avoir périodiquement des conversations au sujet de la navigation et de la pollution dans les détroits. De plus le projet d’une conférence sur les détroits, qui réunirait les trois pays riverains, a été abordé. ♦
(1) AID : Agency for International Development. Ces difficultés se sont révélées dans le domaine de l’assistance médicale, pour ne citer qu’un seul exemple.
(2) À une exception près : aux termes de l’article 5, un navire ou un aéronef en détresse de « n’importe quel pays » peut utiliser les ports et aéroports de l’île.
(3) À l’exception des parties de ces installations qui sont réservées exclusivement à la Grande-Bretagne.
(4) Les détroits, menacés d’envasement, sont dangereux pour les gros navires. Or, les pétroliers géants japonais utilisent cette voie et certains ont touché le fond.