Défense en France - Le projet de budget de la défense nationale pour 1973 - Le corps de défense de la protection civile - Le décret fixant les attributions des inspecteurs généraux des armées - Le centenaire de l'établissement d'expériences de Bourges
Le projet de budget de la Défense nationale pour 1973
Tel qu’il a été arrêté en Conseil des ministres le 15 septembre 1972, le projet de budget de la Défense nationale pour 1973 rompt avec la continuité des budgets antérieurs en ce sens que, pour la première fois depuis bientôt dix-sept ans, la part qu’il représente dans le budget général de l’État a cessé de décroître.
Cette constatation ne peut être une surprise pour ceux qui ont conservé en mémoire les propos tenus par le président de la République Georges Pompidou le 20 avril 1971 : « La collectivité nationale doit consentir les efforts financiers nécessaires afin de doter les Armées de moyens suffisants en matériel et personnel… Il faut que la France sache et admette que la déflation des dépenses militaires a pris fin et qu’un pays qui veut survivre et préserver sa personnalité se doit de faire les sacrifices indispensables et d’ailleurs proportionnellement modérés ».
De son côté, le ministre d’État chargé de la Défense nationale, Michel Debré, évoquant les crédits militaires, affirmait le 1er mai 1971 : « Nous avons maintenant atteint un plancher… Situer nos crédits militaires à un pourcentage du revenu national légèrement supérieur à 3 %, à bien des égards relève de la gageure ». À l’occasion du vote du budget 1972, il déclarait aux sénateurs le 2 décembre 1971 : « … il est important … que notre budget militaire soit à la hauteur de notre ambition d’assurer notre liberté … Dans ces conditions, il est certain que le pourcentage de dépenses par rapport au produit intérieur brut et celui que représente le budget de la Défense nationale dans l’ensemble du budget de la Nation ne pourront plus être réduits … Il y a un seuil au-dessous duquel la crédibilité d’une défense est atteinte ». De fait, pour 1972, une légère croissance relative était amorcée avec un budget militaire en hausse de 8,1 % par rapport à 1971, contre une augmentation de 6,2 % pour l’année précédente. Et cependant la part du budget militaire de 1972 dans le budget général était encore inférieure à ce qu’elle était en 1971.
À plusieurs reprises, en mars 1972, le ministre a annoncé un « réexamen des dépenses militaires… dans la mesure où la hausse des prix, depuis deux ans, a fait que les chiffres votés ne correspondent plus aux réalités ». L’objectif est « un relèvement de l’ensemble des dépenses militaires aboutissant à un pouvoir d’achat sensiblement supérieur à celui des trois dernières années ».
Pour 1973, le projet de budget de la Défense nationale est en accroissement de 11,8 % par rapport au budget 1972, accroissement légèrement supérieur à celui du budget général de l’État. Les pourcentages du budget de la Défense nationale par rapport au budget général d’une part, par rapport à la production nationale brute d’autre part, se situent l’un et l’autre à un niveau très légèrement supérieur à celui de l’an dernier. Ce budget constitue donc un coup d’arrêt à la décroissance relative des dépenses militaires par rapport aux ressources nationales pour ne pas tomber en dessous du « plancher » évoqué par le ministre.
D’un montant total de 34,8 milliards, les crédits de paiement se répartissent en 18,3 Md pour le fonctionnement (titre III), soit 52,6 % du total, et 16,5 Md pour l’équipement (titre V) soit 47,4 %. En comparaison des années précédentes, la proportion du titre III amorce une très légère régression dictée par le souci corrélatif de contenir la croissance des dépenses de fonctionnement, tout en finançant des mesures nouvelles, pour permettre le respect des objectifs du troisième plan militaire par un accroissement sensible des dépenses d’équipement. Et cependant l’augmentation globale du budget est commandée par les hausses de prix qui affectent aussi bien les rémunérations et l’entretien (titre III) que le coût des matériels d’armement (titre V). C’est dire la difficulté des choix à opérer pour limiter le déséquilibre.
Les crédits de fonctionnement augmentent de 1 686 MF soit 10,15 % par rapport à 1972. Sur ce montant, les hausses de rémunération représentent 1 100 MF et celles des dépenses d’entretien 300 MF. Par contre la réduction d’effectifs prévue par la loi-programme et qui se monte à 1 % pour 1973 entraîne une économie de 65 MF. Les augmentations de crédits et l’ensemble des économies qui ont pu être réalisées vont permettre de financer l’augmentation des effectifs de la Gendarmerie, les mesures nouvelles visant à la revalorisation de la condition militaire et celles destinées à améliorer le service militaire, tout en prévoyant une provision importante au titre des mesures en faveur des militaires des catégories B actuellement en discussion à la Fonction publique. Parmi les mesures catégorielles nouvelles annoncées par le ministre au Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM) lors de sa dernière session, la plus importante (70 MF sur un total de 131) est le relèvement de 18 % de l’indemnité pour charges militaires (1). La plus nouvelle consiste en l’octroi d’un pécule à cinquante officiers qui quitteront l’Armée en 1973 entre 15 et 18 ans de service.
Il s’agit là en effet de la première application de l’article 71 de la récente loi portant statut général des militaires. Les autres mesures concernent l’amélioration de la pyramide des grades de différents corps des trois Armées et de la Gendarmerie et le relèvement de certaines primes ou indemnités. Pour l’amélioration des conditions d’exécution du service militaire (2) un montant de 67 MF est prévu qui se traduira par l’augmentation du prêt du soldat (1,75 F par jour à compter du 1er juillet 1973) et des soldes des sergents et aspirants PDL, l’incorporation supplémentaire de 6 800 appelés et l’aménagement des crédits affectés à l’instruction, aux carburants, au service du Recrutement et à la formation des réserves. Cet effort au plan du fonctionnement est complété par une somme de 80 MF inscrite au titre V.
Les dépenses d’équipement, pour leur part, comportent 16 500 MF de crédits de paiement, en augmentation de 13,68 % sur 1972, qui correspondent principalement aux autorisations de programme des années antérieures. En fait le taux d’augmentation ne doit pas faire illusion car les crédits de paiement 1972 avaient subi un abattement de près de 450 MF par rapport aux prévisions tandis que le montant de 1973 respecte, à 30 MF près, les chiffres inscrits dans l’exposé des motifs de la loi-programme. Par contre les autorisations de programme accusent une augmentation de 1 348 MF justifiée par la nécessité de maintenir les commandes prévues pour l’exécution du troisième plan militaire. En effet, comme le ministre l’a précisé : « La loi-programme doit être réalisée dans son contenu ». L’objectif des Armées ne peut être que la réalisation effective du programme d’équipement que constitue le plan militaire 1970-1975 et non pas d’improviser des acrobaties budgétaires pour le respect des chiffres inscrits dans la loi-programme. Ces chiffres, établis en début de plan, ne représentent plus d’année en année, qu’une valeur indicative puisque dépassés par la conjoncture. D’où la nécessité d’une réévaluation. Dans son ensemble le titre V est strictement conforme aux résultats du réexamen du plan militaire adoptés par le Conseil de Défense.
La répartition des crédits entre les différentes sections subit peu de modifications. La section commune conserve la proportion de 26,3 %. La Marine (17,5 %) et l’Armée de l’Air (20,9 %) enregistrent chacune une légère baisse au profit de l’Armée de Terre (26,4 %) et de la Gendarmerie (8,8 %) qui fait l’objet pour la première fois d’une présentation dans une section distincte de la section commune. Cette légère augmentation reflète seulement les incidences des augmentations d’effectifs dans la Gendarmerie et les mesures concernant le service militaire qui affectent principalement l’Armée de Terre.
Après le budget-plancher de 1972, celui de 1973 apparaît donc comme un budget d’espoir traduisant le souci du respect des engagements affirmés pour conduire à la rénovation de notre appareil militaire, tant au bénéfice des hommes qu’au niveau d’un équipement moderne.
Le corps de défense de la protection civile
Un décret du 1er septembre 1972 fixe l’organisation du corps de défense de la protection civile. Bien qu’il soit constitué au sein du ministère de l’Intérieur, la création de ce corps intéresse la Défense nationale du fait des concours divers que les Armées sont susceptibles de lui apporter tant du point de vue encadrement que formation de son personnel. Mais cette création concerne surtout un certain nombre de citoyens assujettis aux obligations du service de défense.
C’est l’ordonnance du 7 janvier 1959 qui a élargi le concept traditionnel de défense en précisant les notions de défense civile et de défense économique pour tenir compte des multiples formes possibles de danger et pallier le manque de réalisme que révélait jadis la séparation conventionnelle entre temps de paix et temps de guerre. À ce titre, différents ministères se sont vu confier des responsabilités de défense et les devoirs du citoyen ont été élargis par la notion de service national dont une des formes consiste en un service de défense, destiné à satisfaire les besoins de la défense en personnel non-militaire.
Le service de défense
Deuxième forme, après le service militaire, des quatre volets du service national, le service de défense comprend le service actif et la réserve. Actuellement, en l’absence de corps de défense constitués de façon permanente, le nombre de jeunes gens appelés chaque année au service actif de défense est limité (500 environ). Leur formation est assurée par la Brigade de sapeurs-pompiers de Paris. Par contre la réserve du service de défense touche de très nombreux citoyens puisqu’elle concerne, jusqu’à l’âge de 50 ans :
– les hommes ayant accompli leur service actif de défense,
– ceux qui, à l’issue de leur service actif (service militaire, aide-technique ou coopération), n’ont pas reçu d’affectation militaire,
– les exemptés et les dispensés du service national qui possèdent l’aptitude requise,
– enfin, à partir de l’âge de 35 ans, tous les réservistes du service militaire qui ne sont pas maintenus dans les cadres au titre d’officier ou de sous-officier de réserve.
Les affectations de défense sont prononcées soit à titre individuel, en fonction des compétences particulières détenues ou d’une activité professionnelle déterminée, soit à titre collectif pour les hommes exerçant leur emploi habituel dans des secteurs industriels, agricoles ou commerciaux considérés comme vitaux. Les obligations de réserve du service de défense comportent pour tous les assujettis l’appel à leur emploi de défense en cas de crise. De plus, les titulaires d’affectation individuelle sont astreints à effectuer des périodes d’exercice dont le nombre et la durée sont fixés par leur ministère d’appartenance. En effet, plusieurs ministères sont chargés de mettre sur pied un corps de défense, lequel n’est constitué que de personnes faisant l’objet d’une affectation individuelle de défense. C’est à ce titre que le ministre de l’Intérieur vient de déterminer l’organisation de son corps de défense, celui de la protection civile, qui représente le premier exemple concret du cadre dans lequel un grand nombre de citoyens seront appelés en cas de crise à remplir leurs obligations au titre de la réserve.
Le Corps de défense de la protection civile (CDPC)
Ce corps est appelé à assurer des tâches multiples : détection de la radioactivité, diffusion de l’alerte, protection, évacuation, hébergement des populations, lutte contre les incendies, déblaiement, sauvetage, premiers secours, décontamination, enfin aide à la reprise des activités nécessaires à la survie des populations. Pour faire face à ces nombreuses missions, le corps de défense comporte : des organes de commandement installés aux différents échelons de la protection civile (ministère, zone, région, département), des formations d’intervention (unités d’hébergement, centres de protection civile, colonnes de secours) et des organismes spécialisés (groupement aérien, service de diffusion de l’alerte). Les personnels appelés à constituer le corps de défense de la Protection civile sont tous pourvus d’une affectation individuelle de défense. Dans la réserve, leur instruction est assurée, sous forme de périodes, dans les unités militaires de la protection civile ou de sapeurs-pompiers. Les personnels appelés à un emploi au sein du corps de défense sont régis par un statut particulier défini par le Code du Service national et astreints au port de l’uniforme. En effet les membres du corps de défense sont pourvus d’un grade d’emploi correspondant aux grades de l’armée mais n’entraînant pas assimilation. C’est ainsi que la hiérarchie va du sapeur de deuxième classe (simple soldat) au chef de défense (colonel). Les titulaires de grades correspondant aux officiers portent des croix d’or au lieu de galons. Les croix sont respectivement d’argent et rouge pour les grades correspondant à sous-officier et hommes du rang. Les limites d’âge s’étagent de 50 à 65 ans. Les régies concernant l’avancement et la discipline sont celles en vigueur dans les Armées.
Le corps de défense de la protection civile apparaît ainsi comme un organisme doté dès le temps de paix d’organes permanents et susceptibles d’être mis sur pied en temps de crise ou de guerre avec une grande souplesse permettant la mobilisation générale ou partielle de telles unités d’intervention spécialisées et dans tel secteur géographique menacé ou touché.
Le décret fixant les attributions des inspecteurs généraux des armées
Avec la publication du décret du 31 juillet 1972 fixant les attributions des inspecteurs généraux de l’Armée de terre, de la Marine et de l’Armée de l’air (3), les trois inspections générales sont désormais soumises à des règles communes. Cette réforme s’inscrit dans le cadre des mesures prises pour faire évoluer l’organisation des armées dans le sens d’une meilleure adaptation de leurs structures, d’une simplification et d’une mise en harmonie des règles qui régissent chacune d’elles.
Le décret du 10 décembre 1971 fixant les attributions des Chefs d’état-major en temps de paix rendait nécessaire la refonte de certaines règles relatives aux inspections générales. D’une part, il confiait au Chef d’état-major des armées un pouvoir permanent d’inspection sur les forces des trois armées, d’autre part il impliquait une nette subordination de l’ensemble des organismes de chaque armée au Chef d’état-major correspondant, y compris les organes d’inspection, à l’exclusion des inspecteurs généraux dépendant directement du ministre. Or, il n’en était pas toujours nettement ainsi, puisque, dans certaines armées, l’inspecteur général détenait aussi des pouvoirs d’inspection ou d’inspection technique qui le plaçaient dans une situation ambiguë.
En outre, pour des raisons « historiques », les attributions et l’organisation des inspections générales différaient considérablement d’une armée à l’autre. En dehors de quelques dispositions ajoutées ou modifiées, les décrets de 1961 en vigueur avant la réforme n’étaient en fait que la reproduction de textes anciens, établis par chaque armée de façon indépendante. En dépit de l’existence d’un ministre coordinateur, chacune des armées avait été soumise antérieurement à une autorité publique distincte et avait une existence autonome.
La réforme de 1972 harmonise donc les attributions des inspecteurs généraux d’armée en un seul décret et adapte les règles qui les régissent aux mesures récentes d’organisation des États-Majors.
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Le nouveau texte affirme tout d’abord l’indépendance des trois inspecteurs généraux vis-à-vis des autorités de chacune des armées. Ils ne dépendent que du ministre, reçoivent de lui leurs missions et lui adressent directement leurs rapports. Leur rôle est celui de conseillers du ministre et ils lui donnent à ce titre leurs avis sur les mesures les plus importantes qui concernent leur armée.
Le décret de juillet 1972 donne aux inspecteurs généraux les moyens de recevoir l’information nécessaire à l’exercice de leur fonction. Il leur confie un droit d’inspection général et permanent sur les forces armées et services de leur armée. Il prévoit que le Céma les tient informés des plans d’emploi des forces.
Enfin, le rôle des inspecteurs généraux en ce qui concerne le personnel de leur armée est rappelé et précisé. Leur avis est nécessaire pour toutes les mesures générales ou individuelles concernant les officiers généraux et ils peuvent ainsi formuler tous avis relatifs à l’avancement, aux récompenses et aux punitions concernant le reste du personnel.
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On ne saurait douter que la réforme de juillet 1972, en réaffirmant dans un texte unique toute l’étendue de la compétence des inspecteurs généraux, en précisant l’indépendance totale dont ils jouissent sous l’autorité du ministre, en fixant les procédures de leur information et de leur consultation, n’apporte à l’accomplissement de l’importante mission de ces hautes autorités un surcroît d’efficacité.
Le centenaire de l’établissement d’expériences techniques de Bourges
L’idée de replier à l’abri de la Loire les arsenaux exposés dans les places fortes du Nord et du Nord-Est est née de la défaite de 1815. Le désastre de 1870 incita à sa réalisation. Mais c’est tout autant à la volonté de ses habitants qu’à sa situation privilégiée au cœur de la France que Bourges doit d’être devenue un centre important de l’industrie de l’armement : la vocation de la cité s’était en effet déjà affirmée à la suite d’une souscription ouverte en 1836 par sa municipalité pour y installer un polygone et une école d’artillerie. En 1860, le Comité d’artillerie décida d’y créer une fonderie de canons, un arsenal et d’y replier l’École de Pyrotechnie venant de Metz. Tirant les leçons de la défaite de 1870 et comprenant tout l’intérêt d’une modernisation de l’armement en vue de « la Revanche », le Comité d’artillerie fit approuver, le 30 décembre 1871, la création d’une Commission d’expériences chargée des essais et des expérimentations des nouveaux matériels, ancêtre de l’actuel Établissement d’expériences techniques de Bourges (ETBS) qui vient de fêter son centenaire, le 22 septembre dernier, sous la présidence de M. Michel Debré.
À Bourges se trouvent également, outre l’ETBS, l’Établissement d’études et de fabrication d’armement (EFAB) et l’École supérieure d’application du Matériel (ESAM). Un quart environ des 75 000 habitants de Bourges sont ainsi plus ou moins directement liés à l’activité des 4 000 personnes que comptent ces trois organismes, dont l’importance sur le plan national ne saurait être minimisée.
Si l’on se rappelle qu’en 1944 les Allemands en retraite rasèrent les bâtiments et les installations, on mesure la somme d’efforts, d’énergie et d’intelligence qu’il a fallu pour aboutir à ce qui est aujourd’hui un complexe d’une ampleur et d’une modernité qui n’a, sauf chez les superpuissances, pas d’équivalent. Le bâtiment directorial, inauguré par le ministre d’État et dédié à la mémoire de l’ingénieur général Piussan (1895-1951) qui fut l’un des artisans de cette résurrection, témoigne de l’actualité de ces efforts.
L’ETBS, dont le directeur actuel est l’ingénieur général de 1re classe de l’armement Raymond Marty, dépend de la Direction technique des armements terrestres (DTAT). Sa mission fondamentale est l’expérimentation technique des systèmes d’armes terrestres et de leurs composantes, en particulier les armes et les munitions. Cette expérimentation s’applique à la plupart des matériels de l’armement terrestre : armes légères, armes de bord des véhicules terrestres et des aéronefs (calibres 20 à 30 mm), roquettes, missiles, mortiers (60, 81, 120), armes antichars, armes antiaériennes, armes de l’artillerie et des blindés, qu’il s’agisse de canons, de lance-roquettes ou de missiles. Elle concerne également la protection et les blindages.
Les expérimentations menées par l’ETBS interviennent aux diverses phases de la naissance et de la vie d’un matériel, notamment lors des études et du développement, de l’adoption et de la présérie, du lancement des séries et enfin de la mise en service. Elles concernent tous les aspects qualitatifs de ces matériels : performances, degré de fiabilité, de discrétion, blindage, protection nucléaire et chimique.
L’Établissement est également chargé du soutien technique de l’administration centrale de la DTAT pour la direction des programmes d’armement qui lui sont propres. Il assure enfin le suivi des fabrications et les recettes des poudres et des explosifs destinés à l’ensemble des Armées.
L’ETBS est organisé en six divisions :
– Essais des systèmes d’armes. La division rassemble les ingénieurs d’essai qui reçoivent les demandes des clients, organisent les expérimentations, suivent leur déroulement et en tirent les conclusions.
– Mesures et simulation. La division a pour tâche la mise en œuvre des moyens de mesure, de simulation et de calcul.
– Services généraux, chargés des transports, des bâtiments, de la sécurité et de la surveillance, ainsi que de l’atelier central.
– Contrôle pyrotechnique, chargé de la surveillance et des recettes des poudres et explosifs.
– Division technique. Elle travaille avec l’administration centrale à la direction des programmes d’armement.
– Service administratif : comptabilité, finances, personnels.
Pour accomplir ces diverses missions, l’ETBS dispose d’installations et de moyens importants, et tout d’abord de terrains et de polygones de tir à Bourges – ils couvrent, au sud-est de la ville, environ 10 000 hectares et s’étendent sur 30 km de long – et à Quiberon, où s’exécutent les tirs à longue portée en mer (150 km). Les tirs antiaériens sont effectués à Toulon (canons) et Biscarosse (missiles).
Les moyens de simulation sont particulièrement importants. Ils permettent de figurer un environnement climatique qui va du froid extrême (– 60 °C) à la chaleur torride (+ 70 °C) sèche ou humide, du vent de sable au brouillard salin, la pluie, l’immersion, le rayonnement solaire ou le vide. Matériels et armes, pour être essayés dans de telles conditions, peuvent rentrer dans trois chambres, prolongées de stands couverts permettant le tir aux armes de bond. Les installations du Centre d’environnement permettent de soumettre les munitions actives, en particulier les missiles munis de leur charge militaire, aux traitements les plus rudes : chocs, vibrations, chutes, accélérations brutales – telles qu’elles sont subies pour les missiles au départ – combinés ou non avec les conditions climatiques extrêmes et ceci dans les meilleures conditions de sécurité ; les dommages, uniquement limités aux dégâts matériels, sont minimisés en cas d’éclatement intempestif. À signaler en particulier l’existence d’un ensemble, unique en France, de deux chambres pour essais de véhicules ou de matériels de grandes dimensions (6 x 12 x 5,5).
Le centre comprend également des installations permettant de tester le comportement des matériels soumis à l’action des retombées radioactives et de mener des expériences de décontamination appliquées aussi bien aux véhicules blindés qu’aux nouvelles tenues fabriquées par l’Intendance.
Essais et simulations permettent une étude globale du comportement des matériels. Une analyse plus finie de certains phénomènes requiert l’intervention des laboratoires :
– le laboratoire des propulseurs qui travaille sur les chargements propulsifs pour roquettes et missiles (mesures dimensionnelles, essais mécaniques, vitesse de combustion). C’est grâce à lui que l’ETBS a acquis une compétence dans les techniques du collage (poudre-métal, métal-matière plastique) et de l’allumage, et dans la conception des chargements propulsifs à très courte durée de combustion ;
– le laboratoire des poudres et explosifs qui effectue les essais chimiques et certains essais physiques impliqués par la mission incombant à la division Contrôle pyrotechnique. Les essais permettent de contrôler la qualité et notamment la stabilité des produits pyrotechniques ;
– le laboratoire des matériaux inertes examine les composants métalliques : métrologie, spectrographie, traitement thermique, soudage d’aciers et d’alliages légers (l’ETBS homologue les électrodes et qualifie les soudeurs pour la fabrication des matériels blindés).
On imagine sans peine que la métrologie ne se cantonne pas uniquement dans les laboratoires. Elle est présente sur les polygones et elle permet de mesurer avec précision des paramètres indispensables à la connaissance du comportement des engins et des projectiles tout au long de leurs trajectoires et ceci grâce à des installations dont les unes sont à demeure sur les champs de tir et les autres fournies en temps opportun par des remorques-laboratoires spécialement équipées.
Que les données soient enregistrées par systèmes électroniques, radars ou cinématographie à grande cadence de prise de vues (100 000 images/seconde), etc., elles sont ensuite centralisées et exploitées au Centre de calcul qui fournit à l’ingénieur d’essai les imprimantes et les graphes qui lui permettront d’établir le document de synthèse qu’est le procès-verbal d’essai.
Un simple chiffre suffira à donner une idée de l’intense activité de l’ETBS : en 1972, l’ETBS aura mené en moyenne 15 essais par jour, chacun d’eux durant une demi-journée.
L’Établissement, même s’il représente beaucoup localement, notamment sur le plan de l’emploi, des investissements, de la formation professionnelle, a plus encore et avant tout une importance nationale. La présence de M. Michel Debré, ministre d’État chargé de la Défense nationale, du Délégué ministériel à l’Armement, M. Blancard et du général d’armée Alain de Boissieu, Chef d’état-major de l’Armée de terre, aux cérémonies qui ont marqué le centenaire de l’ETBS, témoignait de la confiance du gouvernement et de la nation à l’égard des ingénieurs de l’armement qui travaillent à mieux assurer la sécurité du pays, à manifester sa volonté de défense et à renforcer sa politique de dissuasion en lui donnant les moyens de faire face à toutes les situations conventionnelles aussi bien que nucléaires avec des armes et des matériels à la hauteur des techniques les plus modernes. ♦
(1) Cette indemnité, créée pour compenser certaines sujétions du métier militaire, se situe, au taux actuel, entre 64,20 F et 377,10 F par mois selon le grade et la situation de famille.
(2) Voir notre chronique dans la RDN d’août-septembre 1972.
(3) Décret n° 72-706 publié au Journal officiel du 2 août 1972, p. 8285.