Maritime - Marine française : mise sur cale du sous-marin Agosta - Marine soviétique : activité de la flotte en 1972 - Marine des États-Unis : le programme de constructions neuves et de conversions pour 1973 ; situation de la flotte
Marine française : mise sur cale du sous-marin Agosta
L’Agosta, premier des 4 sous-marins océaniques à hautes performances inscrits à la 3e loi de programme, a été mis sur cale à Cherbourg le 10 novembre 1972. Selon les prévisions actuelles, il sera mis à l’eau en janvier 1974.
Ces sous-marins présenteront les caractéristiques suivantes :
– Déplacement : 1 200 tonnes (1 725 t en plongée).
– Longueur : 67,57 m.
– Largeur : 6,80 m.
– Tirant d’eau : 5,40 m.
– Appareil moteur : 1 ligne d’arbre – 1 moteur électrique principal de 3 500 kW – 1 moteur électrique de croisière de 23 kW – 2 groupes électrogènes Diesel SEMT Pielstick 16 PA4 - 185 de 850 kW.
– Distance franchissable : 8 500 N/9 nœuds au schnorchel.
– Armement : 4 Tubes lance-torpilles (TLT) 550 à l’AV – 20 torpilles au total – Direction de lancement organisée autour d’un ensemble central de calcul.
– Équipage : 7 officiers + 43 non-officiers.
Les trois autres sous-marins de ce type qui seront également construits à Cherbourg sont :
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sur cale |
lancement |
Beveziers |
1973 |
avril 1974 |
La Praya |
1974 |
octobre 1974 |
Ouessant |
1974 |
janvier 1976 |
Marine soviétique : activité de la flotte en 1972
S’il n’y a pas eu, en 1972, de manœuvres aéronavales de grande envergure analogues à l’exercice Okean de 1970, l’activité de la marine soviétique a cependant été soutenue sur tous les océans.
En Méditerranée, le niveau moyen de l’escadre que les Soviétiques y maintiennent en permanence n’a pas été supérieur à celui des années précédentes mais on a constaté un déploiement plus important de sous-marins correspondant à un affaiblissement des forces de surface. L’escadre a été en moyenne forte de deux à trois croiseurs lance-missiles ou classiques, une demi-douzaine de destroyers dont plusieurs lance-missiles et à peu près d’autant d’escorteurs provenant de la Flotte de la mer Noire ainsi que d’une douzaine de sous-marins dont deux nucléaires d’attaque (SNA) venant tous de l’Arctique ; le séjour de ces sous-marins dure environ 6 mois au bout desquels ils sont relevés. Cette escadre a, de temps à autre, été renforcée par le croiseur porte-hélicoptères Leningrad, mais l’an dernier comme l’année précédente on n’a plus revu dans ce théâtre son sistership Moskva ce qui pourrait signifier que ce bâtiment est peut-être en cours de modernisation ou refonte.
Dans l’océan Atlantique, on a constaté une faible activité dans la zone des Caraïbes mais elle a par contre été sensiblement identique à celle de l’année précédente le long des côtes d’Afrique. L’événement le plus marquant a été, sans conteste, le sauvetage d’un sous-marin nucléaire lance-missiles (SNLE) en difficulté. Ce sous-marin du type H a été obligé, on s’en souvient, de faire surface le 24 février 1972 par très grosse mer (creux de 12 m) à quelque 700 nautiques dans l’Est de Terre-Neuve. Le bâtiment privé apparemment de tout moyen de se mouvoir partait à la dérive roulant bord sur bord, ce qui devait être réellement atroce pour son équipage. Les Soviétiques ayant décliné l’aide que généreusement leur offrait l’US Navy, ont monté pour sauver ce bâtiment une opération de très grande envergure. Venant des Antilles, de l’Arctique et même de Méditerranée comme le Leningrad, une quinzaine de navires de combat ou auxiliaires renforcés par des pétroliers se sont dirigés à toute vitesse vers le lieu de l’accident et ont assisté le sous-marin durant son remorquage jusqu’à Mourmansk où il n’est parvenu que le 1er avril, soit 37 jours après son retour en surface. Toujours à cause du gros temps, on ne put passer une remorque autour de la baignoire du sous-marin qu’après plusieurs tentatives infructueuses. Venant deux ans après la perte en Atlantique d’un sous-marin nucléaire d’attaque du type N, le spectacle pendant plus d’un mois d’un autre sous-marin en difficulté n’a pu que mortifier la marine soviétique mais cette blessure d’amour-propre a plus que largement été compensée par l’étonnante démonstration de mobilité et disponibilité qu’elle a apportée à l’occasion de cette opération de sauvetage particulièrement malaisée.
Dans l’océan Indien, on s’attendait à ce que la présence soviétique, sans être aussi importante que durant (ou tout de suite après) le conflit indo-pakistanais, demeurât relativement étoffée. Il n’en fut rien et cela est sans doute dû à l’insuffisance du support logistique mobile qui demeure, malgré les efforts accomplis pour le valoriser, encore très insuffisant pour soutenir les navires de combat dans des zones excentriques.
Comme à l’accoutumée, les Soviétiques ont suivi de très près les exercices des marines occidentales, qu’il s’agisse des grandes manœuvres de l’Otan comme Dawn Patrol ou Strong Express, d’exercices bilatéraux ou nationaux, exercices dont ils paraissent connaître parfaitement le calendrier. Toutes les occasions leur sont bonnes pour en faire profiter leurs propres forces. Chaque sortie occidentale mettant en jeu des porte-avions est notamment l’objet d’une surveillance attentive de l’aéronautique navale qui n’hésite pas, si l’occasion s’en présente, à faire des simulacres d’attaque entraînant, on s’en doute, des vols de l’aviation embarquée adverse, ce qui rend ces sorties particulièrement réalistes. C’est ainsi que notre escadre de l’Atlantique, lors de sa sortie de printemps en mer de Norvège, a été à plusieurs reprises survolée par des vagues de bombardiers Tu-16 Badger de l’aéronavale. Les navires soviétiques n’hésitent même pas à interférer dans les zones d’exercices habituelles de ces marines comme ce fut par exemple le cas quand, en juin dernier, un sous-marin du type F fut repéré au large de Toulon par les Atlantic de l’Aéronavale, puis pris en chasse et pisté par les escorteurs de l’escadre de la Méditerranée qui l’obligèrent à faire surface. Bel exemple de vigilance et d’entraînement de nos forces.
Sur le plan du matériel, la marine soviétique a continué à se renforcer. Dans la catégorie des navires de surface, un nouveau type de croiseur baptisé Kara par l’Otan a fait son apparition. Construit dans les chantiers de Nikolaiev en mer Noire, ce bâtiment de 10 000 à 15 000 t serait équipé de missiles surface-surface et surface-air, d’armes et d’équipements anti-sous-marins du type le plus récent dont un sonar remorqué à basse fréquence. Deux autres croiseurs du même type seraient sur cale ou en achèvement dans ces mêmes chantiers. La construction des croiseurs de 7 000 t du type Kresta II s’est poursuivie : 4 sont en service et 3 ou 4 à divers stades d’achèvement. Par ailleurs 2 et peut-être même 3 croiseurs anciens de 20 000 t classe Sverdlovsk ont été aménagés en bâtiments de commandement et munis à cet effet de systèmes de transmission à grande portée. Au moins 4 grands destroyers lance-missiles de 4 000 t du type Krivak, apparu pour la première fois en 1971, ont rallié la flotte et plusieurs autres, pense-t-on, sont en construction. Des dragueurs nouveaux ont été également observés. Il semble enfin se confirmer que le grand bâtiment en construction à Nikolaiev, dont on parle tant, longtemps considéré comme un éventuel pétrolier, soit finalement un porte-aéronefs de 30 000 à 40 000 t. Selon les Américains, ce navire pourrait fort bien effectuer ses essais à la mer dans un an et être opérationnel six mois plus tard. Quoi qu’il en soit, il est prématuré de dire, comme certains l’ont avancé, que ce futur bâtiment sera équipé d’avions à décollage court ou vertical car on ne sera vraiment fixé sur ses capacités que lorsqu’on l’aura vu.
Dans la catégorie des sous-marins nucléaires d’attaque, la construction des sous-marins type V équipés de torpilles et C dotés de missiles tactiques anti-surface lançables en plongée s’est poursuivie et l’on s’attend à ce qu’elle s’accélère au cours des prochaines années. Près d’une dizaine d’unités du premier type et autant du second seraient maintenant opérationnels. En ce qui concerne les sous-marins stratégiques, la presse anglo-saxonne a signalé récemment la mise en service d’un bâtiment, baptisé D, plus grand et plus gros que les SNLE du type Y actuellement en service ou en construction. Ce D serait équipé de 12 missiles SSN8 de 3 000 nautiques de portée au lieu de 1 500 nq dont sont crédités les 16 SSN6 mis en œuvre par les Y. On estime que près de 30 de ces derniers sous-marins étaient en service à la fin de 1972. Si on leur ajoute les 10 SNLE plus anciens de la classe H porteurs chacun de 3 missiles SSN5 de 700 nq de portée, on constate que le potentiel de dissuasion de la marine soviétique se monte approximativement à :
– 1 SNLE type D équipé de 12 missiles,
– 30 SNLE type Y équipé de 16 missiles,
– 10 SNLE type H équipé de 3 missiles,
soit à 522 missiles balistiques stratégiques.
Or, les accords SALT autorisent, comme on sait, l’URSS à posséder 62 SNLE en 1977 avec un total de 950 missiles. Compte tenu des sous-marins cités plus haut, ceci implique que la Marine soviétique peut, si elle le désire, construire d’ici cette date 21 à 31 bâtiments selon qu’elle remplace ou non les dix unités du type H. Pour rester dans la limite du nombre de missiles autorisés par les accords, elle sera forcée de construire quelques Y supplémentaires et un certain nombre de D, la répartition entre ces deux types étant impossible à évaluer et le nombre d’Y encore en construction n’étant pas connu.
Quelques bâtiments enfin sont venus en 1972 renforcer le support logistique mobile de la flotte dont le potentiel est évalué dans le tableau ci-après.
Évaluation du potentiel aéronaval soviétique fin 1972
Sous-marins nucléaires stratégiques (SNLE) : – type D : 1 (9 000 t – 12 missiles SSN8 de 3 000 Nq de portée) ; |
41 |
Croiseurs porte-hélicoptères (Leningrad, Moskva) |
2 |
Croiseurs lance-missiles : – type Kara : 1 (10 000 à 15 000 t - missiles SS, SA et ASM) ; |
13 |
Croiseurs classiques et de commandement : |
12 |
Destroyers lance-missiles : – type Krivak : 4 (4 000 t - missiles SS et SA) ; |
34 |
Destroyers classiques |
50 |
Escorteurs (de 500 à 1 700 t) |
180 |
Sous-marins nucléaires d’attaque : – type V : 10 (5 000 t – torpilles) ; |
64 |
Sous-marins à diesel : 20 équipés de missiles balistiques de 300 à 700 N de portée ; |
150 |
Vedettes lance-missiles : |
150 |
Appareils de l’aéronautique navale : – 300 bombardiers ; |
1 000 |
Marine des États-Unis : le programme de constructions neuves et de conversions 1973 ; situation de la flotte
Comme il fallait s’y attendre, le Congrès a légèrement amendé le budget de l’US Navy pour l’exercice 1972-1973, budget dont nous avons donné les grandes lignes dans notre chronique de mai dernier. C’est ainsi qu’il ne l’a pas autorisé à lancer la construction d’une nouvelle tranche de 7 destroyers de 7 000 t de la classe Spruance comme le souhaitait la Navy et a seulement voté les fonds nécessaires au démarrage de ce programme : ces 7 bâtiments seront mis sur cale durant l’année fiscale 1973-1974.
Par contre, la marine a obtenu l’autorisation de mettre en chantier le prototype des nouveaux escorteurs du type PF et les crédits nécessaires à la mise en route du programme Trident et aux premiers travaux du porte-avions nucléaire CVN-70 : cette dernière décision a été accueillie très favorablement par les marins car cela fait plusieurs années qu’ils souhaitaient que le Congrès se décide soit à refuser soit à accepter la construction de ce porte-avions qui sera le 4e à propulsion nucléaire de l’US Navy, les 3 autres étant le CVAN65 Enterprise, le CVN68 Nimitz et le CVN69 D.D. Eisenhower tous deux en construction. Ce nouveau porte-avions qui déplacera environ 90 000 t coûtera la bagatelle d’un milliard de dollars. Il pourra mettre en œuvre une centaine d’aéronefs dont le nouvel intercepteur tout temps Grumman F-14 Tomcat et le bimoteur ASM Lockheed S-3A Viking.
L’escorteur type PF dont le tonnage est d’environ 3 400 t, sera propulsé par turbines à gaz. Son armement comprendra des missiles surface-surface et 1 ou 2 hélicoptères légers ASM. La Navy souhaiterait en construire au moins une cinquantaine afin de renouveler son parc de destroyers et d’escorteurs qui commence à prendre de l’âge.
Le projet Trident, connu jusqu’ici sous le nom d’ULMS (Under Sea Long Range Missile System), prévoit la construction à la fin de l’actuelle décennie de dix super-SNLE équipés chacun de 20 à 24 missiles de 6 000 Nq de portée. Ces bâtiments sont appelés à remplacer les 10 plus anciens sous-marins Polaris actuellement en service. Le développement de ce projet n’est pas affecté par la signature du traité de Moscou puisque celui-ci doit expirer en 1977, c’est-à-dire bien avant que le premier Trident n’entre en service. Ce traité, rappelons-le, autorise l’US Navy à disposer à cette date de 44 SNLE (avec un total autorisé de 710 missiles) au lieu de 41 qu’elle possède présentement, mais cette clause n’a qu’une valeur théorique car il n’est pas dans ses intentions de construire ces trois bâtiments supplémentaires. Elle se contentera d’ici 1977 de poursuivre le remplacement, sur les 31 unités de la classe Lafayette, des 16 Polaris A3 (2 500 Nq de portée) dont ils sont dotés par autant d’engins du type Poseidon équipés chacun de têtes multiples indépendantes (MIRV). C’est que, compte tenu du retard des Soviétiques dans cette technique, elle considère qu’en 1977 la marine soviétique ne possédera pas encore de missiles de ce type et qu’elle disposera encore de ce fait d’une nette marge de supériorité sur sa rivale.
Le programme de constructions neuves et de conversions approuvé par le Congrès se présente finalement comme suit :
Constructions neuves (1 517,8 M dollars) – 6 SNA ; |
Conversions et modernisations (599,1 M$) – 6 SNLE (Polaris/Poseidon) ; |
Fonds d’avance pour constructions ultérieures (917 M$) – 1 porte-avions nucléaire (299 M$) ; |
Par ailleurs, la marine a été autorisée à acquérir durant l’année fiscale 1972-1973, 167 aéronefs (F-14 Tomcat, S-3A Viking, Lockheed P-3C Orion, Hawker Siddeley Harrier pour le Marine Corps, etc.).
Durant cette même année fiscale, la flotte active va être progressivement amputée de 60 unités qui seront soit mises en réserve, soit démolies, soit cédées à des marines amies. Finalement, la situation de la Flotte au 30 juin 1973 sera la suivante comparée à celle du 30 juin 1972 :
|
30 juin 1972 |
30 juin 1973 |
SNLE |
41 |
41 |
Porte-avions d’attaque |
14 |
14 |
Porte-avions ASM |
3 |
2 |
Croiseurs |
9 |
9 |
Frégates lance-missiles |
28 |
29 |
Destroyers lance-missiles |
29 |
29 |
Destroyers classiques |
93 |
72 |
SNA |
56 |
60 |
Sous-marins classiques |
38 |
27 |
Escorteurs |
66 |
69 |
Patrouilleurs |
16 |
16 |
Bâtiments amphibies |
77 |
65 |
Bâtiments de guerre des mines |
34 |
10 |
Bâtiments de soutien logistique |
153 |
151 |
et celle de l’Aéronautique navale :
Avions d’attaque |
1 517 |
1 583 |
Intercepteurs |
962 |
1 007 |
Avions ASM |
181 |
180 |
Avions de patrouille |
443 |
452 |
Avions d’entraînement |
1 525 |
1 464 |
Hélicoptères |
1 308 |
1 324 |
Divers |
816 |
808 |
Total |
6 754 |
6 818 |