Maritime - Grande-Bretagne : le budget de la Marine britannique pour l'exercice 1972-1973 - France : sorties d'hiver des escadres
Grande-Bretagne : le budget de la Royal Navy pour l’exercice 1973-1974
Le budget de la Défense britannique pour l’exercice 1973-1974 débutant le 1er avril prochain se monte à 3,365 millions de Livres, ce qui représente 5,3 % du PNB de nos voisins (4,9 % calculé selon les normes françaises) et une augmentation de 529 millions de Livres par rapport à l’exercice budgétaire précédent. Cette augmentation est essentiellement due à l’accroissement des soldes des personnels civils et militaires des armées et à la hausse du coût de certains matériels. Le « White Paper sur la défense justifie l’effort budgétaire – le plus important de l’Europe occidentale – que le Royaume-Uni consacre à sa défense par la nécessité d’équilibrer celui de l’URSS. Celle-ci en effet ne cesse d’augmenter chaque année ses dépenses militaires. L’an dernier, ses possibilités stratégiques se sont accrues par la construction de 90 sites de missiles balistiques intercontinental (ICBM) et par la mise en service de six nouveaux sous-marins nucléaires lance-missiles balistiques (bâtiments de la classe Y). L’URSS, précise le White Paper, dispose actuellement de 1 500 ICBM, de quelque 700 missiles balistiques à portée intermédiaire (IRBM) et d’environ 60 sous-marins stratégiques et 300 sous-marins d’attaque dont 70 à propulsion nucléaire. Les forces navales, terrestres et aériennes ont été dotées d’armes et d’équipements de haute qualité. En dépit, enfin, du renforcement des unités déployées le long de la frontière chinoise, on n’a point constaté une diminution du potentiel soviétique face aux nations de l’Otan.
La part de la Marine dans le budget n’a pu être déterminée car il est, comme celui des exercices précédents, présenté de façon globale. On peut toutefois raisonnablement estimer qu’elle s’élève à 28 et peut-être même à 30 % de l’ensemble.
Ce budget permettra d’entretenir 148 bâtiments de combat en activité tandis que vingt navires seront en réserve en grand carénage ou en conversion. Le décompte de ces bâtiments par catégories est donné dans le tableau ci-dessous.
À ces bâtiments, il faut ajouter 13 navires hydrographes et les nombreuses et magnifiques unités de la flotte logistique arborant tant la White Ensign que le pavillon de la Royal Fleet Auxiliary. Les premiers sont armés par du personnel militaire, les autres par des civils servant sous contrat. Le tout représente quelque 200 000 tonnes de navires qui assurent à la Royal Navy une très grande mobilité stratégique.
L’utilisation et l’entretien des sous-marins nucléaires stratégiques reviendront à 39 M £, soit un million de plus que durant l’exercice 1972-1973. 2 200 marins et 3 500 civils seront affectés à cette force.
Composition de la Royal Navy en 1973-1974
Types |
Navires en service, se préparant à y entrer, en essais ou servant à l’entraînement |
En réserve, grande refonte, ou conversion |
Sous-marins stratégiques |
Resolution, Repulse, Revenge |
Renown |
Porte-avions |
Ark Royal |
|
Croiseurs |
2 |
|
Destroyers lance-missiles |
8 |
1 |
Escorteurs |
52 |
10 |
Sous-marins nucléaires d’attaque |
8 |
|
Sous-marins Diesel |
16 |
6 |
Bâtiments de guerre des mines |
42 |
2 |
Patrouilleurs |
5 |
|
Divers |
8 |
|
Hydrographes |
13 |
|
Porte-hélicoptères d’assaut |
2 |
|
Assault Ships |
2 |
|
Les forces à usage général absorberont 419 M £, ce qui représente un accroissement de 89 M par rapport aux prévisions de l’année budgétaire 1972-1973. Elles seront armées par 34 300 marins ; 10 000 civils dont 4 500 environ relevant de la Royal Fleet Auxiliary participeront à la vie et à l’entretien de ces forces.
Pour ce qui concerne les constructions neuves, la Royal Navy s’est enrichie durant l’exercice 1972-1973 de trois unités : le destroyer lance-missiles de 6 750 tonnes pleine charge (tpc) HMS Bristol et de deux « frégates » de 2 700 tpc du type Leander, HMS Apollo et Ariadne. Durant cette période, deux sous-marins nucléaires d’attaque HMS Suwiftsure et Sovereign un destroyer lance-missiles de 3 600 t prototype d’une série de six, l’HMS Sheffield, ainsi que quatre escorteurs de 2 500 tpc classe Amazon et un chasseur de mines doté d’une coque en plastique et fibre de verre ont été lancés.
Trois sous-marins nucléaires d’attaque, cinq destroyers lance-missiles du type Sheffield, quatre frigates classe Amazon, un hydrographe ainsi que le croiseur CAH 01 ont été mis sur cale ou commandés. Le CAH C1 n’est autre que le « Through Deck Cruiser » de 20 000 t dont il a été souvent question dans ces chroniques [1]. L’ensemble des navires en achèvement à flot, sur cale ou commandés se monte à environ 77 000 t.
Durant l’exercice 1973-1974, un sous-marin nucléaire d’attaque – ce sera le 11e de la Royal Navy – doit être mis en chantier de même que le prototype d’une nouvelle classe d’escorteur de 3 000 t, connue jusqu’à présent sous l’appellation du type 22.
En ce qui concerne les armes et les équipements, le White Paper indique que la torpille filoguidée MK24 Ongar destinée aux sous-marins nucléaires d’attaque et dont la mise au point avait causé bien des déboires, est maintenant en fabrication et doit entrer en service prochainement. La livraison des premiers MM38 « Exocet » a commencé et c’est le destroyer lance-missiles HMS Norfolk de 6 200 tpc qui en sera le premier équipé. Le système air-surface Martel va être mis en œuvre sur les avions d’attaque Blackburn Buccaneer embarqués sur le porte-avions HMS Ark Royal. La navalisation du McDonnell Douglas AV-8 Harrier est par ailleurs en bonne voie. Enfin, la Royal Navy étudie la possibilité d’installer sur ses sous-marins nucléaires des missiles aérodynamiques anti-surface lançables en plongée.
Tous les navires opérationnels, où qu’ils se trouvent, relèvent comme il a été précédemment indiqué dans une de nos chroniques, de l’Amiral « Commander-in-Chief Fleet » (CinC Fleet) dont le QG est situé à Northwood dans le Nord-Ouest de Londres. Le gros des forces sera, comme c’est le cas depuis plusieurs années, concentré dans les bases métropolitaines mais un certain nombre d’unités, notamment des navires logistiques, seront déployés outre-mer. C’est ainsi que des destroyers et des escorteurs se rendront par rotation dans l’océan Indien et en Extrême-Orient, ce qui constituera la contribution de la Royal Navy à l’ANZUK et aux accords de défense dits des Cinq Puissances (Grande-Bretagne, Australie, Nouvelle-Zélande, Malaisie et Singapour) signé en 1971. Un sous-marin classique de 1 600 tonnes du type Oberon a été mis à la disposition de la Marine australienne et il est prévu d’organiser en 1973 des exercices mettant en jeu des navires du type le plus moderne avec des bâtiments appartenant aux marines du Commonwealth et d’autres nations.
En Méditerranée un destroyer lance-missiles et deux frégates seront encore mis à la disposition du Supreme Allied Commander Europe (SACEUR), comme en 1972-1973 : ils seront de temps à autre renforcés par des éléments provenant de la Métropole à l’occasion notamment d’exercices bilatéraux ou de manœuvres de l’Otan, comme Dawn Patrol par exemple.
Deux frégates stationnaires toutes deux aménagées pour embarquer un petit détachement des Royal Marines seront basées en permanence dans les Caraïbes tandis que, dans l’Atlantique Sud, l’Ice Patrol Ship HMS Endurance sera envoyé, durant les mois d’été, soutenir les missions océanographiques et hydrographiques britanniques dans cette région.
Enfin, la Royal Navy apportera comme les années précédentes une contribution efficace à la Stanavforlant dans l’Atlantique et en Méditerranée à la Navocformed, cette formation navale de l’Otan qui est de temps à autre activée sur ordre.
Pour ce qui les concerne, les effectifs militaires de la Royal Navy y compris les Royal Marines seront progressivement ramenés de 80 700 hommes et femmes le 1er avril 1973 à 77 900 le 31 mars 1974. À cette date, prévoit-on, ils seront ainsi répartis :
Officiers : 10 200
Non officiers : 64 200
Femmes : 3 500
Total : 77 900
La diminution du nombre des bâtiments en service et la généralisation sur les unités britanniques de la propulsion par turbines à gaz qui nécessite pour sa mise en œuvre moins de personnel que les machines classiques, peut expliquer cette réduction des effectifs de l’ordre de 2 800 h qui interviendra durant l’exercice 1973-1974.
Des esprits critiques et hâtifs comparant ces effectifs à ceux de notre Marine pourraient être tentés de marquer leur étonnement en constatant que pour une flotte de combat deux fois moins importante, celle-ci a cependant besoin de 68 000 h, soit à peine 10 000 de moins que la Royal Navy. Ce serait oublier toutefois :
– que la flotte logistique britannique est armée par du personnel civil (4 500 h) ;
– que l’aviation de patrouille maritime qui, chez nous, appartient à la Marine, relève chez nos voisins de la Royal Air Force (RAF) (sa mise en œuvre nécessite au moins 5 000 h) ;
– qu’un grand nombre d’emplois occupés dans la Marine française par des militaires sont dans la Royal Navy confiés à des civils.
Quoi qu’il en soit, la Marine britannique ne paraît pas avoir actuellement de gros problèmes de personnel, sauf peut-être pour quelques spécialités. Le nombre des officiers des branches Seaman (Pont), Engineering [2] et Supply (Commissariat) désirant faire une carrière longue est passé de 162 en 1971-1972 à 214 en 1972-1973, ce qui représente une augmentation de 32 %, répondant à 9 % près aux besoins de la Navy. En ce qui concerne le personnel d’équipage, les engagements se sont maintenus à un haut niveau tandis que le nombre des engagements continue à être satisfaisant, en raison, semble-t-il, de la conjoncture économique difficile régnant actuellement en Grande-Bretagne.
France : sorties d’hiver des escadres
L’escadre de l’Atlantique et celle de la Méditerranée ont effectué en février dernier leur habituelle sortie hivernale d’entraînement. La première, forte de la frégate lance-missiles Suffren arborant la marque du Vice-Amiral commandant, du porte-avions Foch et des escorteurs d’escadre Du Chayla, Casablanca et Kersaint, a profité de cette sortie pour montrer notre pavillon à Cadix (Suffren, Du Chayla, Casablanca) et Malaga (Foch, Kersaint).
L’escadre de la Méditerranée composée du Cassard, bâtiment-amiral, des escorteurs d’escadre Guépratte, Jauréguiberry, Tartu, du porte-hélicoptères Arromanches, de l’escorteur rapide Le Vendéen, du pétrolier-ravitailleur La Seine et du bâtiment logistique Rhin a fait escale à Casablanca du 23 au 27 février 1973 (Cassard, Arromanches, Le Vendéen, La Seine, Rhin) et à Lisbonne (les autres navires).
À l’issue de ces escales, les deux escadres se sont retrouvées pour faire en commun des exercices avant de faire route sur leurs ports d’attache respectifs, Brest et Toulon. ♦
[1] Rappelons néanmoins ses principales caractéristiques : 20 000 t, propulsion par turbines à gaz, pont d’envol continu, 8 à 10 hélicoptères anti-sous-marine (ASM), plus 6 Harrier, 4 missiles MM38 et des missiles surface-air Sea Dart à moyenne portée.
[2] La carrière d’engineer couvre dans la Royal Navy un large éventail de techniques : machines, électricité, électronique, etc.