Aéronautique - Le « Jaguar » en unité opérationnelle dans l'Armée de l'air - Feu vert pour le réacteur CFM56 - La modernisation des forces aériennes néerlandaises - États-Unis : les avions pilotés à distance ; les explosifs à carburant atomisé
Le Jaguar en unité opérationnelle dans l’Armée de l’air
Le mardi 19 juin 1973, une importante manifestation s’est déroulée sur la Base aérienne de Saint-Dizier en présence de M. Robert Gailey, ministre des Armées, du général d’armée aérienne Grigaut, chef d’état-major de l’Armée de l’air, du général d’armée aérienne Jacques Mitterrand, inspecteur général de l’Armée de l’air, du général de corps aérien Fabry, commandant la Force aérienne tactique et de nombreuses autorités militaires et civiles. Cette manifestation était organisée pour marquer l’arrivée en unité opérationnelle de l’avion SEPECAT Jaguar.
Ces premiers appareils ont été affectés à l’Escadron de chasse 1/7 « Provence » de la 7e Escadre de chasse. Cette escadre vient de rejoindre la Base aérienne de Saint-Dizier après avoir été implantée pendant 12 ans sur la Base aérienne de Nancy-Ochey, où une de ses missions était d’assurer le mûrissement sur Dassault Mystère IV des pilotes de chasse à leur sortie d’escadre de transformation opérationnelle (8e Escadre de chasse à Cazaux).
Après avoir écoulé les exposés du général Claude Grigaut, du colonel Jean Rajau commandant la Base, du commandant Guillou commandant l’escadre, et assisté à une brillante démonstration aérienne de l’avion piloté par le commandant Simon, commandant l’EC 1/7, le ministre devait préciser que 24 Jaguar au total seraient livrés à l’Armée de l’air en 1973, 30 en 1974, 29 en 1975 et 27 en 1976.
Feu vert pour le réacteur CFM56
Les milieux industriels du Salon de l’aéronautique du Bourget ont fait état d’une levée prochaine du veto du gouvernement américain à l’accord de coopération entre la société américaine General Electric et la société nationale d’étude et de construction de moteurs d’aviation (Snecma) pour le développement d’un réacteur civil de 10 tonnes de poussée, le CFM56. L’assurance en aurait été donnée par le président Nixon lors de sa rencontre avec le président Georges Pompidou à Reykjavik en mai 1973.
Le CFM56 est conçu à partir d’éléments haute pression dont la technologie est empruntée à celle du réacteur F-101 destiné à l’origine au bombardier stratégique B-1 de North American Rockwell et dont certains composants sont « classifiés ». La partie basse pression qui s’y ajoute est de conception française.
Le marché potentiel des réacteurs de la catégorie du CFM56 qui donnera 10 à 12 t de poussée est estimé à 500 exemplaires représentant un chiffre d’affaires supérieur à 15 milliards de francs. Ce réacteur est susceptible de pouvoir équiper le moyen-courrier Mercure, l’Airbus quadriréacteur et plus généralement les avions de ligne de la prochaine génération avec des réacteurs spécialement conçus pour décollages et atterrissages courts et au demeurant peu bruyants et peu polluants. Dans les clauses de l’accord de coopération entre la Snecma et General Electric, la société américaine assurerait la moitié du financement du programme évalué à 2 200 millions de francs jusqu’à la certification du réacteur CFM56 prévue pour 1977.
35 % seraient garantis par la Snecma qui est le maître d’œuvre de l’opération et le complément par la société allemande MTU.
La modernisation des forces aériennes néerlandaises
M. Henri Johan de Koster, ministre de la Défense du gouvernement néerlandais sortant, a présenté, avant de quitter son poste, un plan de réorganisation à long terme des forces aériennes néerlandaises. Dans ce plan, il préconise l’emploi d’un seul type d’avion de combat en remplacement des Lockheed F-104G Starfighter et des Northrop F-5 Freedom Fighter, et d’un seul type d’engin sol-air à la place des MIM-23 Hawk et des Nike.
Le nouveau gouvernement des Pays-Bas devra prendre prochainement une décision à ce sujet. Les propositions contenues dans le plan de M. H.J. de Koster comprennent en ce qui concerne la mise en service de ce chasseur standard :
– un premier lot de 72 avions, y compris les premières rechanges et l’outillage, à commander en 1973, pour la transformation et l’équipement des trois premiers escadrons actuellement équipés de F-104G. Cette acquisition devrait s’étaler sur une période de sept années de 1973 à 1979 inclus ;
– au cours de chacune des années suivantes : 1980 et 1981, remplacement des 20 avions F-104G d’un escadron par des appareils à commander en 1977 et 1978 :
– après la transformation du cinquième et dernier escadron de F-104G en avions nouveaux, rééquipement successif des quatre escadrons de NF-5 au cours de la période 1982-1985. Les commandes devront en être passées en 1979.
Compte tenu de ce plan, la force actuelle représentée par les 138 F-104G devrait être remplacée par 112 avions nouveaux. En supposant que le remplacement des NF-5 soit effectué par le même type d’avion, 80 avions nouveaux prendraient la place des 105 NF-5 présentement en service. Ainsi, le remplacement des 243 avions en service par 192 avions nouveaux serait échelonné de 1973 à 1985 sans diminuer le volume de la force aérienne nationale affectée à l’Otan.
La question qui se pose est celle de l’avion destiné au rééquipement de ces forces. Les propositions contenues dans ce plan écarteraient le programme MRCA (Multi Role Combat Aircraft) trop cher à l’achat et pour la maintenance, mais orienteraient le choix vers un chasseur existant sur le marché, présentant un bon compromis de manœuvrabilité, de capacité d’emport de charge militaire, de vitesse et de rayon d’action. Le choix pourrait se porter soit sur le Mirage F1 de Dassault-Breguet, soit sur le P-530 Cobra de Northrop en cours d’étude, soit enfin sur le Viggen de Saab Scania en service dans les forces aériennes suédoises.
En ce qui concerne la défense antiaérienne par engin sol-air, M. de Koster propose de remplacer avant 1985 les systèmes d’armes Nike et Hawk par un seul système. Celui-ci pourrait être un système Hawk modifié conformément au programme européen d’amélioration.
États-Unis :
Les avions pilotés à distance
L’US Air Force continue à être intéressée par les avions pilotés à distance (Remotely Piloted Vehicles ou RPV) pour l’exécution d’un nombre croissant de missions.
Rappelons que le but poursuivi en mettant au point ce nouveau système d’arme est entre autres de réduire les risques auxquels sont exposés les équipages des avions pilotés lors de l’attaque d’objectifs fortement défendus.
En fait, le développement actuel des RPV permet de les classer en deux catégories : dans la première se trouvent les matériels destinés aux missions de reconnaissance à très haute, moyenne et basse altitude, impliquant parfois une autonomie considérable (24 à 48 h), et aux missions de guerre électronique. Ce sont les successeurs des « drones » dont ils se différencient par un contrôle complet réalisé par un opérateur au sol, ou en vol, disposant d’un système de guidage par télévision. Les principaux constructeurs sont Boeing Aerospace Company et Teledyne Ryan Aeronautical. Certains d’entre eux ont été longuement utilisés pour des missions au-dessus du Nord-Vietnam ; en particulier après la décision de janvier 1973 d’arrêter les bombardements sur ce pays, seuls les vols de reconnaissance avec des avions pilotés Lockheed SR-71 Blackbird de reconnaissance stratégique et des RPV Ryan BGM-34 Firebee furent autorisés.
La deuxième catégorie est celle des RPV destinés à remplacer les avions de combat et il semble que ce soit dans ce domaine que l’on doive assister prochainement à l’évolution la plus spectaculaire.
Faisant suite à des démonstrations de combat air-air contre un McDonnell Douglas F-4 Phantom II piloté et de largage d’une bombe inerte de 500 livres à partir d’un RPV de reconnaissance modifié (lui-même dérivé de la cible téléguidée Firebee). Ryan a entrepris la fabrication d’un bombardier sans pilote, désigné BGM-34, dont l’USAF aurait pris livraison, depuis avril dernier, aux fins d’évaluation opérationnelle. Le BGM-34 est prévu pour effectuer des tirs de missiles et de bombes de jour comme de nuit et aurait obtenu de bons résultats avec des missiles AGM-45 Shrike et AGM-65 Maverick en particulier. Pour l’emploi de nuit, l’USAF espère pouvoir lui adapter le système de bombes à guidage laser équipant les F-4 Phantom II.
Le BGM-34 est largué à partir d’un avion porteur type Lockheed DC-130 et contrôlé depuis ce dernier, équipé de caméras de télévision nasales.
Les explosifs à carburant atomisé
Les États-Unis poursuivent activement la mise au point d’une nouvelle catégorie d’explosifs. En fait, les armes utilisant des explosifs à carburant atomisé (Fuel air explosive weapons, ou FAE) – puisque c’est d’elles qu’il s’agit – ont déjà été utilisées dans les derniers temps de la guerre du Vietnam.
Les explosifs FAE produisent un effet de souffle extrêmement puissant grâce à l’explosion retardée d’un nuage de carburant atomisé (aérosol).
La version utilisée au Vietnam, la bombe CBU-24 (Cluster Bomb Unit-24) de l’US Navy, larguée en chute libre à partir d’hélicoptères ou d’avions lents, était destinée au nettoyage des zones de pose des hélicoptères, afin de les débarrasser de leurs mines et pièges de toutes sortes.
La bombe CBU disperse un nuage de carburant d’environ 15 m de diamètre et 2,50 m d’épaisseur, dont la détonation retardée produit un effet de souffle plus efficace que celui obtenu avec des munitions classiques, quelles que soient les caractéristiques du terrain et les structures de protection. Provoquant des surpressions de 300 psi dans un cercle de 15 m, l’explosion provoquée peut être comparée à celle d’un camion de butane-propane à l’intérieur d’un immeuble.
La CBU-55B est une bombe tombant en chute libre mais libérant trois bidons indépendants contenant chacun 35 litres de carburant, ralentis à proximité du sol par un parachute.
Cette arme présente cependant l’inconvénient de ne pouvoir être larguée à grande vitesse. Aussi l’US Air Force comme l’US Navy travaillent-elles avec ténacité à la mise au point d’une seconde génération d’armes FAE capables d’être utilisées sous forme de bombes par des avions à hautes performances.
L’Armée de terre américaine, par ailleurs, s’intéresse également de près à ce genre d’armes. À partir de bombes achetées à la Navy, elle a entrepris son propre programme FAE, orienté vers la mise au point d’une arme sol-sol utilisable en toutes conditions atmosphériques et destinée au nettoyage des champs de mines.
Cette compétition des trois armées, bien que qualifiée d’amicale, doit prendre fin à la suite des mesures prises par les responsables de la recherche (Director of Defense Research and Engineering, DDR and E), visant, par un plan de développement commun, à harmoniser les financements et les domaines de mise au point ainsi qu’à délimiter clairement les responsabilités de chacun en la matière. En fait, le Département de la défense ne veut pas considérer la mise au point des FAE comme un programme majeur entraînant des dépenses importantes. C’est ainsi que la Navy n’aurait encore reçu aucun financement pour 1973 en ce qui concerne la recherche et le développement dans ce domaine et que si l’Air Force a vu 300 000 $ lui être accordés par le Congrès, 100 000 $ seulement ont été autorisés par le DDR et pour la poursuite de son programme. Pour l’année fiscale 1974, les prévisions de financement sont liées à l’aboutissement des mesures de coordination.
Quoi qu’il en soit, chaque armée annonce qu’elle a largement progressé dans la recherche et le développement de ces armes. Les essais de la Navy se poursuivent sur trois formules. Celle d’une arme tirée par canon et devant atteindre des vitesses subsoniques puis supersoniques. Testée sur un navire de guerre désaffecté, elle a permis d’obtenir des effets significatifs, le bâtiment ayant été coulé. La Navy poursuit également des essais à partir d’une bombe CBU-55B modifiée, appelée CBU-72, larguée à vitesse supersonique à partir d’appareils type McDonnell Douglas A-4 Skyhawk et LTV Aerospace A-7 Corsair II. Le système de freinage par parachute à proximité de la cible y est conservé. Mais cette dernière formule n’affecte en rien les efforts poursuivis pour la mise au point d’une bombe largable à très grande vitesse, non freinée afin d’obtenir une plus forte vitesse à l’impact.
Encouragée par les succès obtenus par la Navy, l’Army poursuit son propre programme. Celui-ci s’applique à la destruction de toutes sortes de mines, de fabrication américaine ou étrangère et en particulier aux modèles les plus récents. Les progrès réalisés ont permis de quadrupler le rayon d’efficacité. L’objectif poursuivi reste toujours celui d’une arme sol-sol jugée plus précise que les systèmes air-sol. L’US Army estime que les bombes FAE constituent le premier système de déminage valable mis au point depuis la deuxième guerre mondiale.
L’Air Force enfin travaille sur une deuxième génération de FAE utilisable par les avions rapides. Elle estime qu’elle en aura terminé la mise au point d’ici à la fin 1973.
Les recherches et les essais portent en particulier sur les points suivants :
– Les carburants utilisés : ce sont soit des mélanges nécessitant une pressurisation du container (méthylacétylène-propadiene-propane) soit des mélanges ne nécessitant pas de pressurisation (propylène-oxyde) dont les performances de détonabilité sont différentes.
– Les détonateurs qui doivent rester efficaces après un impact à plus de 200 m/s.
– Le retard de mise à feu, le but étant de permettre la meilleure dispersion du nuage ; le retard a pu être porté de 125 millisecondes à 3 ou 4 secondes.
– La sécurité de fonctionnement, tant pendant les opérations de maintenance que de transport au sol ou en vol, et la sûreté de fonctionnement par toutes températures et quelle que soit la nature de l’objectif (fleuves, marais, forêts…).
Le Département de la défense et les responsables des armées estiment que les possibilités de cette nouvelle arme sont loin d’avoir été entièrement explorées. Les explosifs à carburant atomisé ouvrent un large champ d’application pour l’augmentation des effets de souffle tout en permettant de réduire le poids des armes. Ils peuvent trouver leur application dans de nombreux autres domaines, être utilisés dans l’espace à l’aide d’engins. Enfin, la possibilité de « tir en retrait » (stand-off capability) peut s’appliquer aux armes utilisant ce principe. ♦