La démocratie à l’anglaise
Dans cette thèse Mme Chariot, maître de conférences à La Sorbonne, voulait étudier les campagnes électorales en Grande-Bretagne depuis 1931. En fin de compte, elle a décrit et cherché à expliquer une certaine pratique de la démocratie. En traitant des élections à la Chambre des Communes, en effet, elle a vu se poser tous les problèmes de la démocratie. L’inégalité des ressources politiques dont disposent candidats et partis apparaît sous ses multiples formes : le privilège qu’a le chef du parti au pouvoir de choisir le moment où chaque camp comptera ses électeurs, les moyens financiers médiocres et le faible crédit dont jouissent les petits partis par rapport aux deux grands, les atouts complémentaires que donne au candidat une solide organisation de parti, etc.
Mme Chariot souligne également la relativité du pouvoir politique face à l’intervention de la grande presse, de la radio et de la télévision, face au soutien, à l’hostilité ou à la pression des intérêts organisés, qu’il s’agisse du monde des affaires, du monde du travail ou de ces multiples groupements volontaires qui vont de la « Société pour la défense du dimanche » au « Mouvement pour le désarmement nucléaire ». Au lieu de partis et de candidats, elle a trouvé des groupes révolutionnaires condamnés à pactiser avec la démocratie britannique ou à disparaître, de grands partis conduits à se rapprocher sans se confondre, des hommes, des organisations qui s’empruntent les recettes de l’efficacité électorale, qui adaptent leurs objectifs et leur image à des enjeux politiques et à un monde changeants. Il y a en outre un état d’esprit. Les candidats battus croient encore plus dans les élections libres que les élus. Ceux-là mêmes que la publication des sondages préélectoraux peut sembler avoir défavorisés refusent de l’interdire au nom de la liberté d’information. La Grande-Bretagne, assurait déjà Disraeli, « n’est pas gouvernée par l’esprit logique, mais par le Parlement ».
Mme Chariot n’a fait ni l’apologie, ni la critique de ce système, elle a simplement essayé d’en montrer la cohérence et la force. L’objectivité avec laquelle elle étudie le rôle des petits partis ou le bipartisme, le déroulement des campagnes électorales, fait de son livre un précieux instrument de connaissance et de compréhension. Elle précise elle-même : « Nous avons renoncé à défendre une thèse. Le jeu intellectuel de la thèse et de l’antithèse a ses charmes, mais il sied mal à la recherche scientifique ». ♦