Institutions internationales - Les difficultés de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) - Premier ébranlement du statu quo monétaire - Détente Communauté économique européenne (CEE)–États-Unis - La nouvelle charte atlantique
Quelle que soit la versatilité des foules, l’accueil réservé à M. Nixon au Moyen-Orient est un événement considérable. Les Égyptiens, les Saoudiens, les Jordaniens, les Israéliens et, bien que dans une moindre mesure, les Syriens ont rivalisé d’ardeur pour réserver au président des États-Unis un accueil qui, par sa chaleur, a pris une signification politique. Les dirigeants israéliens n’ont fait aucune allusion aux ventes d’armements à divers pays arabes. De même, au Caire, à Ryad à Damas et à Amman, les dirigeants se sont comportés comme si les États-Unis n’étaient pas le principal bienfaiteur d’Israël, comme s’ils n’avaient pas fourni l’armement, les fonds et le soutien diplomatique qui ont permis au gouvernement de Jérusalem de survivre, alors que son droit à l’existence était nié par les États arabes. Sans doute M. Nixon pouvait-il apporter à ses interlocuteurs des appuis financiers considérables. Mais ce serait réduire la portée de son voyage que d’en lier les résultats à l’octroi de dollars ou à la vente d’armes. Alors que l’implantation soviétique en Méditerranée paraissait devoir être considérée comme une des pièces maîtresses du jeu diplomatique, on parle aujourd’hui d’une « pax americana » dans cette région, ce qui postule que l’on considère comme acquis le renversement de la situation ouverte par la visite de M. Chepilov à Nasser en juillet 1955 et par le refus américain de financer le barrage d’Assouan l’année suivante. Il est certain que les États-Unis ont brusquement inversé les rapports de force, et qu’ils voudraient obtenir qu’un règlement des relations israélo-arabes permette une stabilisation durable. Mais ils ne rendront pas vie à la convention de Montreux, et même si les résultats du voyage de M. Nixon se révèlent durables, il est d’ores et déjà acquis que l’Union soviétique a réglé à son avantage la question des Détroits.
À la veille de ses entretiens avec M. Brejnev, le président Nixon avait ainsi remporté un incontestable succès diplomatique, lequel se trouvait au surplus amplifié par la signature, à Bruxelles, de la nouvelle « charte atlantique » sur le principe et les termes de laquelle les discussions se poursuivaient depuis plusieurs mois. En arrivant à Moscou, le président Nixon se présentait en tant que responsable du « partenaire-adversaire » de l’Union soviétique (la formule est de M. Raymond Aron) et, bien qu’il n’ait été investi d’aucune mission à cet égard, comme leader des Occidentaux. On retrouvait ainsi une des difficultés que doivent surmonter les États-Unis : ils doivent concilier leurs relations avec l’Union soviétique et leurs responsabilités au sein de l’alliance atlantique. Leurs alliés, eux, doivent affirmer leur autonomie diplomatique tout en reconnaissant qu’ils dépendent presque complètement des forces américaines pour leur sécurité. L’âpreté de certaines discussions interatlantiques résulte de l’enchevêtrement d’engagements et d’espérances qui, s’ils ne sont pas antinomiques, s’avèrent parfois difficiles à harmoniser.
Les difficultés de l’Organisation des pays producteurs de pétrole (Opep)
Cette harmonisation avait été rendue plus ardue par la crise du pétrole, les États-Unis et leurs alliés n’ayant pas réagi de la même manière. À cet égard, la dernière réunion de l’Opep, l’« Organisation des pays producteurs de pétrole », qui s’est tenue à Quito en juin, mérite attention : rien ne va plus entre l’Arabie saoudite et les douze autres membres de l’Organisation. L’Arabie, plus gros producteur de pétrole du monde arabe (400 millions de tonnes) a refusé de s’aligner sur ceux (Algérie, Libye, Irak et Iran) qui demandaient une augmentation du prix pour compenser les effets de l’inflation mondiale et la limitation des bénéfices des sociétés pétrolières. Producteurs et pays consommateurs sont directement concernés par la restriction des bénéfices des compagnies. Les premiers désirent que le taux de l’impôt qu’ils perçoivent sur le prix affiché payé par les compagnies passe de 55 à 87 %. Les seconds veulent éviter que les sociétés, amputées d’une partie de leurs bénéfices à la production, ne se rattrapent à la consommation en augmentant le prix de vente.
Territoire de 2 M de km2, peuplé seulement de 7 M d’habitants, le royaume saoudien n’est pas en mesure d’absorber les quelque 2 milliards de dollars par mois qu’il reçoit de ses ventes pétrolières, même s’il intensifie son développement économique. Il lui faut donc placer ses capitaux dans des investissements rentables, c’est-à-dire dans des pays industrialisés stables politiquement et économiquement. Or, cette stabilité dépend d’un équilibre financier international qui ne pourra être maintenu que si les prix de l’énergie demeurent « raisonnables ». Au surplus, l’Arabie a misé sur les États-Unis, qui demeureront le premier importateur mondial de brut au cours de la prochaine décennie. Avec des réserves prouvées de 20 Md de tonnes, elle est le seul pays qui puisse actuellement suivre la croissance de la consommation mondiale et approvisionner abondamment les États-Unis. En outre ceux-ci, qui avaient en un temps intérêt à voir quadrupler le prix du pétrole importé (car il diminuait d’autant la compétitivité des économies européennes tout en favorisant les producteurs texans) redoutent un prix du brut qui dépasse 10 dollars le baril : ils ne veulent pas que la hausse du brut provoque un embrasement économique mondial. Intérêts américains et saoudiens se rejoignent. C’est pourquoi le Cheikh Yamani, ministre saoudien du pétrole, a tenté à Quito de convaincre ses partenaires de l’Opep de réduire les prix, de 11,65 $ le baril à 9 ou 9,50. Cette proposition a été rejetée par les pays producteurs qui ont besoin de ressources financières pour se développer rapidement en raison de la pression démographique, l’Algérie et l’Iran notamment. Si l’Irak est par tradition partie prenante à toute coalition anti-saoudienne, sa politique de nationalisation lui impose des investissements considérables. Quant à la Libye, elle s’est ralliée aux opposants pour des raisons économiques différentes : ses réserves sont faibles (5 Md de tonnes) et ses coffres sont pleins, d’où son désir de ménager son avenir et de stabiliser ses revenus en restreignant sa production mais en la vendant plus cher. Le Venezuela est dans une position analogue : au rythme actuel de ses exportations (180 M de t par an) ses réserves prouvées (2 Md de t) seront vite épuisées. Finalement, c’est un compromis qui l’a emporté à Quito : les prix du pétrole demeureront stables pendant trois mois encore. Mais après ? L’Arabie saoudite a la possibilité d’augmenter ou de réduire la production de 100 M de t/an, de faire ainsi bondir les prix ou les freiner. Mais que peut-elle faire contre la campagne politique engagée par le Shah d’Iran lui-même, ou le secrétaire général de l’Opep, Lamine Khene, sur les profits des compagnies ? C’est par ce biais que les pays producteurs de pétrole comptent accroître leurs revenus. Le taux de fiscalité n’a été augmenté que de 2 %. À la veille de la conférence de Quito, M. Simonet, vice-président de la Commission des Communautés européennes, avait adressé au secrétaire général de 1’Opep une lettre de mise en garde : « Il en coûterait une augmentation de 1,20 $ par baril en Europe si le taux de fiscalité passait de 55 % à 87 % du prix affiché. Cette charge supplémentaire affecterait encore la situation économique des États consommateurs. Ceux-ci ont déjà toutes les peines du monde à boucher l’énorme trou que représentent les importations pétrolières dans leurs balances des paiements ». En définitive, l’Opep, parce que l’Arabie saoudite s’y est opposée, n’a pas voulu prendre la responsabilité d’aggraver les difficultés des pays industrialisés. Mais qui l’emportera finalement, des « raisonnables » ou des maximalistes ? La question reste posée.
Premier ébranlement du statu quo monétaire
Le 12 juin 1974 à Washington, les ministres des Finances des « Dix » ont pris une décision qui ouvre une brèche dans le statu quo monétaire : les banques centrales pourront réévaluer leur or pour gager leurs emprunts et payer leurs dettes. Dans l’immédiat, cet accord permet aux pays consommateurs de pétrole de régler leurs soldes débiteurs au moyen d’emprunts garantis par leurs réserves d’or, dont la valeur « d’usage » s’est trouvée presque quadruplée. Le premier bénéficiaire en est l’Italie, au bord de la faillite, avec sa balance commerciale tragiquement déficitaire, ses dix milliards de dollars d’emprunts en deux ans et l’épuisement total de son crédit auprès des prêteurs internationaux : l’encaisse-or italienne a été « dégelée » et portée de 3,5 à 13 Md de $. Mais les principaux problèmes posés par cette décision se posent au-delà de la conjoncture. La résistance des États-Unis à tout ce qui pouvait paraître valoriser le rôle de l’or empêchait depuis des années d’abandonner la fiction du prix « officiel » de 42,22 $ l’once, quand bien même ceux qui souhaitaient ne pas écarter l’or du dispositif rénové de système monétaire international étaient prêts à donner des assurances aux Américains. La crise pétrolière et ses conséquences ont dégelé les positions. À Zeist, le 23 avril, les Neuf ont accepté une position commune sur la nécessité de mobiliser les réserves d’or des banques centrales en autorisant les instituts d’émission à échanger l’or pour solder à un prix réaliste leurs balances et à acheter ou à vendre de l’or. Les États-Unis mirent six semaines pour se rallier à une formule qui revalorise l’or tout en semblant le démonétiser. Le compromis de Washington est en effet ambigu. Il s’agit simplement de mobiliser un gage à un prix variable, mais dérivé du marché. De plus, les banques centrales ne peuvent opérer de transactions entre elles, sauf pour réaliser le gage si l’emprunteur est défaillant, elles ne doivent pas non plus intervenir sur le marché libre. Il reste qu’en dépit de ces restrictions, c’est un pan de la théorie américaine qui s’est effondré. C’est une victoire pour les adversaires des parités fixes, pour les partisans des changes flottants. Sans doute les États-Unis ont-ils obtenu simultanément que les Droits de tirage spéciaux, les DTS, cette « monnaie-papier » dont le rôle va croissant dans les liquidités internationales, soient détachés de l’or et rattachés à un ensemble de monnaies dans lequel le dollar joue un rôle prépondérant. Mais ce fait n’efface pas l’autre, et l’inflation mondiale ne pourra qu’élargir la brèche pratiquée au bénéfice de l’or. Mais cet accord de Washington aggrave la situation des pays en voie de développement dépourvus d’or, qui regardent maintenant vers le Fonds monétaire international (FMI), en espérant que son conseil d’administration proposera les mesures susceptibles d’éviter qu’ils soient victimes de l’accord des pays riches. Par la voix de M. Ismaël Mahroug, ministre algérien des Finances, ils ont présenté leurs exigences en quatre points :
– réalisation d’un lien entre l’aide aux pays pauvres et les DST ;
– représentation plus importante de ces pays au sein du FMI ;
– création d’un comité destiné à contrôler les transferts de ressources réelles (qui ne cessent de diminuer) aux pays pauvres ;
– « facilités élargies » accordées par le FMI à ces pays pour aider au règlement des paiements extérieurs.
Détente Communauté économique européenne (CEE)–États-Unis
À quelques jours de cet accord, et après un an de discussions, les Neuf ont accédé à la plupart des exigences commerciales présentées par Washington à la suite de l’élargissement de la Communauté économique européenne. La portée politique des concessions européennes dépasse leur contenu économique.
Dans ses grandes lignes, l’accord entre la CEE et les pays tiers prévoit une réduction de 2 à 3 % des tarifs douaniers sur une quarantaine de produits. Ce geste de bonne volonté vis-à-vis des États-Unis (mais aussi du Canada et de l’Australie) se traduira pour la CEE par une perte de recette douanière de 150 M de francs par an. Pour certains membres de la Communauté, le volume de leurs exportations se ressentira d’une concurrence plus sévère des produits américains. En France, par exemple, c’est l’industrie du papier kraft qui sera la plus touchée. Première exportatrice de ce produit de la Communauté, elle expédie le quart de sa production (80 000 t) vers la RFA et la Belgique. Désormais, elle va, sur ces marchés, se trouver en compétition avec l’industrie américaine. De la même façon l’Italie, gros producteur de moteurs marins, subira le contrecoup de l’abaissement tarifaire sur le matériel américain. Enfin, pour les pays méditerranéens associés à la CEE, l’accord aura des conséquences non négligeables : les agrumes du Maroc et de la Tunisie vont se trouver en concurrence directe avec ceux de la Californie. La brèche créée dans le dispositif de protection extérieure du Marché commun n’est certes pas gigantesque mais elle intervient au moment où l’économie européenne est particulièrement vulnérable, et certains se demandent si ce moment, précisément, a été bien choisi. La Belgique, notamment, a fait savoir qu’elle considérait les concessions accordées comme dangereuses et exagérées d’autant plus qu’elles ne s’arrêteront pas là, les États-Unis n’ayant d’ailleurs pas caché qu’ils espéraient obtenir d’ici peu de nouvelles compensations tarifaires sur les échanges de céréales.
Pourquoi ces concessions européennes ? Il semble que ce soit la volonté de détendre le climat entre la CEE et les États-Unis qui ait dicté la conduite des représentants européens. Cette volonté ne s’est d’ailleurs pas démentie : une semaine après la conclusion de l’accord commercial, le problème des consultations entre l’Europe et les États-Unis a trouvé sa solution. Les ministres des Affaires étrangères des Neuf, réunis à Bonn le 12 juin, ont décidé que vis-à-vis de Washington, des consultations « souples et amicales » seraient engagées chaque fois qu’un sujet communautaire pourrait avoir des incidences sur les relations interatlantiques. C’est que chaque jour davantage, les Neuf comprennent qu’ils ne pourront pas venir à bout seuls de leurs problèmes économiques. Toutes les mesures envisagées pour rétablir l’équilibre financier et commercial des nations déficitaires nécessitent le concours des États-Unis. L’accord sur l’or en donne une preuve. On peut en trouver un autre exemple dans le recyclage des pétrodollars. Pour bénéficier de ce ballon d’oxygène, l’Europe devra ménager les États-Unis, car les capitaux arabes sont plus attirés par les places financières américaines qu’européennes. Depuis début juin – et pour la première fois depuis le début de la crise pétrolière – des banques new-yorkaises obtiennent des prêts à moyen terme – 5 ans – au taux de 9 %, alors que l’Italie se voit refuser systématiquement tout prêt, même à très court terme. Malgré l’ouverture d’un dialogue euro-arabe, les Neuf devront composer avec les États-Unis pour résoudre leurs problèmes pétroliers : l’avenir de l’Europe, du moins dans l’immédiat, se dessine à Dix plutôt qu’à Neuf.
À la veille de l’arrivée au Caire du président Nixon, les Neuf ont décidé d’engager un dialogue avec les pays arabes : plus précisément avec les vingt pays membres de la Ligue arabe. « La décision a été prise par les Neuf – déclare un aide-mémoire officiel – d’engager officiellement la procédure permettant d’ouvrir le dialogue qui peut conduire à une conférence pour définir les conditions d’une coopération aussi large que possible entre les pays arabes et l’Europe des Neuf ». Cet aide-mémoire rappelle que les Neuf ont pris note des vœux exprimés par une délégation des pays arabes lors de la Conférence de Copenhague les 14 et 15 décembre 1973, d’organiser la coopération européo-arabe dans tous les domaines, économique, technique et culturel. Lorsque la perspective d’un accord se dessinera, une conférence des ministres des Affaires étrangères euro-arabes serait convoquée. En arrivera-t-on là ? Beaucoup sont sceptiques, surtout parce que, face aux problèmes pétroliers, les États-Unis souhaiteraient rester les seuls interlocuteurs des pays producteurs.
La nouvelle charte atlantique
La brutalité avec laquelle le « fait énergétique » a perturbé les relations internationales explique sans doute certaines réticences des Européens devant cette conception que les États-Unis ont des rapports interatlantiques. La nouvelle « charte atlantique » suggérée par M. Henry Kissinger, et qui était en discussion depuis plusieurs semaines, n’en a pas moins été signée, à l’occasion de la session ministérielle de printemps du Conseil de l’Atlantique Nord, qui s’est tenue à Ottawa les 17 et 18 juin. Jusqu’à l’ouverture de cette réunion, les États-Unis et la France s’en tenaient à des positions assez sensiblement différentes quant à la place à attribuer aux consultations entre alliés. La France souhaitait que le principe de ces consultations fût proclamé, mais elle refusait qu’elles fussent définies comme une obligation juridique. Les États-Unis pensaient au contraire qu’elles ne pouvaient répondre à ce que l’on attend d’elles que si elles avaient un caractère obligatoire. Selon M. Sauvagnargues, ministère des Affaires étrangères, il s’agissait de faire supprimer du texte d’origine britannique le terme « s’engager a… » : à partir de cette notion, en effet, il pouvait y avoir consultation automatique à propos de n’importe quel sujet, ce qui donnait pouvoir à n’importe qui de s’immiscer dans les affaires de tout le monde, et notamment aux États-Unis d’avoir un droit de regard sur les problèmes spécifiquement européens. M. Kissinger s’est rangé au point de vue français dans les termes suivants : « La consultation n’est pas une obligation liant juridiquement les pays membres ». Selon lui, le texte à adopter devait symboliser « l’esprit de coopération entre alliés ». Il ajouta : « Nous n’aurons pas besoin de nous reporter à ce texte comme à une référence juridique obligatoire. Les États-Unis, pour leur part, respecteront la règle de la consultation non pas parce qu’elle est inscrite dans la déclaration, mais parce que l’esprit de coopération aura prévalu au sein de l’Alliance ». Dès lors, il ne restait aux ministres français et américain qu’à trouver la formule de compromis.
Cette déclaration fait une place assez large aux problèmes spécifiques de l’Europe. C’est ainsi qu’elle admet qu’en vertu de l’évolution de la vulnérabilité des divers membres de l’Alliance, les problèmes de défense de l’Europe ont revêtu un caractère nouveau :
« Les rapports stratégiques entre les États-Unis et l’Union soviétique ont atteint une situation de quasi-équilibre. De ce fait, bien que tous les pays de l’Alliance restent vulnérables à une attaque, la nature du danger auquel ils sont exposés a évolué. En conséquence, les problèmes que pose à l’Alliance la défense de l’Europe ont revêtu un caractère différent et plus spécifique ».
Pour la première fois dans un document multilatéral signé par les États-Unis, un hommage est rendu aux forces nucléaires françaises et britanniques :
« Les pays européens fournissent les trois quarts du potentiel classique de l’alliance en Europe, et deux d’entre eux disposent de forces nucléaires en mesure de jouer un rôle dissuasif propre, contribuant au renforcement global de la dissuasion de l’Alliance ».
La France a obtenu que mention soit faite de l’importance du maintien de forces américaines en Europe :
« Tous les membres de l’alliance sont convaincus que la présence continue de forces canadiennes et de forces substantielles américaines en Europe joue un rôle irremplaçable pour la propre défense de l’Amérique du Nord aussi bien que pour celle de l’Europe. De manière analogue, les forces substantielles des alliés européens servent à défendre l’Europe de même que l’Amérique du Nord ».
Enfin, autre point important, celui des consultations, les alliés ont repris à leur compte une des idées que Paul-Henri Spaak s’efforça de concrétiser lorsqu’il était secrétaire général de l’Otan, la consultation systématique en tant que facteur de détermination des politiques nationales :
« …ils (les alliés) sont fermement résolus à se tenir pleinement informés et à renforcer la pratique de consultations franches et en temps opportun, par tous les moyens qui pourraient être appropriés, sur les questions touchant leurs intérêts communs en tant que membres de l’Alliance, en tenant compte de ce que ceux-ci peuvent être influencés par des événements survenant dans d’autres parties du monde ».
Cette « charte atlantique » ne doit pas être rapprochée du traité de Washington qui, le 4 avril 1949, créa l’Alliance atlantique, traité qui n’était qu’une déclaration d’intention. Elle peut, par contre, l’être du « rapport des trois Sages » (MM. Lange, Martino, Pearson) que le Conseil atlantique adopta en décembre 1956 : nécessité de la consultation, souci de ce qui est extérieur au champ géographique de l’Alliance, préoccupation des questions économiques, etc. Ce texte a été signé le 26 juin à Bruxelles par le président Nixon et les chefs de gouvernement des autres pays membres. Il a le mérite d’actualiser les obligations morales et politiques des membres de l’Alliance tout en tenant compte de faits aussi importants que l’existence de forces nucléaires non-américaines ou que la spécificité européenne. Reste à savoir quel usage en sera fait. La réponse dépend des gouvernements, c’est-à-dire des hommes. ♦