Aéronautique - Le onzième concours d'armes tactiques des Forces alliées en Europe - Un important effort de promotion commerciale - L'industrie aéronautique française et l'aviation générale
Le 11e concours d’armes tactiques des forces alliées en Europe
Les monoplaces de combat Mirage 5 de la 13e Escadre de chasse, basée à Colmar, ont participé au 11e concours d’armes tactiques de l’Otan (Tactical Weapons Meet) qui opposait les 2e et 4e Forces aériennes tactiques alliées (2e et 4e ATAF), composées chacune de 4 équipes, et l’équipe française. On sait que s’ils emportent une électronique simplifiée, les Mirage 5 sont par contre dotés d’un armement extrêmement puissant ainsi que d’une réserve en carburant augmentant considérablement leur rayon d’action.
Les appareils alliés engagés étaient des Lockheed F-104 Starfighter, Northrop NF-5 Freedom Fighter et McDonnell Douglas F-4 Phantom II des forces aériennes anglaises, belges, allemandes, hollandaises, américaines et canadiennes.
Les épreuves du concours ont eu lieu à partir du 27 mai 1974. Les deux premières journées ont été consacrées aux épreuves tactiques, pour lesquelles l’équipe française a obtenu la deuxième place devant l’équipe britannique.
Les épreuves d’attaque classique ont été remportées par l’équipe hollandaise, suivie de près par l’équipe de la 13e Escadre de chasse. Avec deux places de second, celle-ci a donc brillamment défendu les couleurs françaises. L’étude des résultats montre que les pilotes français ont fait jeu égal dans les missions de tir et surclassé leurs adversaires en navigation. Ceci prouve que notre Force aérienne tactique (Fatac) peut se comparer sans complexe aux Forces aériennes tactiques étrangères.
Un important effort de promotion commerciale
L’orientation vers les programmes civils donnée ces dernières années à l’industrie aéronautique française peut surprendre quand on sait les succès remportés par les programmes militaires et la part importante qu’ils ont prise dans le développement de ce secteur de l’économie.
En fait, cette orientation ne met nullement en cause les activités aéronautiques militaires. Elle entend seulement élargir le champ d’action de notre industrie dont la place éminente sur les marchés internationaux s’affirme chaque jour davantage grâce aux réalisations marquantes de ces dernières années tant sur le plan militaire, avec la série des Mirage notamment, que sur le plan civil, avec Caravelle par exemple.
Deux types de programmes civils – dont certains résultent d’une coopération entre pays européens – ont été développés. L’un est représenté par les trois opérations majeures que sont Concorde, Airbus et Mercure, l’autre, par des appareils de tonnages moins importants mais dont les perspectives commerciales sont particulièrement intéressantes : la série des Falcon-Mystère et la Corvette.
Les remarquables qualités de ces appareils – dont les caractéristiques techniques sont trop connues pour être rappelées dans cette chronique – ont été largement mises en lumière au cours des essais. Il restait donc à mieux les faire connaître de par le monde.
L’effort de promotion commerciale entrepris aux mois de mai et juin derniers est suffisamment significatif pour être signalé.
Le 27 mai, Concorde 02 décollait de l’aéroport Charles-de-Gaulle pour une série de vols entre Paris et Rio de Janeiro via Dakar. Le voyage, long de 9 600 km, était effectué en 6 heures 10 de vol dont 5 h 18 en supersonique avec une escale technique de moins de 55 minutes à Dakar. Ce vol devait être répété chaque jour dans le sens Paris-Rio ou Rio-Paris jusqu’au 3 juin, puis l’appareil assurait dans la même journée la liaison Paris-Rio-Paris mettant ainsi en valeur les capacités de l’avion de transport supersonique et son aptitude à s’insérer dans une exploitation sur les lignes internationales.
Pendant la même période, Airbus effectuait une série de vols de démonstration en Nouvelle-Zélande et en Australie où il faisait la preuve de ses qualités d’avion à grande capacité, conçu spécifiquement pour le marché court–moyen-courrier. Après une présentation à Djakarta, il devait s’envoler pour l’Extrême-Orient, l’Asie du Sud-Est et le Moyen-Orient. Entre-temps un appareil aux couleurs de la compagnie nationale effectuait son premier vol commercial entre Paris et Londres.
Pour sa part le Falcon 10 se lançait aux États-Unis dans un programme d’endurance qui a pour but de démontrer la tenue de l’appareil en exploitation. Parallèlement, un appareil de même type entreprenait une tournée de démonstrations en Amérique du Sud.
Corvette enfin, dont il faut souligner les résultats intéressants obtenus aux essais en matière d’économie de carburant puisque la consommation ne dépasse que de peu 7 litres aux 100 kilomètres par siège-passager alors qu’elle se situe aux environs de 17 L pour les avions équipés de réacteurs 1re génération et qu’elle s’abaisse à peine à 14 L pour ceux de la deuxième génération, partait également pour les États-Unis en empruntant un itinéraire aller qui devait le conduire successivement à Keflavik, Goosebay et Montréal.
L’intense activité ainsi déployée un peu partout dans le monde témoigne du souci de notre industrie aéronautique de faire entrer dans la phase de promotion commerciale les programmes qu’elle a développés.
L’effort entrepris veut être à la mesure de la concurrence à laquelle se livrent les pays producteurs notamment les États-Unis dont on sait qu’ils occupent une place majeure sur le marché civil puisque sur les quelque 4 000 appareils en utilisation dans les compagnies aériennes, membres de l’IATA (International Air Transport Association), plus de 3 000 sont de construction américaine.
L’industrie aéronautique française et l’aviation générale
Le vocable « Aviation générale » qui est la traduction du terme anglais General Aviation, désigne toutes les flottes aériennes autres que celles du transport aérien commercial ponctuel et les flottes militaires de l’Armée de l’air, de l’Aéronautique navale et de l’Aviation légère de l’Armée de terre (Alat).
Entre les ruinées 1945 et 1960, la flotte des avions légers français n’était pratiquement composée que d’avions monomoteurs, bi- ou quadriplaces, ou bimoteurs légers, utilisés en presque totalité par des pilotes privés pour le tourisme ou par des sociétés de travail aérien (dont quelques sociétés d’avions-taxis). Les avions légers de tourisme et de sport constituaient alors une aviation dite de « tours de pistes », les voyages aériens n’étant pratiqués que par quelques rares propriétaires passionnés.
L’élan de création, remarqué dès la fin de la Seconde Guerre mondiale chez les grands constructeurs, n’eut pas de suite, freiné par un marché qui était encore trop étroit compte tenu des possibilités de construction dans l’industrie. La relève fut assurée par l’industrie artisanale qui créa des avions simples, généralement construits en bois et toile, peu coûteux à l’achat et surtout à l’utilisation. Parmi ces avions, ceux de la famille Jodel (Joly-Delemontez) se distinguèrent très rapidement par leur qualité de vol. Leur licence de construction fut acquise par plusieurs sociétés, Jodel n’étant en fait qu’un bureau d’études sans moyens de production de série.
À partir de 1960, une première mutation se fit chez ces constructeurs qui, devant le succès de leurs productions, passèrent lentement du stade artisanal à celui de l’industrie.
Beaucoup de ces constructeurs disparurent au cours de cette mutation et, finalement, seules les Sociétés Centre Est Aéronautique (devenue Avions Pierre Robin) et Wassmer, continuèrent à produire en série des avions et des planeurs, tout en développant leur infrastructure industrielle et leur organisation commerciale. Actuellement, en plus de ces deux constructeurs, plusieurs petites sociétés entretiennent un bureau d’études mais ont une production d’avions limitée. Une mention particulière doit être faite pour la CAARP (avions A. Mudry) plus spécialisée dans l’étude des avions de voltige aérienne (entraînement et compétition) qu’elle produit en petite série.
En un peu moins de quinze années, 3 000 avions bi-, tri- ou quadri-places, généralement construits en bois, ont été produits à des cadences de 10 à 15 unités par mois. Actuellement, ce matériel a évolué, sa construction fait appel en grande partie au métal et au plastique, les performances et qualités de vol se sont améliorées, ce qui fait que les avions sont devenus plus rapides, mais également plus fiables et plus sûrs. En même temps, l’industrie des Équipements se penchait sur la création de matériels mieux adaptés, aux possibilités plus étendues, permettant le voyage aérien. Évidemment, cette évolution fut ressentie également chez les constructeurs plus importants. Le nouvel élan dans la grande industrie fut donné avec le lancement de la famille Rallye dont la construction en série dans l’usine de Tarbes-Ossun passa successivement sous le contrôle de Morane-Saulnier, de Potez, puis à la Socata (division de la Société Aérospatiale). Reims Aviation signait en même temps des accords avec CESSNA qui lui accordait, la licence de construction d’un certain nombre de ses avions de base afin de satisfaire le marché européen.
Pour un certain nombre de raisons, l’industrie aéronautique nationale ne s’est pas consacrée à la réalisation des bi-moteurs conventionnels, à l’exception de Reims Aviation qui, avec le CESSNA 337, hérita d’un avion déjà existant aux États-Unis. Par contre, dans le haut de gamme, notre industrie a su créer des biréacteurs particulièrement réussis. À partir de 1960 Dassault créa le Mystère 20 qui est commercialisé par la Panam sous le nom Falcon 20 et dont plus de 300 ont été commandés, et plus récemment le Mystère 10, commandé également sur le marché international avec un succès égal à celui du Mystère 20. La Société Aérospatiale, pour sa part, a lancé en série Corvette, également biréacteur, dont les premières commandes ont été enregistrées en 1973 à la fois pour les marchés américains et européens (191 exemplaires ont été commandés en 1973).
La gamme française proposée également sur le marché international est donc relativement complète puisqu’elle va de l’avion de sport et de voltige jusqu’aux biréacteurs d’affaires. Si le marché nord-américain a connu un essor très important, les autres marchés du monde et en particulier celui de l’Europe connaissent maintenant également un large taux de progression de l’aviation générale. Encore convient-il de distinguer l’expansion très rapide (plus de 10 %) de la véritable aviation d’affaires de celle des avions de tourisme et d’aéro-clubs. Pour la première, elle affirme d’année en année son utilité dans l’activité des sociétés appelées à avoir une dimension internationale au sein de l’Europe qui constitue lentement son unité. Pour la seconde, un certain nombre d’éléments moteurs (voyages plus rapides, alliant souvent l’utile à l’agréable, etc.) lui donne une expansion moins importante certes, mais non négligeable.
Les constructeurs français, grâce à une politique prudente et rationnelle, satisfont une grande partie de la flotte nationale, mais il va sans dire que les exportations sont une nécessité dans l’équilibre de leurs plans de charge. Pour certains d’entre eux ce sont près de 60 % de leur production d’avions de tourisme et d’école qui sont promis aux marchés extérieurs. De leur côté les biréacteurs de Dassault et de la Société Aérospatiale sont exportés à 80 %.
Si notre production d’avions est très riche avec la gamme proposée, il n’en va pas de même pour les propulseurs classiques. Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, les constructeurs ont, peu à peu, abandonné l’étude des moteurs à pistons de petites puissances (100 à 400 CV) malgré une tentative de la Société Potez qui n’eut pas de lendemain. Turbomeca, par contre, a donné le ton, il y a vingt ans, avec ses turbomoteurs de petites et moyennes puissances dont le succès à l’exportation est spectaculaire. Ces turbomoteurs amènent à parler tout naturellement des hélicoptères de la Société Aérospatiale qu’ils équipent en totalité. L’hélicoptère est un véhicule qui commence à faire une entrée discrète dans la flotte de l’aviation générale, plusieurs dizaines d’appareils sont utilisés en France par des propriétaires privés ou par des sociétés. L’Alouette sous toutes ses formes et la Gazelle, par exemple, comptent dans leur clientèle des hommes d’affaires séduits par les possibilités exceptionnelles qu’offre un hélicoptère pour certaines activités comme les liaisons rapides depuis des plates-formes aménagées souvent au centre d’installations industrielles.
L’industrie des équipements n’est pas restée étrangère à l’évolution de l’aviation générale. Elle s’est penchée sur la création d’équipements de radionavigation, de pilotage, adaptés à l’aviation privée qui permettent maintenant aux avions de voyager plus vite, plus loin et en toute sécurité.
VHF, radiocompas, VOR (VHF Omnidirectional Range), transporteurs, instruments de Vol sans visibilité (VSV), sont au nombre des équipements qui ont évolué en même temps que les avions ; la simplicité, la fiabilité, des prix mieux adaptés, de nouvelles conditions d’homologation sont au nombre des qualités de base recherchées par les constructeurs. L’exportation est également un élément important dans l’évolution de cette branche de l’industrie. L’instrument embarqué est souvent tributaire de l’équipement installé au sol. Cette dernière catégorie se développe donc également. Le territoire français s’enrichit chaque année de balises radioélectriques capables de diriger les avions en toute sécurité. Les équipements enfin sont nécessaires aux 350 aérodromes ouverts en France à la circulation aérienne, en fonction de leur catégorie, de l’importance et du type de leur trafic. Balisages, rampes d’approche, systèmes d’atterrissages, radars légers mobiles, figurent dans le catalogue des fabricants d’équipements. Les collectivités régionales, groupements d’industriels, Chambres de Commerce, etc. créent maintenant des aérodromes capables d’attirer le trafic international et, dans un autre domaine, l’exemple de nouvelles implantations industrielles dont le plan de masse comporte une piste n’est plus rare.
Ainsi s’impose cette aviation générale, devenue un élément d’accélération dans la vie économique et industrielle de la France. Si sa part est encore très faible dans l’ensemble des activités de l’industrie aéronautique et spatiale, son taux d’expansion en augmentation constante prouve une progression raisonnable vers la maturité. ♦