Défense en France - Nouvelles attributions du Chef d'état-major des armées - Création de postes de conseiller de défense - Le général Lagarde, chef d'état-major de l'Armée de terre - Relèvement du prêt des appelés et améliorations des conditions du service - Les projets du général Bigeard
Dans une conférence de presse donnée à l’issue du Conseil des ministres du 4 mars 1975, le ministre de la Défense, M. Yvon Bourges, et son secrétaire d’État, le général Bigeard, ont donné connaissance des décisions concernant les armées et le commandement qui venaient d’être adoptées par le gouvernement. Il s’agit, a dit le ministre, d’une première série de mesures faisant partie d’un plan d’ensemble qui sera mis en œuvre dans les prochains mois. Elles portent sur l’organisation du commandement, la condition militaire et l’exécution du service national.
Nouvelles attributions du Chef d’état-major des armées (Céma)
En ce qui concerne l’organisation du commandement, le Conseil des ministres a adopté les termes d’un décret modifiant les attributions du Céma. Les pouvoirs de cet officier général, appelé en temps de guerre ou de crise à devenir chef d’état-major général et commandant en chef, seront élargis dès le temps de paix. Jusqu’ici son rôle se bornait à étudier les hypothèses d’emploi des forces armées et à présenter au gouvernement les plans pour y faire face. Cependant, les chefs d’états-majors étaient seuls responsables par-devers le ministre de l’organisation et de la préparation des forces de leurs armées respectives : terre, marine et air. Seul, le ministre pouvait présider le Comité des chefs d’état-major.
Dorénavant, le Céma, sur délégation du ministre et pour un ordre du jour précisé et approuvé par lui, pourra présider le Comité des chefs d’état-major. Il aura vis-à-vis des chefs d’état-major un rôle de coordination et de synthèse, et en particulier une responsabilité dans la préparation du budget des armées qui lui incombera à un litre autre que celui de conseiller du ministre.
Création de postes de conseiller de défense
Le Conseil des ministres a, en outre, créé deux postes de conseillers de défense. Cette fonction nouvelle, assortie d’un échelon indiciaire élevé, sera réservée à des officiers généraux de haut rang qui, pour une durée déterminée, seront dégagés de la hiérarchie militaire et auxquels le ministre confiera des missions et des études particulières.
Le général Lagarde, Chef d’état-major de l’Armée de terre (Cémat)
La troisième mesure concerne la nomination du général de corps d’armée Jean Lagarde, qui commandait l’École supérieure de Guerre, au poste de Cémat en remplacement du général de Boissieu nommé Grand chancelier de la Légion d’Honneur.
Relèvement du prêt des appelés et amélioration des conditions du service
Pour ce qui est des mesures concernant les cadres, et plus précisément les nouveaux statuts des officiers et des sous-officiers, le ministre a fait part de la décision d’accélérer leur mise au point et leur entrée en vigueur. On sait (cf. notre chronique de mars) que ces projets sont actuellement l’objet, au niveau des régions militaires, aériennes et maritimes, de travaux de la part de commissions qui feront connaître très prochainement leurs remarques et suggestions à leur sujet. Compte tenu de ces observations, le Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM) qui, au moment où paraîtra cette chronique, se sera réuni fin mars, devra mettre au point les textes à soumettre à l’examen du Conseil d’État. L’esprit dans lequel ont été élaborés ces projets est de faire reconnaître, dans le cadre de la fonction publique, les services rendus par les cadres de l’armée et de tenir compte des servitudes inhérentes à leur condition et qui appellent de justes compensations. Mais ces projets visent également, par l’aménagement des conditions d’avancement, à faciliter la prise de responsabilités par des cadres jeunes. Les statuts en question, a précisé le ministre, sont du domaine réglementaire et n’auront pas, par conséquent, à être soumis au parlement.
Les mesures concernant les appelés, hommes du rang et gradés du contingent, portent d’abord sur le « prêt » dont le taux est porté, dès le 1er avril, de 2,50 F par jour à 7 F. Un homme du rang percevra donc 210 F par mois et un sergent du contingent 300 F par mois (1). Chaque appelé aura droit, pour aller retrouver sa famille, à un voyage gratuit par mois, quelle que soit la distance de sa garnison à son lieu de résidence. Cette mesure n’est pas exclusive de celle du bénéfice du tarif réduit – le « quart de place » – accordé sur les lignes de la SNCF pour d’autres voyages pour les militaires munis d’un titre de permission.
Ces mesures, a dit le ministre, répondent à un souci d’équité à l’égard des appelés et aux préoccupations de leurs familles. En outre, pour secourir les plus déshérités des jeunes soldats, un fonds social est créé par unité.
Les projets du général Bigeard
De son côté, le général Bigeard a souligné que ces mesures correspondaient précisément aux recommandations qui avaient été faites par le Conseil permanent du service militaire, créé récemment et dont la présidence lui avait été confiée avant son entrée au gouvernement. Le secrétaire d’État a dit sa volonté de passer rapidement à une deuxième série de mesures et il a indiqué certains des points sur lesquels il a l’intention de les faire porter.
Il s’agit, dit le général Bigeard, de réaliser, comme le veut le président de la République Valéry Giscard d'Estaing, une armée mobile, manœuvrière, souple tout en étant « résistante comme l’acier ». Il faut pour cela mettre en place des chefs jeunes, allant de l’avant.
Le secrétaire d’État entend simplifier les structures du commandement et abolir la dualité de commandement qui surgit dans les régions et divisions militaires du fait de la superposition à ces commandements territoriaux de commandements opérationnels (2). Il faut repenser la formation des officiers et préparer les cadres à l’exercice du commandement dans les conditions qui sont celles de la réalité, de la vie actuelle, réorganiser l’enseignement militaire supérieur et donner à l’exercice du commandement le pas sur la course aux diplômes.
Il est possible d’envisager de ramener à un an au lieu de deux la durée des études à l’École supérieure de Guerre Terre et regagner ainsi des officiers pour renforcer l’encadrement.
Le général veut surtout revaloriser la Défense opérationnelle du territoire, la DOT, parente pauvre du corps de bataille, équipée d’armes désuètes, aux unités de valeur inégale selon les régions, et en général peu prisée par les sujets brillants désireux de faire carrière. On en fera des brigades légères qui seront capables, selon les besoins, de défendre les bases nucléaires, de renforcer le combat de la 1re Armée ou d’animer la résistance.
Un progrès doit être accompli, dit le secrétaire d’État, dans la pratique du sport. « On fait beaucoup de notes à ce sujet mais il faut surtout donner l’exemple », et il annonce que l’on verra prochainement l’état-major du ministre aller sur le terrain.
Un nouveau règlement de discipline générale plus souple et plus facilement applicable dans les conditions de la vie moderne est à l’étude. Le général entend d’ailleurs faire évoluer la communication, l’information, aussi bien dans le sens commandement-troupe qu’inversement et développer la participation des appelés à la vie de leur unité.
Prenant congé des journalistes, M. Yvon Bourges leur a dit : « Lisez le livre du général Bigeard (3). À travers ces pages vous comprendrez l’homme » et il a tenu à exprimer publiquement la confiance qu’il place en son action pour mener à bien rapidement les questions dont il l’a chargé : « Avec un homme comme Bigeard, il est facile de travailler… ». Qu’on nous permette d’ajouter qu’aujourd’hui, à l’évidence, « le cœur y est » et c’est peut-être ce qui manquait le plus jusque-là… ♦
(1) Le coût de ces mesures, a indiqué M. Bourges, sera de 432 MF pour les neuf mois restant de l’année 1975. Il sera couvert par des virements en crédits de paiement disponibles.
(2) Une décision a été prise dans ce sens au Conseil des ministres du 12 mars.
(3) Pour une parcelle de gloire (Éd. Plon).