Institutions internationales - Le « Sommet » atlantique de Bruxelles - L'OCDE et le problème des matières premières - Les vingt-cinq ans de l'« Europe » - Difficultés méditerranéennes de la Communauté économique européenne (CEE)
La réflexion éprouve parfois des difficultés à suivre le rythme des événements. Il y a quelques semaines, l’attention se cristallisait sur le sud-est asiatique où, par leur signification politique, l’effondrement du Sud-Vietnam et la victoire des Khmers rouges au Cambodge dépassaient leur cadre géographique pour acquérir une dimension mondiale. On était ainsi porté à minimiser les débuts spectaculaires de la tension socialo-communiste au Portugal, la dégradation de la livre sterling, la réaction des pays producteurs de pétrole à la suite de l’échec de la conférence de Paris, les difficultés intérieures du Liban, etc.
Depuis, au Vietnam et au Cambodge, les nouveaux régimes ont commencé à mettre en place des structures adaptées à leurs conceptions idéologiques et à engager la politique par laquelle ils veulent atteindre leurs objectifs, et seuls ceux qui s’intéressent à la politique internationale se soucient de la rivalité russo-chinoise devant un Vietnam qui ne semble pas vouloir en être un enjeu, ou des perspectives des rapports entre les diverses ethnies indochinoises, ou entre communisme et bouddhisme, ou des répercussions de ces événements dans les pays voisins, ou des progrès de la guérilla maoïste dans les États hindous du Bengale, du Bihar et de l’Andhra-Pradesh. L’attention générale s’est portée sur d’autres faits. Il y a ainsi un certain décalage entre les soucis de la diplomatie et ceux de l’opinion, les premiers ne pouvant se limiter aux événements eux-mêmes, les seconds se cristallisant sur eux.
Le « sommet » atlantique de Bruxelles
Le trentième anniversaire de la victoire sur l’Allemagne a été pour M. Brejnev, secrétaire général du Parti communiste d’Union soviétique, l’occasion d’évoquer la politique étrangère soviétique, encore qu’il n’ait abordé aucun des problèmes du Cambodge, du Moyen-Orient, de la crise des pays occidentaux, du différend sino-soviétique. Alors que certains s’attendaient à ce qu’il célèbre avec éclat la victoire communiste dans le Sud-Est asiatique, il est resté discret, se contentant de déclarer que la fin de la guerre en Indochine favorise la détente : « Nous pouvons noter avec satisfaction que la liquidation du foyer de guerre en Indochine permet d’assainir davantage l’atmosphère internationale. Cela est profitable à la cause de la détente, notamment de la détente dans les rapports entre notre pays et les États-Unis ». Les Américains ont vu dans cette affirmation une indication rassurante : les « coups durs » qu’ils ont subis en Indochine, l’échec de la diplomatie personnelle de M. Kissinger au Moyen-Orient n’ont, apparemment, pas modifié la nature et le ton du dialogue américano-soviétique. La rencontre à Vienne de MM. Kissinger et Gromyko devait constituer, à leurs yeux, un test à cet égard, et le test s’est révélé satisfaisant. La substance des entretiens l’a peut-être été moins, mais personne ne s’attendait à des résultats spectaculaires. Aussi est-ce dans une atmosphère moins tendue que prévu que s’est tenu, à Bruxelles, le « sommet » atlantique, réunion au niveau des chefs d’État du Conseil de l’Atlantique Nord, qui a permis au Président Ford de rencontrer tous les chefs du gouvernement de l’Alliance, et même, en marge de cette réunion, le chef de l’État français. Le Président Ford aurait souhaité que l’Alliance se fixe « six tâches urgentes ». Le communiqué final a montré que ses désirs n’avaient pas été tous comblés. Il souhaitait étendre les compétences de l’Otan au-delà des simples problèmes de défense (ce qu’en d’autres temps avait prôné M. Spaak) et l’amener à rechercher une attitude commune face à des problèmes comme l’énergie, les matières premières, l’environnement, la démographie et la faim dans le monde. Le communiqué final a bien cité tous ces problèmes, mais pour dire que « les alliés sont résolus à coopérer avec les autres membres de la communauté internationale », sans préciser que les alliés adopteront au préalable une attitude commune. Le président Ford souhaitait que les membres de l’Otan travaillent à un rapprochement avec l’Espagne, celle-ci, aux yeux de Washington, méritant de faire partie de l’Organisation en raison de sa contribution à la défense occidentale par le biais de ses accords bilatéraux avec les États-Unis. Il n’a pas été suivi. La même divergence de vues s’est manifestée, en sens inverse, à propos du Portugal, dont l’évolution semble moins obséder les Européens que les Américains, encore que certains Européens semblent éprouver quelques réticences à la participation du Portugal à certains organismes de l’Otan en raison du rôle que jouent maintenant les communistes à Lisbonne. Par ailleurs, le communiqué a réaffirmé la détermination des alliés de « maintenir la cohésion de l’alliance », à quoi s’est ajoutée une phrase proposée par le Premier ministre de Grèce : « …et de la rétablir là où elle s’est affaiblie en éliminant les causes gui troublent cette cohésion ». Ce fut la seule allusion officielle au conflit entre la Grèce et la Turquie. Bien entendu, face au renforcement de l’appareil militaire du Pacte de Varsovie, l’effort de défense allié doit continuer malgré les difficultés économiques actuelles ; cette idée est rituellement exprimée à chaque session sous une forme ou sous une autre. Il en est de même de la sécurité collective assurée par l’Alliance, condition essentielle de la détente et de la paix. Mention spéciale a été faite de la conférence sur la coopération et la sécurité en Europe. Si celle-ci est menée à une conclusion satisfaisante et se traduit par des actes, détente et coopération pourront l’emporter sur l’esprit de confrontation. En souhaitant que les négociations de Genève progressent dans ce sens, les alliés ont placé la balle dans le camp soviétique : c’est un jeu classique. Ainsi, ce « sommet » atlantique qui, dans l’esprit de ceux qui l’avaient suggéré, visait au spectaculaire, s’est achevé sans décision spectaculaire. La bataille pour la globalisation des tâches a tourné court, grâce à un compromis tout entier contenu dans une substitution de mots. Une idée nouvelle a toutefois été émise par M. Trudeau qui, au nom du Canada, a souhaité que des « sommets » atlantiques aient lieu régulièrement et prennent le temps nécessaire à des discussions approfondies.
Il reste 72 % de l'article à lire
Plan de l'article