Cinéma - Production internationale et « rétro »
Dans la production cinématographique actuelle, l’Armée est représentée par une mosaïque d’aspects divers le plus souvent teintés de satire plutôt que par des études sérieuses. Certains cinéastes sacrifient allègrement à ce que l’on veut appeler à tout prix la mode « rétro ». Signalons pour commencer que Les Sentiers de la Gloire ne sont pas devenus les sentiers de la guerre. L’apparition tardive du film de Stanley Kubrick sur les écrans français n’a donné lieu à aucune manifestation intempestive, à aucun éclat. Il n’y a donc pas lieu de revenir sur ce film déjà largement commenté ici même (chronique d’octobre 1972), si ce n’est pour constater que le « doublage » a encore ajouté au grotesque des situations et surtout des personnages. Le grotesque est, en revanche, volontaire dans la farce militaire Soldat Duroc, ça va être ta fête qui évoque le style des vaudevilles d’avant-guerre tout en racontant les aventures d’un sergent américain et de deux soldats français pendant les derniers mois de l’Occupation. Le film ne cherche qu’à faire rire et si les effets ne sont pas toujours d’un goût parfait, la grosse farce ne dépasse jamais les limites de la décence. Les effets comiques sont basés souvent sur le ridicule, personne néanmoins ne peut se sentir offensé ou lésé. On aurait bien tort de prendre ce canular au sérieux. Dans le domaine de la comédie, il faut maintenant attendre le nouveau film de Robert Lamoureux, Opération Lady Marlène. Espérons qu’il sera de la même veine que Mais où donc est passée la 7e compagnie ?
Dans Zorro, qui nous conte pour la trentième fois au moins les aventures épiques du héros imaginé par Johnston McCulley pour le All Story Weekly Magazine, l’armée mexicaine est présentée sous un jour tout à fait caricatural, ce qui correspond au style adopté par le cinéaste italien Duccio Tessari pour cette nouvelle et libre adaptation du fameux roman de cape et d’épée. La caricature est moins poussée et en même temps plus justifiée par les événements extérieurs dans le film de Gène Martin Horror Express (présenté sous le titre français Terreur dans le Shanghaï-Express). Dans ce film de terreur et d’épouvante, dont l’action se situe dans une concession russe de Pékin ou de Shanghaï au temps des tsars, les soldats de protection d’un train quittant la Chine sont débordés par une série d’incidents dont le caractère surnaturel ne peut être nié. Affolés par des événements incompréhensibles et qu’ils ne peuvent pas contrôler, les soldats russes se transforment en pauvres hères apeurés et grotesques. Il apparaît pourtant nettement qu’il n’entrait nullement dans l’intention du metteur en scène de porter atteinte à la dignité des militaires. Les soldats du convoi ne deviennent des pantins que parce qu’ils sont confrontés à des faits surnaturels qui troublent tout le monde, y compris les savants.
Au rayon ultra-commercial, nous trouvons un film suisse qui se distingue par sa bêtise et par une mise en scène absolument déficiente d’un certain Erwin C. Dietrich : Fräulein sans uniforme. La référence voilée au célèbre Mädchen in Uniform constitue déjà en soi une sorte d’imposture. Il s’agit d’un monument de mauvais goût. Truffé de scènes érotiques frisant la pornographie, le film de M. Dietrich raconte les aventures des « soldates d’élite » choisies par Hitler pour l’amélioration de la race aryenne. Les auteurs veulent nous faire croire que leur film est digne d’intérêt et de foi, on a pourtant la fâcheuse impression que le réalisateur n’a eu recours aux bons offices d’aucun conseiller technique, tellement les séquences militaires sont dépourvues de sens et de vraisemblance. Les avis d’un technicien averti semblent avoir été remplacés par une profusion d’explosions en tous genres qui eussent fait la joie de Ruggieri. Hélas, le bruit ne fait pas oublier la pauvreté des images. Comme le film est parlé en allemand, nous n’hésiterons pas à l’appeler « kitsch ».
Le présent bilan aurait pu être entièrement négatif. Deux œuvres, de styles diamétralement opposés, nous permettront de terminer sur une note moins pessimiste. Un film roumain, sobre et dépouillé quant à la forme. La Mort d’Ipu, retrace un épisode peut-être authentique de la Seconde Guerre mondiale. Dans un village occupé par les troupes allemandes, un officier est assassiné par un inconnu. Le commandant de la place ordonne une répression que les auteurs du film présentent comme compréhensible et nullement excessive. Quant à l’armée roumaine, elle adopte en la circonstance une attitude passive. Le metteur en scène ne « charge » pas les troupes d’occupation et ne se livre à aucune critique des officiers roumains de l’ancien régime. Il réserve toute son ironie, parfois mordante, pour fustiger l’égoïsme de la bourgeoisie et du clergé. La façon dont il présente les militaires aussi bien roumains qu’allemands est en définitive objective et même favorable, ce qui est très rare dans la production cinématographique des pays du bloc socialiste. Aux antipodes de ce récit dramatique se situe l’autre film qui mérite une attention sympathique. Il s’agit cette fois d’un dessin animé américain de Seymour Knitel intitulé À vos rangs, fixe ! C’est l’éternelle animosité entre gradés et simples soldats qui a excité la verve du « cartoonist ». Le sergent Herman est un chat qui terrorise quelque peu ses soldats (des souris) lesquels appellent à leur secours d’autres soldats-jouets. Tout cela est frais, charmant, spirituel sans aucune méchanceté, de bon goût. Le dessin animé de Seymour Knitel amusera petits et grands, civils et militaires… ♦