Un chemin tranquille
Qui se plaindrait d’être convié à deviser amicalement, un peu de tout, avec un homme intelligent, fin et disert, expérimenté dans les affaires de l’État, sans préjugé, un tantinet sceptique et tout le contraire du pédant, ayant le sens de l’humour, sachant placer à propos une histoire drôle qui fait sourire plutôt que rire aux éclats, trouvant le mot juste, évitant toute rhétorique, mesuré dans ses jugements, honnête homme sans être pour autant « rétro » ? Tous ces agréments sont à portée de la main dans le livre d’Olivier Guichard.
Il s’agit de quelques souvenirs choisis de la vie militante de l’auteur au sein du Rassemblement du peuple français (RPF) et de son activité comme ministre. Olivier Guichard se préoccupe peu d’être complet et de ne rien oublier. C’est un premier souvenir qui en amène un autre, postérieur ou antérieur, se rapportant ou non au même sujet. Peu lui importe ! Il ne veut rien prouver, il ne cherche pas à « enchaîner » – ni ses pensées les unes aux autres, ni son action à une doctrine objective : « demain sera un autre jour » paraît être sa devise.
Si ces souvenirs ne s’enchaînent pas, ils s’ordonnent néanmoins autour de quelques thèmes, ou périodes, qu’Olivier Guichard considère comme les points forts de sa carrière. Ce sont : la rue de Solférino [NDLR 2020 : le QG du RPF y a été installé au n° 5 de 1947 à 1955], c’est-à-dire la période du RPF au cours de laquelle il s’est « donné » au général de Gaulle et, avec lui, à une « certaine idée de la France » ; l’aménagement du territoire [il en a été ministre de 172 à 1974], tâche qu’il estime passionnante entre toutes, ne serait-ce qu’en raison de l’acharnement, parfois brouillon, qu’y mettent tous les Français ; l’Éducation nationale, dont il avoue que les problèmes l’ont « interloqué » lorsqu’il les a découverts [ministre de 1969 à 1972] : et enfin, l’Union des démocrates pour la République (UDR) et le gaullisme depuis l’avènement de Giscard. Olivier Guichard se garde bien de suggérer qu’il aurait joué, dans ces différents domaines, un rôle primordial, et il ne cherche jamais à s’attribuer quelque mérite personnel que ce soit dans les mesures qu’il a prises ou fait prendre en telle ou telle matière. S’il se reconnaît une qualité, c’est celle de ne jamais s’être excité ou hâté inutilement et à contretemps. Il repousse cependant avec vivacité, lorsqu’on la lui attribue, la formule de Queuille : « Il n’y a pas de problème que l’absence de solution ne finisse par résoudre… » Ce qu’il a cherché à faire c’est de « dédramatiser » les problèmes. Il a préféré à l’agitation « un chemin tranquille ». C’est le titre de son livre et il résume très bien, nous semble-t-il, ce qu’il y a d’essentiel dans cette sorte d’autoportrait et aussi dans la philosophie politique de ce personnage assez particulier, dont on ne peut pas s’empêcher de penser qu’il détonnait quelque peu dans les allées du pouvoir. Il les a cependant parcourues en tous sens, sans broncher le moins du monde, et sans, quant à lui, s’y trouver déplacé. ♦