Armée de terre - Réorganisation du dispositif de l'Armée de terre - Élaboration et esprit du nouveau règlement de service intérieur de l'Armée de terre
Réorganisation du dispositif de l’Armée de terre
Le ministre de la Défense, M. Yvon Bourges, devant la Commission de la défense nationale et des forces armées, ainsi que le secrétaire d’État à la Défense, le général Bigeard, à la tribune de l’Assemblée, ont fait état du projet de réorganisation du dispositif de l’Armée de terre.
Avant de donner les grandes lignes de ce projet, il convient de rappeler quelle est l’organisation actuelle. Outre les forces de présence outre-mer et d’intervention, l’Armée de terre comprend des unités des forces de manœuvre et des unités des forces du territoire relevant de chaînes de commandement distinctes. Les forces de manœuvre terrestres constituent la 1re Armée dont le PC en temps de paix est à Strasbourg. Elle est stationnée dans le nord-est de la France et en République fédérale d’Allemagne (RFA). Elle comprend cinq divisions articulées en deux corps d’armée dont les PC sont situés à Nancy pour le 1er Corps et à Baden-Oos pour le 2e Corps. Chaque division comporte trois brigades, deux brigades mécanisées et une brigade motorisée transitoire. La mécanisation des brigades motorisées, actuellement entreprise, s’effectue au rythme de sortie des chars AMX-30 et des matériels de la gamme AMX-10.
Les unités des forces du territoire, réparties sur tout le territoire national, relèvent des généraux commandant les régions militaires. Outre les unités placées en réserve des zones de défense et se composant d’éléments du train, du génie, des transmissions et de l’Aviation légère de l’Armée de terre (Alat), elles comprennent trois brigades, les 17e et 27e Brigades alpines et la 9e Brigade qui peut également être chargée de missions outre-mer, dix-neuf régiments d’infanterie et trois régiments de cavalerie légère blindée, équipés d’Automitrailleuses légères (Panhard AML). Ces forces seraient notablement augmentées en cas de mobilisation.
Simplifier, alléger et unifier les structures de commandement, valoriser les forces du territoire et les rendre plus mobiles, donc plus aptes à participer au combat aux côtés des forces de manœuvre, répartir les unités sur le territoire national de façon plus harmonieuse, aboutir en fin de compte à une meilleure homogénéité de l’ensemble, tels sont les objectifs principaux de la réforme envisagée.
Pour ce faire il est prévu de regrouper dans chaque région militaire les différentes unités du territoire dans un ensemble opérationnel proche de la brigade. Les nouvelles brigades ainsi créées pourraient prendre l’appellation de leur région de stationnement. On aurait ainsi la brigade Aquitaine, la brigade Lorraine, etc. Toutefois à l’échelon régional et départemental les liaisons avec le pouvoir civil seront maintenues. De cette organisation, il résultera une unité de commandement : chaque commandant de région militaire commandera l’ensemble des troupes stationnées dans sa région.
Il est envisagé en outre de modifier la mobilisation : chaque régiment constitué serait doublé par un régiment de réserve ; en cas de tension, ce dernier ou bien jouera un rôle opérationnel, ou bien renforcera le corps de bataille. Dans le cadre de cette réorganisation, il est prévu de supprimer, à l’intérieur du corps de bataille, un échelon de commandement, actuellement existant : la brigade ou la division ; plus exactement l’unité opérationnelle à constituer se situerait entre la brigade et la division. On aura donc un ensemble opérationnel qui concentrera différents moyens et sera caractérisé par la souplesse et la mobilité. Le corps de bataille serait composé de trois corps d’armée au lieu de deux actuellement : on y trouverait les divisions « lourdes » ou « boucliers ». Par ailleurs, à partir des unités actuelles de la Défense opérationnelle du territoire (DOT), regroupées à l’échelon de la région militaire, seraient constituées des divisions « légères » ou « coups de poing ». Un des trois corps d’armée serait stationné en RFA, un autre en 6e Région militaire et le troisième se trouverait sur le territoire actuel de la 1re et de la 2e région.
Il résultera de ces dispositions une diminution des effectifs des états-majors et un renforcement de l’encadrement des unités. On disposera alors d’une armée mieux répartie sur le territoire et dont les structures plus souples seront mieux adaptées au combat.
Chaque région disposera d’un ensemble opérationnel cohérent : il faudra donc envisager des mutations entre les différentes unités. De plus, un régiment comprendra désormais quatre compagnies de combat et non trois. Le nombre des régiments sera donc diminué en proportion et il en résultera des économies d’infrastructure, notamment sur les bâtiments à usage général et technique qui représentent 35 % de la dépense totale d’un casernement. La redistribution des régiments s’imposera.
Ces différents projets de restructuration ne se concrétiseront que dans plusieurs mois. Une politique de nouveaux casernements sera mise en œuvre. Ceux-ci seront, si possible, situés à la périphérie des villes moyennes.
En matière d’armement, les différentes catégories d’unités seront dotées d’un armement type évitant un perfectionnement trop onéreux. Les forces du territoire verront leur capacité antichar s’accroître notamment par la perception prochaine du lance-roquettes de 89 mm.
La réalisation de ces réformes impliquera une augmentation des crédits du titre III et du titre V de l’Armée de terre d’environ 20 à 25 %, qui sera sans doute étalée sur cinq ans. À cet égard, il convient de signaler que l’amélioration de la condition militaire ne compromettra pas l’effort d’équipement. Car si le titre V ne représentera plus, en 1976, que 42 % du budget contre 43 % en 1975, l’augmentation globale des crédits de défense sera supérieure à l’augmentation des crédits des autres ministères et ils dépasseront 3 % du PNB. Enfin, à l’horizon 1980, le titre V devrait représenter 48 % du budget de la défense.
Élaboration et esprit du nouveau règlement de service intérieur de l’Armée de terre
Un nouveau règlement de service intérieur des corps de troupe ne tardera pas à être publié et à remplacer le règlement actuel qui date de 1931. Ce nouveau document ne constituera pas une simple mise à jour. Sa conception vise à instaurer un nouveau style de vie dans les corps de troupe.
Le nouveau règlement remplacera enfin un ensemble de cinq décrets qui datent de quarante ans et qui, pratiquement inchangés depuis, sont partiellement démodés. Faute de disposer d’un règlement adapté, les formations devaient s’appuyer sur les traditions, les règles d’administration et des directives trop générales. Le besoin se faisait sentir d’un outil réglementaire permettant non seulement de résoudre les problèmes de la vie de tous les jours dans les formations mais aussi d’assurer une unité d’action dans l’ensemble de l’Armée de terre.
Le nouveau texte est certes le résultat de plus d’une année de travaux d’une commission désignée par le Chef d’état-major de l’Armée de terre (Cémat), mais il est tout aussi important de savoir qu’au cours de sa mise au point la base, c’est-à-dire les corps de troupe eux-mêmes ainsi que les hiérarchies dont ils dépendent, a été largement consultée. À tel point qu’il ne serait pas exagéré de dire que ce règlement est celui que l’Armée de terre a choisi.
Tout en conservant ce qui a été estimé bon de l’appareil antérieur, le nouveau texte, sans être révolutionnaire, n’hésite pas à innover lorsque c’est nécessaire et à faciliter une évolution ultérieure. Les principes sur lesquels il est fondé sont simples.
L’accent est mis en premier lieu sur le facteur humain car la valeur des corps de troupe dépend autant des hommes que des matériels. Le nouveau règlement manifeste donc une volonté de promouvoir les conditions favorisant leur épanouissement.
Les structures seront plus fonctionnelles et les activités menées dans un climat où les rapports seront plus confiants et plus détendus en dehors du service, afin de créer une ambiance nouvelle, tandis que sera maintenue la rigueur dans l’exécution de celui-ci. À la tension permanente d’autrefois devrait succéder un ensemble de phases d’exécution rapide et précise du service et de phases de détente et de repos réparateur. Il est normal que le soldat-citoyen, désormais majeur à 18 ans et dont « les droits » seront définis dans le futur « règlement de discipline générale », voie se concrétiser par des mesures libérales la confiance qui est mise en lui.
Par ailleurs, une plus grande adhésion de tous à la vie du corps de troupe sera recherchée par une amélioration de la participation. À cet égard, la position des sous-officiers sera revalorisée quel que soit leur grade. Les présidents des sous-officiers verront leur fonction officialisée et siégeront désormais de droit dans les conseils de régiments.
Telles sont les principales caractéristiques de ce nouveau règlement. Une prochaine chronique donnera l’essentiel des mesures concrètes et nouvelles qu’il contient. ♦