Armée de terre - Les inspections du général Lagarde, chef d'état-major - Part de l'Armée de terre dans le plan de soutien à l'économie - Extension du domaine d'emploi des chuteurs opérationnels
Les inspections du général Lagarde, chef d’état-major de l’Armée de terre
En prenant son commandement le 1er avril 1975, le général Lagarde, Chef d’état-major de l’Armée de terre (Cémat), avait défini les principes selon lesquels il entendait mener son action, soulignant notamment qu’il ne pourrait se départir de son style façonné tout au long d’une carrière dominée par de nombreux temps de commandement et de contacts étroits avec les hommes. « Par tempérament, je ne suis à l’aise que lorsque j’ai vu le visage de mes soldats » a-t-il affirmé à plusieurs reprises.
Concrétisant ses intentions, il entreprit, dès le mois de juin, une vaste tournée d’inspection qui allait lui faire parcourir en moins de quatre mois, les sept régions militaires et les Forces françaises en Allemagne (FFA). Visitant près de soixante formations : états-majors de tous niveaux (régions, corps d’armées, divisions, brigades), écoles, régiments et jusqu’à de très petits organismes, il a ainsi pris un contact direct avec plus d’un millier d’officiers, de sous-officiers et d’hommes du rang, d’active ou appelés.
Cette première tournée d’inspection était axée sur le contrôle de l’exécution de ses directives données quelques jours après sa prise de fonction et portant sur : le style de commandement et la formation militaire générale, l’information interne, l’entraînement physique et sportif, la coordination et la rationalisation des activités, l’information externe et les relations publiques.
Une préparation préalable minutieuse de ses visites lui a permis d’aller partout au fond des choses. Pour cela, un mois avant son inspection, il s’est fait précéder dans chaque région par les généraux inspecteurs des armes. Les rapports établis par ceux-ci en fonction de critères bien définis et nombreux, près de deux cent cinquante, ont donné lieu à l’établissement de documents et graphiques, véritables radiographies des formations concernées. Disposant ainsi d’éléments précis, le Cémat a pu mener ses inspections avec le maximum d’efficacité. « Notre entreprise est devenue si complexe, a-t-il déclaré à ce sujet, que nous ne pouvons plus la piloter sans nous référer à une check-list pour vérifier si nous n’avons rien oublié et pour actualiser et améliorer les tableaux de bord ».
Outre le contrôle de l’exécution de ses directives, le Cémat s’est largement informé des problèmes, des préoccupations et des difficultés de tous, au cours de nombreuses tables rondes réunissant aussi bien des officiers ayant de hautes responsabilités que des sous-officiers ou des hommes du rang. Devant eux, il a exprimé sans concessions quelques-unes de ses idées, souvent sous forme de phrases choc : « rien n’évolue plus lentement que les mentalités… Contrairement à une idée préconçue, les freins du changement se rencontrent au moins autant chez les jeunes officiers que chez les anciens pour des raisons différentes et même opposées, les jeunes ayant parfois le vertige devant les risques pris… Une armée dont les capitaines ne sourient pas est une armée vaincue… L’Armée de terre a fait l’apprentissage du temps de paix qui nous a surpris en flagrant délit de manque d’imagination… Mais nous n’avons pas à faire de masochisme quand on regarde ce qui se passe dans les autres communautés nationales, nous pouvons considérer que nous n’avons de pierre à recevoir de personne… ».
Initiative sans précédent, cette prise de contact avec l’ensemble de l’Armée de terre s’accompagnait d’une ouverture entièrement nouvelle à l’égard de la presse. « La presse constitue le quatrième pouvoir. Mais toutes les conséquences n’ont pas été tirées de cette situation. En particulier, la presse assume désormais une responsabilité considérable, avait-il déclaré aux journalistes qu’il avait invités au Cercle militaire au mois d’avril, ajoutant : je souhaite que les journalistes soient plus fréquemment les témoins des activités militaires et je ferai en sorte que les occasions de ce genre leur soient fréquemment offertes ».
Dans cet esprit, il s’est fait accompagner au cours de ses inspections, par un certain nombre d’entre eux appartenant à la presse parisienne et régionale. Ils ont pu le suivre partout, participant à toutes les réunions et séances de travail qu’il présidait. À cet égard, il a précisé : « Nous n’avons rien à cacher. La légitimité de l’Institution militaire dans un pays comme le nôtre doit conduire à la transparence de nos activités. Il faut transformer l’armée en maison de verre ».
Ainsi, le général Lagarde s’efforce-t-il d’introduire au sein de l’Armée de terre un esprit nouveau dans les relations socio-professionnelles et dans les relations publiques.
Part de l’Armée de terre dans le plan de soutien à l’économie
Le plan de soutien à l’économie française adopté par le Parlement au cours de sa session extraordinaire de septembre comporte, outre des mesures d’aide directe aux familles et personnes âgées, l’injection dans les circuits économiques de 17,6 milliards de francs au titre du budget général (chiffre à comparer aux 259,2 Md de la loi de finances initiale pour 1975).
Sur ce montant, le ministère de la Défense reçoit 1 295 millions de francs (MF), dont 483 (soit 37,3 %) pour l’Armée de terre. Cette dernière va donc participer à l’effort national de soutien à l’économie en passant commande, sans délai et aux entreprises françaises, des biens et services dont elle a besoin.
L’emploi qui sera fait des possibilités nouvelles ainsi ouvertes peut être résumé comme suit :
– achat de pneumatiques et batteries (70 MF)
– mise en réparation d’aéronefs (20 MF)
– achat de munitions d’instruction (29 MF)
– commande de véhicules de service courant (94 MF)
– surtout, effort important sur l’infrastructure, en matière de travaux neufs (87 MF) et de valorisation de casernements existants (183 MF)
Le programme de travaux neufs comprend notamment la construction d’un centre de sélection à Rennes, de bâtiments troupe (Satory, Grenoble-Varces, Sathonay), d’un bloc cinéma-foyer (Sathonay), d’un cercle mess (Sarrebourg).
Le programme de revalorisation de casernements existants comporte en particulier :
– l’installation du chauffage central dans de nombreux bâtiments ;
– la construction d’infirmeries, blanchisseries, ateliers auto, zones techniques, hangars ;
– l’aménagement de cuisines et de blocs-sanitaires ;
– l’amélioration des conditions de vie des troupes en manœuvre (rénovation et chauffage, à Sissonne par exemple) ;
– la création de stands de tir (Dinan-l’Ardoise).
Cette rapide énumération permet de constater que le plan de soutien à l’économie, tout en insufflant à celle-ci le ballon d’oxygène que constituent des commandes nouvelles, va permettre à l’Armée de terre d’accélérer l’effort déjà entrepris dans le domaine de l’amélioration des conditions d’exécution du service national.
Extension du domaine d’emploi des chuteurs opérationnels
Le chuteur opérationnel est un combattant d’élite, équipé, instruit et entraîné en vue d’exécuter des missions particulières de combat en utilisant pour sa mise en place un parachute à ouverture commandée.
Chaque unité de la 11e Division parachutiste dispose aujourd’hui d’une ou plusieurs équipes de chuteurs opérationnels chargées de préparer l’engagement des groupements et sous-groupements aéroportés ou d’assurer des missions à caractère spécial visant l’action ou le renseignement.
Tributaire des conditions météorologiques, l’emploi de ces équipes était jusqu’à présent limité aux engagements par temps clair et bonne visibilité en raison de la nécessité de disposer au moment du largage de références visuelles au sol.
À la suite des conclusions favorables de l’expérimentation menée en commun par l’Armée de terre et l’Armée de l’air au cours du premier semestre 1975, il est désormais possible d’envisager l’emploi de telles équipes quelles que soient les conditions de visibilité du moment. Le largage est alors effectué grâce aux seules indications fournies par le Poste de direction tactique air (PDTA).
Confirmée à l’occasion de l’exercice interarmées Sterne 75, l’acquisition de cette capacité nouvelle, associée à l’adoption récente de la balise de guidage air-sol autorisant le largage aveugle des formations de combat proprement dites, permet d’accroître notablement les possibilités d’emploi des troupes aéroportées. ♦