Armée de terre - Le Famas (Fusil d'assaut de la manufacture d'armes de Saint-Étienne) 5.56 : un nouveau fusil pour les forces armées françaises à partir de 1979
Origine de la décision de fabriquer une arme individuelle moderne
Parlant des fusils actuellement en service dans nos armées, le général Bigeard dit volontiers qu’ils sont tout juste « bons à tirer dans les coins ». Cette formule folklorique s’applique probablement aux fusils à répétition MAS 36,51 (1) aujourd’hui parvenus à limite d’usure. Elle convient moins au fusil MAS 49,56 semi-automatique qui reste une arme de très bonne valeur. Néanmoins il faut reconnaître que le calibre 7,5 qui est celui de ces armes, de même que le calibre 7,62 des Anglo-Saxons, adopté par les autres alliés de l’Otan, est aujourd’hui dépassé. De plus en plus, les puissances militaires occidentales s’orientent vers un calibre plus faible avec une munition et par conséquent une arme plus légère.
Depuis une dizaine d’années déjà les états-majors étaient conscients de la nécessité de fabriquer une arme de faible calibre et maniable répondant aux exigences suivantes :
– faire office à la fois de fusil, de pistolet-mitrailleur et, dans certaines limites, de fusil-mitrailleur ;
– avoir la même efficacité à 300 m, distance normale d’emploi du fusil, que les armes de calibre 7,5 ;
– pouvoir lancer des grenades à fusil de 500 g antichar et antipersonnel :
– pouvoir tirer une munition existant déjà – ceci pour des raisons de délai de fabrication et de facilité d’approvisionnement.
Ces divers critères ont conduit, après de multiples essais, au choix du calibre 5,56 dont la munition était fabriquée en série aux États-Unis pour l’arme individuelle des Marines engagés au Vietnam. C’est en mars 1971 que M. Debré, alors ministre d’État chargé de la Défense nationale, prit la décision de développer une arme de ce calibre suivant un concept proposé par la Manufacture d’armes de Saint-Étienne, et c’est le produit de ce concept, le Famas 5,56 qui vient d’être présenté à la presse le 16 juin dernier à l’Établissement technique de Bourges, dont le directeur est l’ingénieur général de l’armement de 1re classe Marty, par les ingénieurs en chef Davout, directeur du programme, et Tellié, de la Manufacture d’armes de Saint-Étienne, chef de l’équipe d’ingénieurs et de techniciens ayant réalisé l’arme.
Caractéristiques et conception de l’arme
L’arme revêt l’aspect général d’un pistolet-mitrailleur muni d’un bipied repliable et surmonté d’une poignée de transport qui lui confère sa silhouette caractéristique et qui l’a fait surnommer par certains commentateurs de presse « le clairon ».
Ses caractéristiques essentielles sont les suivantes :
– Longueur hors tout : 757 mm.
– Poids à vide : 3,7 kg.
– Cadence de tir : 1 000 à 00 1 200 coups/mn.
– Chargeur : 25 cartouches.
– Munition : poids de la balle 3,5 g ; vitesse initiale 990 m/s.
– Portée utile de combat : 300 m.
– Dotation prévue : 8 chargeurs/tireur.
– Tir : soit coup par coup, soit par rafales de 3, soit par rafales plus longues.
L’arme peut également tirer :
– des grenades antipersonnel, en tir courbe (entre 60 m et 300 m) et en tir direct (100 m) ;
– des grenades antichar (portée utile de combat 75 m).
On doit souligner l’excellence du rapport puissance/poids de l’arme : 40 CV pour 3,7 kg (2), rapport que sont loin d’atteindre ses concurrents étrangers de même calibre, qu’il s’agisse du M-16A1 américain, du belge CAL de la fabrique Herstal, et de l’allemand MK-33 de Heckler & Koch (3). Il en résulte de nombreux avantages, notamment celui d’une bonne tenue en main nécessitant un effort deux fois moins grand qu’avec un calibre 7 et permettant d’éviter les dépointages en cours de tir.
Le mécanisme retenu pour le fonctionnement est différent de celui des armes automatiques classiques utilisant l’emprunt de gaz en un point du canon : le principe retenu est celui dit de l’amplification d’inertie. Dans le système à emprunt de gaz, on verrouille et déverrouille la chambre de combustion avant et après chaque coup : dans le système à amplification d’inertie, la fermeture est automatique comme celle d’une porte munie d’un « bloom », d’où suppression des temps morts et fonctionnement plus souple et plus régulier.
Autre avantage de l’arme : la position rapprochée du centre de gravité par rapport à la crosse accroît encore la bonne tenue de l’arme et son maintien en ligne. De plus, grâce d’une part à la facilité d’accès du levier d’armement et grâce à deux positions de la fenêtre d’éjection des étuis, orientable à volonté à droite ou à gauche, l’arme est utilisable indifféremment par droitiers et gauchers.
Des mesures de sécurité appropriées ont été prises tenant compte de la position rapprochée des mécanismes par rapport à la tête du tireur de façon à éviter tout accident. À noter en particulier que le phénomène de cook off, c’est-à-dire l’auto-inflammation de la cartouche dès arrivée dans la chambre, ne se produit qu’après une rafale prolongée de 300 coups, alors qu’avec les armes les plus sûres jusqu’ici elle se produit à 150 coups d’affilée.
Expérimentation de l’arme
L’arme a fait l’objet d’une expérimentation très poussée qui est en cours d’achèvement.
En 1974, 21 armes ont tiré 80 000 cartouches et 2 300 grenades. En 1976, les essais constructeur ont porté sur 6 armes qui ont tiré 55 000 cartouches de fabrication française et 1 600 grenades. L’expérimentation portant sur l’utilisation pratique est en cours depuis mai 1976 sous la direction de la Section technique de l’Armée de terre (STAT). Elle met en jeu 15 armes tirant 100 000 cartouches.
Le fusil a été essayé dans les conditions les plus extrêmes, que les installations de l’ETBS permettent de reproduire : chaleur + 75°, froid –51°, givre, pluie tropicale prolongée, eau salée, sable, absence de graissage, chocs répétés, encrassement prolongé, boue épaisse (5 kg d’argile sèche dans 10 litres d’eau). L’arme a démontré dans ces conditions insolites son extrême robustesse et son parfait fonctionnement.
La loi de programmation qui vient d’être votée a prévu la commande de 236 000 armes de 5,56 dont 148 000 seront livrées entre 1979 et 1982. Si les essais de la STAT donnent satisfaction comme on a tout lieu de l’espérer, la fabrication en série serait enfin entreprise, atteignant la cadence de 4 000 armes par mois en 1979. Certains pays étrangers ont déjà manifesté leur intérêt pour cette production. ♦
(1) MAS pour Manufacture nationale d’armes de Saint-Étienne.
(2) Il s’agit bien entendu de la puissance développée à la bouche du canon. À comparer avec la puissance spécifique d’une voiture de course de formule 1 (de l’ordre de 500 CV pour un poids à vide minimum autorisé de 575 kg).
(3) Le calibre 5,56 est également en service en Israël et en Amérique latine. Des modèles existent aussi en Suisse, Espagne, Autriche et Finlande.