Outre-mer - Île Maurice, Comores, Madagascar : le sacrifice du zébu à tête blanche, signe de réconciliation - En Éthiopie : réorganisation du pouvoir suivant le schéma soviétique - Rhodésie et Afrique du Sud : un enjeu important pour le monde libre
Ce qui ne sera finalement qu’un épisode de la vie parlementaire a bien failli être une curieuse péripétie pour l’avenir de l’île Maurice. Ces élections du 20 décembre, les premières depuis l’indépendance, ont non seulement bouleversé la physionomie électorale du pays, elles ont fait trembler tous ceux qui ont souci de sauvegarder l’équilibre dans cette partie de l’Océan Indien, ceux qui ont intérêt au statu quo. Une franche victoire du Mouvement militant mauricien, le MMM de Paul Béranger, n’aurait pas seulement fait de la reine d’Angleterre la souveraine d’un pays devenu marxiste, elle aurait brisé les liens économiques existant avec l’Afrique du Sud et elle aurait même fourni à l’Organisation de l’Unité africaine un président « blanc » puisque Maurice a été l’an dernier l’hôte du sommet de l’OUA (Organisation de l’unité africaine). L’éventualité avait été prévue par le secrétaire général du MMM qui, pour y parer, avait confié à un Indien l’honneur de présider son mouvement. N’empêche que de bien étranges surprises peuvent nous être réservées par l’histoire !
Des sondages effectués dix jours avant le scrutin avaient assez bien cerné ses futurs résultats, mais qui donc y crut vraiment ? Certes, il y avait bien l’inconnue du vote des jeunes ayant 18 ans et plus, mais de là à imaginer que leur poids électoral pourrait faire basculer le parti social-démocrate de Gaétan Duval, il y avait loin. Avec ses institutions calquées sur le parlementarisme anglo-saxon, l’île Maurice apparaissait comme un « véritable îlot de démocratie ». Son Premier ministre lui-même avait mal apprécié les choses puisque Sir Seewoosagur Ramgoolam avait, à l’approche du scrutin, recherché une entente avec la formation de Paul Béranger. Celui-ci n’en avait cure. Son programme se voulait ouvertement comme une transition vers le socialisme. « Je suis marxiste », affirmait-il. Son intransigeance sur un programme de nationalisations assez diversifié, sur la question du retrait du Commonwealth et à propos de Diego-Garcia qu’il entendait récupérer et démilitariser fit échouer la tentative de sir Seewoosagur. Les trois partis politiques de l’île allèrent donc au-devant de l’électeur en ordre dispersé. Mais non sans prudence puisque les travaillistes du Premier ministre eurent soin de ne pas attaquer de front les sociaux-démocrates de Gaétan Duval.
Au lendemain des élections il fallut bien se rendre compte que si le MMM manquait de peu la majorité absolue, celle-ci n’appartenait pas non plus au parti de l’Indépendance jusque-là au pouvoir. Après la désignation des sièges tenus en réserve pour rétablir après coup une meilleure répartition ethnique, le Mouvement militant mauricien s’attribuait 34 mandats ; le parti de sir Seewoosagur Ramgoolam 28 ; et enfin la formation de Gaétan Duval 8. Il ne pouvait être question pour le Premier ministre de s’allier à Paul Béranger dont il eût alors été l’otage. Les grands perdants étaient les sociaux-démocrates de Gaétan Duval qui ne retrouvaient plus dans leur escarcelle les 43 % de voix obtenus en 1967. Sir Seewoosagur pensa un moment qu’il lui serait aisé de ne plus prendre en considération ces victimes. Il songea donc à constituer un gouvernement minoritaire. C’est alors que le secrétaire général du MMM poussa de beaux cris : lui seul était, avec ses 34 députés, en droit de prétendre former une telle équipe gouvernementale. Paul Béranger alla jusqu’à affirmer qu’il fallait considérer les résultats de ces élections comme « une victoire du pays avant d’être une victoire du MMM » Mais Sir Seewoosagur ne voulait pas dans son pays « d’un communisme comme à Cuba ». Il n’entendait pas faire du parlement de l’île un « pion dirigé de l’extérieur ». Il avait beau se rappeler, d’autre part, que sa précédente coalition avec Gaétan Duval n’avait pas été heureuse, force lui fut de constater qu’avec ses huit sièges le parti mauricien social-démocrate restait l’arbitre de la situation.
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