Aéronautique - L'AWACS américain participe à d'importantes manœuvres aériennes
Le Tactical Air Command des États-Unis a récemment procédé aux manœuvres aériennes les plus complexes et les plus condensées jamais conduites aux États-Unis en temps de paix.
Leur but : évaluer le Boeing E3-A AWACS (Airborne Warning and Control System) dans ses fonctions de surveillance, de commandement et de contrôle en situation de guerre de grande dimension.
Étant donné sa complexité, cet exercice s’est déroulé en deux phases. Le 8 novembre 1976, un test initial a opposé 94 appareils assaillants à 50 appareils amis et a permis de vérifier les divers aspects de la sécurité en vol ainsi que la possibilité d’effectuer la totalité des essais prévus. Ce test accompli avec succès autorisait le 10 novembre l’exécution de la deuxième phase au cours de laquelle l’AWACS a dirigé 134 appareils de défense aérienne contre 274 appareils « agresseurs » au cours d’un intense combat simulé de 50 minutes. Le scénario a mis volontairement en scène une attaque massive d’agresseurs supérieurs en nombre contre des forces alliées dont la seule supériorité était technique. Une ambiance de brouillage électronique, apportant un réalisme accru à la manœuvre, était fournie par des équipements aériens de l’US Navy et de l’US Air Force.
Cet essai, conduit sous la direction de l’AFTEC (US Air Force Test and Evaluation Centre), semble montrer que l’AWACS a maintenant atteint un niveau opérationnel.
Quelles sont les caractéristiques de cet appareil qui pourraient faire que l’Otan, voire l’Armée de l’air française, soient tentés de s’en équiper ? Quels sont les problèmes qui font qu’une décision est difficile à prendre ?
Le E3-A constitue d’abord une réponse au problème de la détection des avions assaillants qui pénétreraient à basse altitude sous la couverture des radars sol actuels en profitant des zones d’ombre créées par le relief.
À 10 000 mètres d’altitude, il peut veiller plus de 11 heures s’il opère au-dessus de son point de décollage. Son radar, qui fonctionne suivant plusieurs modes, peut voir jusqu’à 360 milles nautiques dans certaines conditions et détecter des avions de type Phantom en vol rasant jusqu’à 250 NM. Il est équipé des calculateurs nécessaires au traitement des informations, calculateurs dont la capacité permettrait le traitement simultané de 100 pistes. Un système intégré de communications « durci » JTIDS (Joint Tactical Information Distribution System) doit le relier à toutes les parties prenantes de la chaîne de défense aérienne : autres AWACS, intercepteurs qui recevront les informations les concernant par téléaffichage, stations sol. Ce système, qui résoudra les problèmes de communication, de localisation, et dans une certaine mesure d’identification, devra bien sûr équiper également tous les aboutissants appelés à travailler sous la direction de l’AWACS, en particulier tous les avions de combat.
À travers cette courte description, on voit l’intérêt pour l’Otan d’un tel système qui permettrait d’une part la surveillance du territoire dans des secteurs à l’heure actuelle mal couverts, venant ainsi compléter les chaînes de radars existantes, d’autre part le guidage des intercepteurs sur les pistes classées hostiles.
L’Armée de l’air, pour diverses raisons, « suit » l’avancement du programme, sans être pour l’instant directement intéressé. Le Commandant air des forces de défense aérienne (CAFDA) déclarait en novembre 1976 (article d’Armées d’aujourd’hui).
« La solution qui consiste à disposer de radars aéroportés est onéreuse et risque d’être éphémère en cas de conflit à cause de sa grande vulnérabilité. C’est pourquoi l’Armée de l’air s’oriente actuellement vers des radars d’aérodromes qui remplaceront les anciens SRE, détecteront à très basse altitude jusqu’à 50 km et achemineront leurs informations en temps réel vers les centres de contrôle par le système STRIDA ».
Indépendamment du fait que la forte vulnérabilité de l’AWACS est contestée par les tenants du système qui disposent d’excellents arguments, il est certain que l’armée de l’air doit, à partir de 1980, remplacer ses radars d’aérodromes. Elle peut décider d’adopter deux types de radar, l’un privilégiant la détection basse et moyenne altitude et la portée, l’autre la détection basse altitude. Elle peut ainsi, par la mise en place progressive de ces radars, se constituer un réseau de surveillance de bonne qualité, en même temps qu’elle équipera ses terrains. L’acheminement des informations vers le réseau de défense aérienne donnerait alors à ce dispositif toute sa valeur.
Ce problème des échanges d’informations que nous avons évoqué ci-dessus en mentionnant le JITDS est aussi à l’étude en France sous le nom de Sintac (Système intégré d’identification de navigation de contrôle de trafic d’anticollision et de communication). Nul doute qu’à moyen terme les forces aériennes pourraient avoir à s’équiper d’un tel système qui résoudrait les problèmes de transmission de données, d’identification et de localisation et serait mieux protégé contre les attaques électroniques ennemies. Sans doute l’idéal pour l’Armée de l’air consisterait-il à développer un Sintac compatible avec le JITDS pour le cas ou l’AWACS équiperait les forces de l’Otan.
Un tel système devrait en toute rigueur alléger l’équipement des avions de combat, en permettant la suppression des moyens actuels de communication radio, de navigation et d’identification. Dans la pratique ces moyens resteront indispensables tant que l’ensemble du territoire ne sera pas couvert d’un réseau maillé type Sintac très important au sol ; ils le seront également sur les avions que nous envisagerons de déployer hors de l’Otan. À travers ces quelques considérations, on mesure les difficultés des choix qui s’offrent actuellement.
Autre problème majeur : l’aspect financement du programme. AWACS est un avion très cher. Une évaluation financière remontant à 1975 chiffrait déjà le coût unitaire de l’AWACS à 250 MF pour une série de 36 avions. Une autre estimation indiquait une fourchette de 8 000 à 12 000 MF pour 36 appareils destinés à l’Otan, soit un chiffre encore plus élevé. À titre de comparaison, cette dernière somme correspond sensiblement au total du budget 1974 de la défense néerlandaise. À cette époque, le chroniqueur faisait remarquer qu’en admettant même une participation de 25 % des États-Unis au financement de 36 AWACS Otan, il resterait encore pour les pays signataires une contribution d’au moins 7 000 MF qui, quelle que soit la répartition adoptée, représenterait une lourde charge. On comprend alors qu’une décision soit difficile à prendre. Elle ne saurait en tout cas être constamment retardée. Les premières livraisons de série pour l’US Air Force devaient intervenir fin 1976 pour s’achever en 1979, si les 34 appareils prévus sont construits. ♦