Outre-mer - Tentative de désagrégation de l'Afrique centrale - La sécurité sur les rives de la mer Rouge à la veille de l'indépendance de Djibouti
Courant mars, M. Fidel Castro entreprenait un périple africain qui le conduisait de la Libye à l’Angola, en passant par l’Éthiopie, la Somalie, la Tanzanie et le Mozambique afin, sans doute, d’examiner la situation des débouchés de la mer Rouge à la veille de l’indépendance de Djibouti et les mesures à prendre pour accélérer la décolonisation de l’Afrique australe. Un peu plus tard, M. Podgorny se rendait à l’orée de ce secteur critique, en Tanzanie et en Zambie, pays qui jusqu’à présent se montraient réservés à l’égard de l’aide russe, puis au Mozambique pour y consacrer le succès des partisans de l’« orthodoxie soviétique » sur leurs adversaires sinophiles. À peu près à la même époque, la situation se dégradait singulièrement en Afrique centrale. D’une part, le Shaba (ex-Katanga) était envahi par les anciens « gendarmes katangais », partisans de l’autonomie de cette province ; de l’autre, le président Ngouabi était assassiné à Brazzaville où, depuis l’élimination du lieutenant Ange Diawarra et de M. Ndalla, il avait pu asseoir son pouvoir personnel et se débarrasser des contraintes idéologiques trop négatives. Qu’elles aient été interdépendantes ou non, ces deux entreprises peuvent avoir pour conséquence de diminuer le prestige grâce auquel le général Mobutu a pu reconstituer en cinq ans l’unité du Zaïre et la maintenir pendant cinq autres années, malgré les difficultés économiques et les insuccès de sa politique étrangère.
Le Shaba est au Zaïre ce que la Côte d’Ivoire était à l’Afrique occidentale française (AOF) ou la région de l’Est au Nigeria d’après l’indépendance : il fournit au gouvernement central les trois quarts des ressources en devises et couvre presque la moitié des recettes budgétaires. Sans cette province, l’ancienne colonie belge serait un État aussi dépourvu que ses voisins d’Afrique continentale. Mais, à la différence des territoires cités plus haut, la géographie et la colonisation ont voulu que le Katanga fût placé dans la même sphère économique que des pays soumis à une autre influence coloniale. Acquis par la société internationale privée que présidait le Roi des Belges alors que la compagnie minière de Cecil Rhodes, fondatrice des Rhodésies, s’efforçait de pousser vers le nord, le Katanga, devenu pratiquement le fief de la Société Générale belge, resta toujours tributaire de ses voisins méridionaux, notamment pour la fourniture du coke nécessaire au traitement du minerai de cuivre et pour celle des produits alimentaires ; il se trouva même rapidement englobé dans un réseau de voies de communication dont les Anglais étaient les maîtres d’œuvre. La Belgique n’avait pas cherché à atténuer cette anomalie pour des raisons économiques et politiques : d’une part, le rôle important joué par son unique colonie dans l’économie métropolitaine demandait que les travaux d’équipement fussent limités aux stricts besoins de l’exploitation ; d’autre part, l’influence anglaise au Katanga permettait de contrebalancer l’attraction que la présence française à Brazzaville exerçait sur la région de l’estuaire du Congo, attraction que Bruxelles considérait comme la plus dangereuse pour ses intérêts.
Cette situation particulière, autant que le morcellement tribal singulièrement développé au Zaïre, explique les difficultés survenues lors de l’indépendance, après la dislocation de la Force publique qui était la seule organisation capable de maintenir l’unité nationale en période critique : l’expérience Lumumba, la sécession du Katanga, la désagrégation générale du pays en 21 « provincettes » dont les gouverneurs, élus par la population, ignoraient les directives du gouvernement et étaient eux-mêmes contestés par celle des tribus qui ne détenaient pas le pouvoir provincial. Ce fut ensuite l’accession au pouvoir central de Tschombé, le chef de la sécession katangaise, puis l’organisation de l’armée nationale qui plaça le général Mobutu à la tête de l’État. Celui-ci réussit à refaire l’unité autour de l’armée et créa un parti, le Mouvement populaire de la Révolution (MPR), dont il est à la fois le doctrinaire et le maître absolu : ce mouvement a pu s’infiltrer dans toutes les organisations nationales y compris les Églises. Bien que la nécessité d’un développement rapide soit le prétexte invoqué pour justifier le maintien de mesures d’exception après l’entrée en vigueur de la constitution de 1967 qui consacrait le retour à l’unité, le Zaïre reste un des pays africains où le PNB par tête (90 dollars) est le plus bas : il était indispensable, avant de s’intéresser au bien-être de la population, de consolider l’existence de la nation en améliorant l’infrastructure et en atténuant les anomalies laissées par le colonisateur. La création d’un complexe industriel, qui utilise l’énergie obtenue par la construction du barrage d’Inga, permettra de rétablir l’équilibre intérieur de l’économie : il devrait être complété, pour parfaire l’unité nationale, par la construction d’une voie ferrée qui relierait le Katanga à l’estuaire du Congo sans rupture de charge, mais l’entreprise est encore à l’état de projet.
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