Outre-mer - L'Afrique en crise de la Corne orientale au Sahara occidental - L'Afrique australe devant la nouvelle administration des États-Unis
Avant même d’avoir quinze ans d’existence, l’Organisation de l’unité africaine (OUA) assiste à l’effondrement de tous les principes qui ont conduit à sa création. Elle ressemble aujourd’hui bien moins à une véritable institution qu’à un de ces organismes inefficaces où les hommes enferment leurs rêves, croyant ainsi se prémunir contre la nécessité. Mais existe-t-il quelque compagnie d’assurances pour garantir les songe-creux ? Pour vilipendée qu’elle ait pu être, la colonisation avait laissé l’Afrique avec en partage plus d’idées communes qu’elle n’en connaît maintenant. Cette dot a disparu sous l’effet d’influences contraires. Les soubresauts internes, de style sud-américain, qui ont marqué les premières années de l’indépendance, n’étaient rien en comparaison des assauts qui affaiblissent le continent à l’heure actuelle. Les soumissions idéologiques sont les plus implacables que puisse connaître l’homme. L’Afrique y a échappé tant que durait la guerre du Vietnam, cet abcès de fixation. Il n’en va plus de même et la brousse africaine a remplacé les rizières comme toile de fond. Soldats cubains, conseillers soviétiques, experts américains y supplantent ceux qui, au-delà de l’indépendance, croyaient pouvoir coopérer avec des pays que l’histoire leur avait fait connaître et aimer. Les temps ont bien changé : le barrage de Markala sur le Niger avait été édifié sans autre souci que la mise en valeur du pays (l’ancien Soudan français), mais Assouan bénéficia de l’aide soviétique parce qu’il s’agissait de faire pièce aux États-Unis et le chemin de fer Tanzam fut également l’occasion pour la Chine populaire de faire la nique à Moscou…
Il n’y a plus de coopération sur un échiquier où chacun n’est qu’un adversaire pour l’autre par le biais des figures et des pions. Encore le jeu des échecs a-t-il ses règles les plus strictes ! La Conférence de Berlin sur le partage de l’Afrique à la fin du siècle dernier était peut-être une réunion de « brigands » : au moins les participants s’entendirent-ils pour que l’ordre prévalût sur l’anarchie. Peut-on en dire autant aujourd’hui en considérant la conduite de certains État étrangers au continent ? Ce qui se passe est affligeant et pour l’amour des hommes il faudrait déshonorer certains principes au nom desquels on se permet de semer la ruine au lieu de fortifier l’espoir. Mais voilà, nulle autorité morale n’est là pour agir, et dans les assemblées internationales qui se targuent de veiller au grain, il y a beau temps qu’on ne songe plus à imposer un code. D’où leur discrédit.
Des pays qui naguère encore faisaient partie du domaine français, anglais, portugais ou espagnol (heurs et malheurs pris en compte) sont désormais la proie de convoitises et le jouet d’influences qui n’ont cure des intérêts de leurs populations. Ainsi va le sens de l’histoire, dira-t-on. Mais lorsque l’histoire trébuche et fait basculer des empires, témoins ou garants de la stabilité dans une région, qu’il soit au moins permis de dire que le progrès n’y trouve pas son compte. Contrairement à l’hymne révolutionnaire d’Eugène Pottier, il est faux que l’internationale soit un jour ou l’autre le genre humain. Notre époque, plus que toute autre, est celle des nationalismes : mais n’allons pas les assortir de je ne sais quelle norme égalitaire. Le nationalisme de la monarchie salomonienne en Éthiopie avait non seulement valeur d’exemple mais aussi des droits issus directement de l’histoire et des services rendus à la région. Tant qu’on en eut conscience à Addis-Abeba, nul ne put efficacement le mettre à mal. Dès lors qu’on lui substituait le dogme révolutionnaire on détruisait, volens nolens, tout un édifice qui n’avait jamais cessé d’attiser la convoitise. Les événements n’ont pas tardé à sanctionner le fait. La junte militaire en place à Addis-Abeba en est réduite à mobiliser les vétérans de l’armée impériale, à libérer les prisonniers pour tenter de faire face à une situation critique : les milices populaires, pour vaillantes qu’elles aient été, n’ont pas connu leur Valmy et le commandement révolutionnaire national des opérations (NROC) s’avère plus compétent pour lancer des appels et des directives que pour organiser réellement la résistance. L’élite, laminée depuis trois ans, en fuite ou bien simplement hostile au Deurg n’est plus aux places qui lui assuraient l’autorité indispensable à l’efficacité du dispositif militaire. C’est un pays anémié, déboussolé, en proie à ses démons, qui cherche à survivre, à échapper au sort de la Pologne au XIXe siècle.
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