Outre-mer - Évènements susceptibles d'influencer en 1978 l'évolution de l'Afrique australe - La mise en valeur des Terres australes françaises (TAAF)
En Rhodésie, un nouveau durcissement de la position de M. Ian Smith fait suite à la visite de Lord Carver qui, selon le plan de règlement anglo-américain, devrait être chargé de diriger l’administration rhodésienne au nom de la couronne britannique jusqu’aux élections : au préalable, cette personnalité, assistée du général indien Prem Chand, « représentant spécial » de l’ONU, avait la tâche de négocier la conclusion d’un cessez-le-feu entre les forces du gouvernement rhodésien et celles du « Front patriotique ». Mais sans se soucier des activités des diplomates anglo-américains et conformément à la promesse faite à ses électeurs, M. Smith a entamé des conversations avec les responsables des mouvements africains modérés. Le chef traditionnel Chirau, dirigeant de l’organisation du peuple uni du Zimbabwe (ZUPO), le révérend Sithole, président du Conseil national africain (ANC) et l’évêque Muzorewa, président du Conseil national africain unifié (UANC), ont accepté de discuter avec lui après que le Premier ministre se fut engagé à respecter strictement le suffrage universel. Les discussions portent sur les garanties que devrait donner la future constitution à la communauté blanche. Sa représentation à l’Assemblée par le tiers des députés pourrait être admise mais ne l’est pas encore : de son côté, M. Smith accepterait d’accorder le droit de vote à partir de dix-huit ans. En revanche, les Africains refuseraient toute concession sur deux des dispositions constitutionnelles prévues dans le projet gouvernemental : celle qui permettrait de bloquer un amendement à la constitution qui ne conviendrait pas à la communauté devenue minoritaire et celle qui accorderait aux fonctionnaires blancs une garantie d’emploi.
Simultanément, afin d’essayer de provoquer une rupture du « Front patriotique », alors que Londres et Washington s’efforçaient d’inciter les deux co-dirigeants à participer aux réunions, prévues par leur plan, pour discuter des conditions d’un cessez-le-feu, l’armée rhodésienne lançait un raid audacieux sur le quartier général des guérilleros situé à proximité de la ville mozambicaine de Chimoto (que les Portugais nommaient Vila Pery (1)) ainsi que dans les régions de Tete, au Nord-Ouest, et d’Espungabera, au Sud-Ouest. Ces opérations militaires s’avérèrent très meurtrières puisqu’elles firent près de trois mille blessés et tués parmi les réfugiés rhodésiens, combattants ou civils. Visant exclusivement les forces armées de la ZANU de M. Mugabe, elles paraissaient avoir un double objectif : réduire le potentiel militaire de cette organisation, la plus active dans la guérilla ; accentuer les divergences qui existent au sein du « Front patriotique » pour essayer d’amener M. Nkomo, le chef de la ZAPU, à se joindre aux partis modérés dans leurs négociations avec M. Smith. Rappelons que le « Front patriotique » a été constitué en octobre 1976 par MM. Mugabe et Nkomo sous l’égide des États africains de la « Ligne de front », afin surtout d’unifier les relations extérieures de la rébellion, mais que ses forces ne sont pas encore placées sous un commandement unique : celles de la ZANU, proches du FRELIMO et de l’armée du Mozambique, opèrent à partir de « sanctuaires » situés dans ce dernier pays, dans l’Ouest de la Rhodésie ; celles de la ZAPU, instruites en Zambie et en Angola alors que les premières sont formées dans des camps mozambicains et tanzaniens, exercent des activités assez réduites dans l’Ouest, à partir du Botswana et de la Zambie où les réfugiés rhodésiens sont également nombreux. Le dialogue entre Lusaka et Salisbury, dont nous avons signalé l’amorce (voir Défense Nationale de décembre 1977) et qui se poursuit discrètement, est à rapprocher de cette tentative de « récupération » de M. Nkomo qui, faut-il le rappeler, a déjà participé à des négociations avec le gouvernement rhodésien, début 1976, grâce aux bons offices de M. Kaunda, le président zambien, M. Smith paraît donc chercher à rompre autant l’unité du « front patriotique » que celle des pays de la « ligne de front ». Ces objectifs semblent être aussi poursuivis par les diplomaties américaine et surtout anglaise, bien que M. Nkomo ait la réputation d’avoir le soutien des Soviétiques. Selon les alliances qu’il choisira, le chef de la ZAPU déterminera donc, en grande partie, le caractère du futur régime rhodésien. En Afrique du Sud, trois événements survenus dans les derniers mois de l’année 1977 illustrent et peuvent accentuer l’isolement de Pretoria. La victoire du parti national de M. John Vorster aux élections législatives du 30 novembre 1977 (135 sièges sur 165) incitera le Premier ministre, bien que les éléments nationalistes les plus conservateurs aient essuyé une défaite, à se montrer moins souple dans les discussions internationales et, sans se soucier de l’opinion des pays occidentaux, à progresser le plus rapidement possible dans la voie d’une « décolonisation » fondée sur les principes du « développement séparé ». Pourtant – l’événement est capital – l’opposition parlementaire officielle n’est plus représentée par le parti uni, devenu le New Republic Party de M. Radclyffe Cadman (10 sièges) qui, sur le problème noir, avait une position presque identique à celle du parti national, mais par le Progressive Fédéral Party (PFP) de M. Colin Eglin et Mme Helen Suzman (17 sièges), partisan de l’évolution progressive vers une communauté multiraciale. Le PFP obtient ainsi la possibilité non seulement d’être le porte-parole, à l’assemblée législative, de l’opinion noire modérée mais de représenter les Sud-Africains blancs auprès de ceux des pays africains qui cherchent à promouvoir l’évolution de l’Afrique australe sans trop en bouleverser les structures.
L’événement suivant est l’accession à l’indépendance du deuxième bantoustan créé par l’administration sud-africaine. Depuis le 6 décembre 1977, le Bopmuthatswana, censé regrouper l’ethnie twana, constitue un État libre présidé par le Chef Lucas Mongope et doté d’une assemblée législative de 99 membres dont 48 sont élus, les autres étant soit membres ex officio, soit nommés par le gouvernement. Contrairement au Transkei qui forme un bloc homogène en bordure de la mer et peut être considéré comme un État politiquement et économiquement viable, le Bopmuthatswana est composé de sept morceaux dont seulement deux ont une frontière commune avec le Botswana, les autres étant enclavés dans le Nord de la province du Cap. dans le Transvaal et dans l’État libre d’Orange. Il a une superficie de 40 000 km2 et une population partagée à peu près par moitié en résidents permanents (1 174 000) et en émigrés (1 283 000) travaillant généralement dans les entreprises sud-africaines. Sa production agricole couvre 10 % de la consommation. Sa seule ressource minière exploitée est l’importante mine de platine d’Impala qui serait la deuxième du monde. Une accession à l’indépendance dans ces conditions sera sans doute utilisée par les adversaires de la doctrine du « développement séparé » pour montrer qu’une telle politique ne conduit pas à une véritable décolonisation des populations noires : elle risque même d’être considérée comme une provocation par l’opinion mondiale.
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